Rapport d'évaluation finale du Cadre de Coopération des Nations Unies pour le Développement Durable 2020 - 2024
RESUME EXECUTIF
Ce rapport présente les résultats, les conclusions et les recommandations de l'évaluation finale indépendante du Plan Cadre de Coopération pour le Développement Durable des Nations Unies (UNSDCF) 2020-2024 avec la RDC, commanditée par le Bureau du Coordonnateur Résident des Nations Unies (UNRCO) et conduite par une équipe d'évaluateurs externes de Décembre 2023 à Février 2024. En effet, le cycle de UNSDCF 2020-2024 arrive à terme en 2024, et cette évaluation se propose de déterminer dans quelles mesures ses produits ont contribué à la réalisation des effets attendus afin d’orienter la mise en œuvre du prochain Plan Cadre de Coopération pour la période 2025-2029. De manière spécifique, il s’agit de mettre en exergue les résultats atteints relativement aux objectifs et de jeter un regard critique sur la manière dont les ressources ont été utilisées à travers une analyse fondée sur des évidences collectées auprès des parties prenantes.
Il convient en effet, de relever que le gouvernement de la RDC, en collaboration avec l'équipe de pays des Nations Unies (UNCT), a formulé et co-signé le 30 Décembre 2019, UNSDCF 2020-2024 comme un dispositif partenarial pour soutenir la réalisation des priorités de développement de la RDC, fondées sur les leviers du Plan National Stratégique pour le Développement (PNSD) 2019 -2023, les grands principes de gouvernance des Nations Unies (Unis dans l’action, Ne laisser personne de côté ….), l’Agenda 2063[1] de l’Union Africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies sur les Objectifs de Développement Durable (ODD).
UNSDCF 2020-2024 comporte trois (3) priorités stratégiques identifiées conjointement par le Gouvernement et l'UNCT dont l’axe 1 : ’’Consolidation de la paix, respect des droits humains, protection des civils, cohésion sociale et démocratie’’ ; l’axe 2: ‘’Croissance économique inclusive, développement agricole, capture du dividende démographique, protection sociale et gestion durable des ressources naturelles‘’ et l’axe 3 :’’Services sociaux de base et assistance humanitaire’’. Il décrit la manière dont le Gouvernement et l'équipe de pays des Nations Unies mettent en commun leurs engagements, à travers la structuration des différents effets et leurs produits, l’architecture de financement, les dispositions de coordination et de mise en œuvre commune des interventions, les partenariats inter-agences dans le SNU et avec les autres acteurs de développement, le suivi des progrès, le système d’information, de rapportage et de communication, et enfin l'évaluation. Les trois (3) priorités stratégiques se déclinent, sur la base d’un lien structuré avec la chaîne des résultats du PNSD 2019-2023, en 08 effets et 22 produits et 155 indicateurs.
2. Objectifs et portée de l’évaluation
Cette évaluation se propose d'apprécier à la fois (1) les progrès de la mise en œuvre de l'UNSDCF 2020–2024, (2) sa pertinence par rapport au contexte national actuel et aux engagements mondiaux du pays, (3) l’efficacité de son dispositif de coordination, et (4) l’efficience et la durabilité des interventions engagées. L'examen a porté sur les résultats obtenus, les leçons apprises, l'appréciation des programmes conjoints des Nations Unies, l’optimisation de la gestion budgétaire, les défis et les opportunités, et recommande les meilleures pratiques à prendre en compte pour la formulation du prochain Plan Cadre de Coopération pour le cycle 2025-2029, dans un contexte de désengagement progressif la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation de la République Démocratique du Congo (MONUSCO).
Elle s’est faite de manière analytique, inclusive, participative et intégrée à travers une triple portée temporelle, géographique et programmatique. Au niveau temporel, elle couvre la période de mise en œuvre du Plan Cadre de Coopération allant de janvier 2020 au 30 septembre 2023[2]. Sur le plan géographique, elle s’est réalisée au niveau national à Kinshasa, et à l’échelle provinciale dans 4 provinces dont le Nord et Sud-Kivu pour l’axe 1, le Kongo Central pour Axe 2 et le Kasaï pour l’axe 3. Quant au plan programmatique, elle a porté sur les 3 (trois) axes stratégiques en prenant en compte le nexus, les interventions transversales, le désengagement de la MONUSCO, l’approche basée sur les droits humains, l’approche communautaire, l’égalité́ des sexes et l’autonomisation des femmes et des jeunes, et l’appui à la production et à l’utilisation des données sensibles au genre ainsi que les partenariats.
3. La méthodologie de l'évaluation
L'évaluation a porté sur les contributions de l'équipe de pays des Nations Unies aux résultats de l’UNSDCF à travers sa chaîne des résultats et le cadre général de coopération. Elle a adhéré aux normes et standards du Groupe d'évaluation des Nations unies (UNEG/DCO)[3] et de OCDE[4] et aux directives de l'UNEG[5] sur l'intégration des droits de l'homme et de l'égalité des sexes dans l'évaluation, et aux directives du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) sur l'approche des données fondée sur les droits de l'homme[6].
La collecte des données a été effectuée à travers des approches complémentaires dont la revue des documents de référence, les entretiens individuels semi-structurés auprès des responsables de la mise en œuvre, des enquêtes auprès des parties prenantes, les entretiens de groupe auprès des utilisateurs et l’observation directe pour apprécier l’opérationnalité de la fourniture des services[7]. L’échantillonnage a été inclusif et a pris en compte toutes les catégories de parties prenantes.
Limites : Les principales limites de l'évaluation comprennent des données incomplètes sur l'état de certains indicateurs, la disponibilité limitée de données fiables et désagrégées pour le genre ou le handicap, en particulier pour certains résultats au niveau des effets. Par ailleurs, l’évaluation s’est focalisée sur les données de 2020 à 2023 pour les programmes et à celles de 2020 à 2022 pour les éléments financiers. Par ailleurs, la RDC est un pays continent avec 26 provinces ayant des enjeux de développements complexes et différents. L’évaluation n’a pu toucher que 4 provinces sur les 19 couvertes par les programmes des Nations Unies pour des raisons d’accès, de temps, de sécurité et de budget.
1. Pertinence/adaptabilité
La cohérence de UNSDCF 2020-2024 aux priorités nationales, aux engagements régionaux et internationaux est très pertinente. En effet, non seulement ses trois axes stratégiques sont cohérents avec les cinq piliers stratégiques de PNSD 2019-2023, mais aussi avec la vision 2063 de l’Union Africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies sur les objectifs de Développement durable. Il y a une consonance remarquable dans la formulation désagrégée des axes prioritaires des effets et des produits suivant des liens logiques et contributifs au cadre de résultats du PNSD 2019-2023 marquée par une prise en compte perceptible des droits humains, du genre et de l’égalité des sexes, quelle que soit l’agence ou la nature de l’intervention.
En outre, l’UNSDCF et l’équipe-pays des Nations Unies en RDC ont généré une excellente capacité d’anticipation, de flexibilité et d’adaptation aux épidémies (crises récurrentes d’Ebola dans plusieurs provinces, choléra dans 519 zones de santé, COVID-19 entre 2021 et 2022, la variole du singe -monkey pox-), aux catastrophes naturelles (érosion et éboulement de terrain dans le territoire de Bushushu, éruption du volcan Nyiragongo dans le Nord Kivu), crise russo-ukrainienne, conflits armés récurrents (environ 266 groupes armés locaux et étrangers sur le territoire), sans compter les nouvelles priorités du gouvernement pour répondre de manière satisfaisante aux besoins de la plupart de ses cibles. Cependant, en plus du déphasage de son ancrage institutionnel, il a une géographie exigüe avec une focalisation dans les provinces de l’Est, un ancrage thématique humanitaire et une priorisation limitée aux interventions traditionnelles et mandataires, qui réduisent son potentiel dans certaines thématiques émergentes comme le capital naturel, le foncier, l’aménagement du territoire ou l’économie verte. Par ailleurs, dans un contexte où les femmes représentent plus de 51% de la population et les jeunes de moins de 30 ans près de 60%, les thématiques sur le genre et la jeunesse restent fondamentales et méritent d’être approfondies pour faciliter le passage de la phase de connaissance et de prise de conscience à une étape transformationnelle.
2. Efficacité
Les interventions de UNSDCF 2020-2024 ont contribué à certains des résultats destinés à améliorer les priorités de développement de la RDC. Elles ont eu un effet sur certains défis de développement et des politiques publiques du pays dont l’amélioration des capacités du système de planification et de programmation budgétaire, des cadres de promotion de services sociaux clés comme l’emploi et l’accès à l’énergie, l’accès aux moyens de subsistance, le renforcement des infrastructures agricoles de base, sanitaires et scolaires de base, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la protection des civils et la promotion des droits humains, la réponse aux épidémies, l’accès à l’eau et l’assainissement, la promotion de l’environnement durable sans oublier les interventions pour la promotion de la démocratie et de la gouvernance.
La protection des civils et des personnes vivant avec le handicap, la promotion des droits humains, les réponses aux différentes formes d’exploitation, les violences physiques, psychologiques ou sexuelles ont été au cœur des interventions des Agences, Fonds et Programmes (AFP) avec un relief sur l’implication des femmes et des communautés dans les questions de paix, de sécurité, de vulnérabilité économique et de l’assistance humanitaire à travers le triple nexus. Cependant, le contexte global reste fébrile et fragile avec des cas itératifs de violation des droits humains dans le pays, la récurrence des conflits armés à l’Est et surtout l’absence de l’Etat ou obsolescence de son autorité dans certaines régions.
3. Efficience
Les nouvelles prérogatives du Coordinateur Résident (CR) avec la reforme ont été une forte opportunité pour promouvoir les principes cardinaux des Nations Unies en interne dans l’équipe pays et en externe auprès des bailleurs, le public, la société civile et l’Etat. Globalement, les budgets prévus ont été relativement mobilisés (autour de 60% par effet) ou exécutés (80% en moyenne par an et par effet). Les ressources financières, humaines et matérielles canalisées vers les interventions ont été évidentes dans le continuum des services tout au long du cycle, en dépit des nouvelles initiatives du gouvernement et la pandémie de la COVID-19 qui a ralenti certains engagements avec les partenaires de mise en œuvre. Les planifications conjointes, les projets et les initiatives conjoints, les mécanismes de coordination divers au niveau national et progressivement au niveau des provinces, la présence active du CR dans les divers groupes des partenaires bi-multilatéraux et du secteur privé, sont des opportunités accélératrices pour rendre plus efficaces l'offre et les opérations conjointes des Nations Unies dans le pays.
L’utilisation du Business Operations Strategy (BOS) a donné de bonnes perspectives pour l’optimisation dans l’utilisation des ressources. C’est également le cas des projets conjoints dont le profilage raffiné, l’importance des thématiques abordées et l’enjeu des sites d’intervention sont des gages des résultats tangibles. Enfin, des partenariats sectoriels aguerris ont été utilisés pour l’optimisation des résultats atteints en dépit de l’ancrage stratégique limité avec le gouvernement au niveau national et dans certaines provinces.
Cependant, il convient de relever que l’application du Mutual Accountability Framework (MAF) n’est pas optimale pour créer une fusion stratégique dans l’équipe-pays où l’esprit résiduel de positionnement identitaire et de compétition persiste.
4. Durabilité
Le niveau de durabilité perçu est élevé en interne et en externe par la plupart des partenaires rencontrés, surtout les acteurs étatiques, les partenaires de mise en œuvre et davantage les bénéficiaires. Au regard de l’analyse des indicateurs d’effets, des changements positifs ont été relevés à travers certaines interventions des différents AFP au niveau de l’éducation, la croissance économique, le registre social et les droits humains, la modernisation de la justice ou la démocratie. La pertinence, la communication et l’alignement de UNSDCF aux piliers du PNSD sont des facteurs déterminants d’adhésion, de participation et d’engagement des parties prenantes surtout de la partie étatique. Au niveau des agences, le travail en commun et l’harmonisation des approches d’évaluation de renforcement des capacités, de suivi programmatique et budgétaire ont été fortement appréciés.
Cependant, l’élan d’appropriation est faible sur toute la pyramide décisionnelle, tant au niveau national, décentralisé que communautaire. Il en est de même des organisations locales dont les capacités et les compétences restent à renforcer sur le double plan organisationnel et de la gestion efficace des projets. Dans ce contexte, la valorisation des acquis en termes de pérennisation demeure un défi à remonter pour assurer une durabilité institutionnelle, économique, sociale et environnementale tangible. En outre, le déficit de coordination stratégique entre le gouvernement et les initiatives du SNU et la fragmentation des stratégies nationales de développement, n’ont pas facilité les synergies nécessaires pour l’appropriation.
5. Coordination
Les structures et le mandat des groupes de résultats et des groupes thématiques sont bien organisés avec des termes de référence spécifiques, ce qui accroît la cohérence et l’efficacité de UNCT vis-à-vis des objectifs communs en soutien aux ODD. L’UNCT et ses organes de gouvernance ont donné une impulsion importante pour l’organisation des revues annuelles conjointes (y compris la partie nationale, la société civile et les partenaires techniques), le développement des plans de travail conjoints et l’élaboration des rapports annuels. A travers la communication de proximité du RCO, les partenaires techniques et financiers comprennent de mieux en mieux les enjeux de la réforme et apprécient l’élan de cohérence du système dans son ensemble mais déplorent, dans leur large majorité, l’absence d’un cadre de partenariat solide pour porter l’UNDCF. Le Comité de Pilotage Conjoint (CPC), véritable boussole stratégique de UNSDCF, a été tardivement mis en place en début de l’année 5 du Cycle, ce qui traduit l’absence d’un leadership solide et agissant pour porter le Plan Cadre de Coopération.
Même si l’approche nexus actuelle est fragmentée et axée sur les actions opérationnelles, elle est utilisée par excellence pour améliorer l'accès aux services sociaux de base et aux moyens de subsistance, renforcer les mécanismes de coordination et les capacités de facilitation, et consolider le partenariat et l'apprentissage inter organisationnel sur les réponses globales fondées sur l’analyse des causes profondes et structurelles.
[1]- L'Agenda 2063 résume non seulement les objectifs de l'UA en matière de développement durable, mais aussi en matière de développement économique et social
[2]- L’analyse des données programmatiques du 4ème trimestre de 2023 sera conditionnée par la disponibilité des données. Si ces données ne sont pas disponibles, alors la limite temporelle sera dictée par la disponibilité des données les plus actuelles dans UNINFO et les différents rapports disponibles ;
[3]- Guidelines for the Evaluation of the United Nations Sustainable Development Cooperation Framework, United Nations Evaluation Group/ UN Development Coordination Office (2021). UNEG CF Guidelines. New York : UNEG ;
[4]- Réseau du CAD de l’OCDE sur l’évaluation du développement (EvalNet), 2019 ;
[5]- Intégrer les droits de l’homme et l’égalité des sexes aux évaluations –Vers un document d’orientation du GNUE, Mars 2011 ;
[6]- Une approche des données fondée sur les droits de l’homme : « Ne laisser personne de côté » dans le programme de développement durable à l’horizon 2030, Nations Unies 2018 ;
[7]- Pour avoir une base de d’information solide et crédible, garantissant des informations valides, fiables et suffisantes pour répondre aux objectifs et aux buts de l'évaluation, une triangulation des données issues de ces différentes sources a été opérée.