Transcription de la conférence de presse ONE UN du 28 octobre 2020
Le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, en charge de la protection et des opérations David Gressly, est l'invité spécial ce jour
La conférence de presse des Nations Unies était animée à partir de Kinshasa par Mathias Gillmann, porte-parole de la MONUSCO par intérim et coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Avec nous aujourd’hui depuis Goma : le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, en charge de la protection et des opérations David Gressly, qui est notre invité spécial.
Mais avant de donner la parole à M. Gressly, je voulais vous signaler que les Nations Unies ont lancé en ce mois d’octobre une campagne appelée Marquons la pause pour combattre la désinformation sur les réseaux sociaux concernant particulièrement la pandémie à coronavirus. Ce phénomène des fake news ou infox n’épargne aucun continent ni aucune culture. D’où un appel surtout aux jeunes du continent et de la RDC, de prendre toujours du recul et un temps de pause avant de partager toute information reçue sur les réseaux sociaux. Cette lutte contre les fausses informations concerne évidemment aussi les médias et nous comptons sur vous pour vérifier toute information avant de la diffuser dans le but d’assurer la sérénité et la fiabilité du débat public.
Je voulais également vous signaler que le Bureau terrain de Goma a entamé depuis ce mardi une visite de réponse intégrée à Pinga avec toutes les sections substantives et la force. Il s’agit de mener un certain nombre d'activités visant à renforcer la capacité des autorités locales et des acteurs communautaires à lutter contre les facteurs contribuant à l'insécurité persistante, à prévenir la violence et les violations des droits de l'homme et à apaiser les tensions communautaires.
L’objectif est également de contribuer à la lutte contre l'impunité, en particulier en matière les violences sexuelles mais aussi de renforcer les mécanismes communautaires de protection des civils et d'alerte précoce. Sur place, il est prévu de faire des consultations avec les leaders communautaires sur les défis de la cohabitation pacifique et enfin de mettre à jour la cartographie de la présence et des besoins des autorités locales.
En outre, la section des Affaires civiles a soutenu le 23 octobre l’organisation d’un forum de discussion de la plateforme locale de la société civile Réseau de Plaidoyer et de Protection (RPP) à Kitshanga située dans le territoire de Masisi, autour des mécanismes pour atténuer et prévenir les menaces récurrentes de sécurité et de protection des populations civiles.
Je voulais aussi rapidement, avant de donner la parole à Mr Gressly, vous signaler que l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont lancé le projet « Solutions durables pour la cohabitation pacifique entre les communautés Twa et Bantoue dans la province du Tanganyika », c’est un projet qui est financé par le Fonds pour la consolidation de la paix de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC).
Suite à l’amélioration de la situation sécuritaire en 2019, près de 625 000 personnes sont retournées dans leurs zones d’origine. Pour accompagner ce retour massif des populations et atténuer les causes structurelles et les séquelles du conflit, le Fonds pour la consolidation de la paix de l’ONU appuie la province du Tanganyika, à travers plusieurs projets de consolidation de la paix et la cohésion sociale.
Enfin aussi le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a remis aujourd’hui, des équipements médicaux, des stations de lavage des mains, ainsi que des salles rénovées aux autorités sanitaires de deux structures de santé à Kinshasa, dans les communes de Limete et de Lingwala.
Vous le savez à travers le pays, le HCR appuie plusieurs centres de santé ou des déplacés et des refugies internes sont pris en charge mais la en l’occurrence, ce soutient bénéficie aux Kinois, donc je voulais vous le signaler.
Je vois que M. Gressly est avec nous depuis Goma. M. Gressly, merci d’être avec nous aujourd’hui, vous avez la parole, nous vous écoutons.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : Bonjour à tous à Goma, jambo, merci bien pour cette opportunité. Je voudrais simplement partager avec vous quelques observations sur mes visites récentes dans la province du Nord-Kivu. J’ai été récemment à Pinga, entre Walikale et Masisi, les deux territoires, et après, j’ai été à Beni, Simuliki, Kilya et ailleurs autour de Beni, pas loin de Beni.
Donc, les quelques observations que je voudrais partager avec vous après mes visites sont les suivantes. D’abord, nous sommes très préoccupés par la situation sécuritaire dans les deux localités, et partout dans le Nord-Kivu, franchement.
A Pinga, je suis allé avec notre commandant du secteur, du bataillon indien. Nous y sommes allés pour voir la situation de la population civile, il y avait beaucoup de déplacés en ville, liés au conflit qui continue dans cette zone entre les factions NDC-R. Et on a aussi utilisé cette visite pour examiner la situation humanitaire et sécuritaire. On a discuté de la situation humanitaire avec les déplacés mais aussi avec les quelques humanitaires sur place. Nous avons aussi discuté des besoins de développement qui existent dans cette zone.
Pour moi, c’était très utile d’y aller, d’écouter la population, et de voir ce qu’on peut faire de notre côté, ce que nous pouvons faire pour augmenter la protection des civils dans cette zone, et aussi pour faire un plaidoyer pour l’assistance humanitaire qui est vraiment un besoin, un besoin clair dans le centre de Pinga.
Et aussi, on a utilisé cette opportunité pour survoler la route entre Sake et Pinga, pour voir la situation routière et surtout l’état des ponts. On sait qu’il y a plusieurs ponts qui ne fonctionnent plus, y compris à Osso – et le pont à Sake mais là c’est en cours en termes de réhabilitation. Donc nous envisageons aussi d’aider à l’ouverture de cette route qui pose un problème majeur pour la population.
Pendant notre séjour, nous allions voir qu’est-ce qu’on peut faire pour protéger la population ; on a décidé de garder notre Force à Pinga et à Lukweti où il y a beaucoup de déplacés. J’ai déjà parlé de la situation routière mais ça pose un grand problème, la population est très enclavée, vraiment, on doit faire quelque chose ensemble.
Comme je l’ai dit à la population, on a donné notre engagement de travailler avec les partenaires humanitaires et de développement. La semaine prochaine, j’espère, on va y retourner, moi-même avec les partenaires, pour voir de près la situation avec les partenaires humanitaires et de développement. Et j’espère qu’avec cette impulsion, on peut répondre au moins un peu aux besoins de cette population qui est vraiment dans une situation sérieuse.
Je suis aussi allé à Beni il y a une semaine. En fait, j’y suis allé un jour après l’évasion de la prison de Beni, qui est une situation aussi préoccupante. Même avant mon arrivée, nous avions déjà commencé à travailler sur cette situation avec les autorités locales ; nous avons lancé nos drones le matin de cette évasion – moi-même, j’ai été contacté ici à Goma pour donner cette autorisation – ils ont survolé toute cette zone toute la journée de l’évasion, ils ont détecté plusieurs échappés et on a donné les coordonnées aux autorités locales pour aller chercher ces personnes.
Je crois que jusqu’à maintenant, parmi les évadés, il y en a à peu près 300 ou plus qui ont été capturés, ce qui est quelque chose de bon mais ce n’est pas du tout suffisant parce qu’il y avait à peu près 1.400 personnes qui se sont évadées de cette prison.
Nous sommes aussi allés visiter la prison pour aller voir la situation et pour voir comment ces personnes ont réussi à s’échapper de la prison – bien sûr, c’est la porte qui a été cassée mais ce que nous avons noté, surtout, c’est que la prison est peu loin de la ville de Beni, est difficile à accéder. Il semble qu’on doive renforcer la protection de cette prison.
Donc nous sommes aussi en discussion avec les autorités locales pour voir ce qu’on peut faire pour les aider à renforcer la sécurité de la prison – déjà certains prisonniers sont de retour, donc nous devons commencer ce travail pour éviter une telle évasion à l’avenir.
Nous avons aussi une préoccupation par rapport à la possibilité d’une augmentation de la criminalité dans la ville de Beni mais peut-être ailleurs aussi. Donc j’ai demandé à notre police de travailler avec la police nationale, localement, à Beni, Bunia et Butembo. D’augmenter notre appui à la police de proximité pour mitiger cette possibilité d’une augmentation de la criminalité.
Nous sommes aussi préoccupés par des personnes qui étaient soit victimes, soit témoins dans des procès de certaines personnes – ça reste toujours une préoccupation pour nous. On continue de collaborer avec les autorités locales dans la recherche des évadés.
Je suis aussi allé à Kiliya, qui se trouve sur la route entre Beni et Kasindi, une zone qui a été affectée par les ADF et d’autres groupes armés dans le passé. Nous venons d’établir une base à Kilya, et ça m’a donné une possibilité pas seulement de discuter de la situation sécuritaire avec notre Force mais aussi avec les communautés locales. On a eu un très bon échange avec elles – elles sont un peu réticentes, à cause de tous les problèmes dans le passé liés à leur sécurité - mais je crois qu’avec notre présence, ensemble avec la présence de l’armée congolaise, on peut mieux sécuriser cette zone.
Nous demandons aux populations locales beaucoup d’informations à propos de la situation sécuritaire. On doit gagner la confiance de cette population, je crois, si on veut vraiment avoir un succès. Je suis allé aussi avec une équipe qui est spécialiste dans le domaine de la protection des civils. On va revoir nos méthodes pour protéger les civils, pas seulement à Kilya mais un peu partout dans la zone de Beni. Pour moi, c’est important qu’on adapte notre capacité de protection.
Le lendemain, je suis allé à Simuliki. C’est une ancienne base de la MONUSCO là-bas que nous avons transférée à l’armée congolaise en février de cette année. J’y suis allé parce que nous avons envisagé le développement d’autres bases, jusqu’à cinq en fait, pour les FARDC dans cette zone. Pour les aider à mieux sécuriser ces zones mais aussi à tenir des positions pour éviter ce qui s’est passé en 2017, où la MONUSCO et les FARDC avaient été repoussées de certaines positions à ce moment-là.
C’est important à mon avis qu’on tienne nos positions si on veut donner vraiment une bonne protection aux civils. Donc ça, c’est un projet dont nous avons déjà discuté – nous avons commencé les discussions avec l’armée congolaise, et même quand j’étais à Kinshasa, j’en ai discuté avec les autorités là-bas. Je crois que ça va avancer et si ça marche dans cette zone, on va envisager de faire la même chose ailleurs, y compris dans la province de l’Ituri et peut-être après au Sud-Kivu.
En même temps, j’ai eu avec la société civile de Beni une discussion très franche, je dois dire. On comprend que la population est très fatiguée avec toutes ces attaques contre eux mais le feedback que nous avons reçu était très constructif. Ce qui manquait, selon eux, parmi d’autres choses, c’est un dialogue avec feedback, c’est-à-dire qu’est-ce qu’on fait avec leurs recommandations. Ils veulent avoir un feedback à propos de ça pour qu’on puisse avancer, à partir de nos échanges, sur des actions. Pour moi ça, c’était très clair et on va engager ça avec notre nouvelle Cheffe de Bureau qui est là depuis trois mois maintenant, je crois. Elle est très efficace et très très expérimentée aussi.
Et finalement, j’ai eu une discussion avec les humanitaires présents à Beni. Les besoins sont énormes dans cette zone, y compris dans le contexte du post-Ebola qui pose toujours des problèmes pour les populations. On a discuté de tout ça, ce n’est pas mon métier, mais on va faire le plaidoyer auprès des partenaires qui sont positionnés. On est conscients du fait qu’avec la pandémie COVID-19 et l’épidémie d’Ebola à Mbandaka, ça a limité un peu les financements mais on a noté que les besoins sont réels à Beni et on va continuer notre plaidoyer pour cette assistance humanitaire.
Et peut-être pour terminer, j’ai eu l’occasion aussi de voir notre nouvelle base de drones, system UAS comme on dit en anglais, qui est opérationnelle maintenant. Ce que je voudrais voir, pour ma part, c’est un meilleur engagement avec l’armée congolaise pour utiliser ce système en temps réel, pour nos propres opérations. Je crois qu’on peut avoir un grand avantage si on a cette collaboration donc je vais voir avec notre Force comment on peut renforcer cette collaboration pour qu’on puisse voir les résultats attendus.
C’est plus ou moins ce que je voulais partager avec vous de mes visites récentes. Comme je disais, j’espère retourner à Pinga la semaine prochaine, et on continue avec nos efforts ailleurs – Sud-Kivu, Bunia, Tanganyika – mais peut-être après une visite à l’avenir dans ces localités, on peut en discuter.
Avec ça, je vais terminer mes remarques, merci bien à tout le monde et s’il y a des questions, je suis prêt à essayer d’y répondre.
Question 1
Papy Okito/ Echo d’opinions (Goma) : Vous êtes bien connus ici en République démocratique du Congo, vous parlez aussi des langues locales, ce qui vous manque peut-être c’est une femme congolaise… Mais il y a toujours beaucoup de morts en République démocratique du Congo, notamment à Beni. Quand-est ce que vous pourrez dire peut-être : aujourd’hui, nous arrêtons avec ces tueries que la population est en train de subir chaque jour ? Si vous avez promis de conduire des camps, cinq camps militaires à Beni, est-ce que ce n’est pas une utopie ou juste pour plaire à la population congolaise ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : On n’est pas ici pour faire plaisir à la population, on est là pour vraiment rechercher une paix durable. Ça, c’est essentiel.
Peut-être je peux commencer avec le fait que nous avons déjà présenté, ensemble avec le gouvernement, notre plan, notre stratégie pour notre retrait progressif du Congo. Dans ce plan, dans cette stratégie, on a indiqué qu’on va quitter la région du Kasaï, et peut-être après le Tanganyika. Mais dans les zones comme ici, le Nord-Kivu, on va rester jusqu’à ce qu’on puisse avoir vraiment une paix durable.
C’est difficile ici, c’est compliqué ici, moi je suis fatigué avec tous ces conflits. Je ne suis pas du tout satisfait avec les progrès faits jusqu’à maintenant. Je crois qu’on doit continuer à trouver des méthodes nouvelles qui vont vraiment aider dans la protection des civils mais aussi pour mettre fin à tous ces conflits, que ce soit contre les ADF ou contre les autres groupes armés.
Donc nous avons en interne élaboré une nouvelle stratégie pour le Grand Nord, où on va essayer d’assurer que toutes les composantes de la Mission vont vraiment travailler ensemble, avec le même objectif, c’est-à-dire la paix durable. Et on va s’engager avec soit les militaires congolais, soit avec la police nationale, surtout avec la population locale et au niveau national – on va travailler avec les autorités là-bas- et ensemble, on doit trouver des solutions pour mettre fin à tous ces conflits.
Mais je crois qu’on doit aussi – on est en train de le faire – intégrer les aspects de développement dans cette stratégie. Ce n’est pas quelque chose que la MONUSCO peut faire seule, ça va demander aux autres partenaires et au gouvernement de travailler là-dessus.
Je peux citer en exemple les routes : c’est très important qu’on ait des routes qui soient fiables, qui puissent faciliter pas seulement l’accès pour la sécurité, mais aussi pour promouvoir l’économie, pour générer de l’emploi pour les jeunes, parce que je crois que c’est le noyau du problème. Si les jeunes n’ont rien à faire, n’ont pas de possibilités d’emploi, ils vont continuer de trouver d’autres moyens pour gagner leur vie.
Donc on doit avoir un programme vraiment intégré avec les partenaires pour s’attaquer à tous les aspects – sécuritaire, développement- si on veut avoir une avancée importante dans la recherche de la paix. C’est dans ce sens qu’on va travailler maintenant.
Concernant les bases que j’ai citées : comme je le disais, ce que nous avons noté en 2017, que vous avez noté aussi n’est-ce pas, c’est qu’il y avait des positions FARDC dans ce qu’on appelait le Triangle de la Mort, des positions de l’armée congolaise. Nous-mêmes, nous étions sur les routes en bas de ces positions mais avec le regroupement des ADF, ils ont profité de ce regroupement pour attaquer toutes ces positions. On doit examiner pourquoi ils ont réussi ça.
C’est à partir de cette réflexion que nous voulons proposer cette approche, pour voir si on peut trouver un moyen pour que l’armée congolaise et nous-mêmes puissions rester dans les zones où on peut vraiment protéger la population, et provoquer une disruption des activités des ADF. Petit à petit, ça va donner une meilleure capacité à agir. Je crois que ça, c’est une clef – ce n’est pas la seule – mais une clef pour avoir un succès contre les ADF.
Question 2
Mamytha Bangulu/RTNC : Ma question s’adresse au représentant spécial adjoint chargé de protection et des opérations. Mr Gressly, quelle est la position de la MONUSCO par rapport à la nomination d’un bourgmestre a la tête de la commune rurale de Minembwe ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : Ce n’est pas à nous d’avoir une position. Notre objectif dans ce pays c’est toujours la protection des civils et la recherche d’une paix durable. Donc on reste en contact avec la population localement et toutes les communautés qui ont été affectées par les conflits. Moi-même j’étais à Mikenge ou j’ai vu des déplacés mais aussi à Bijombo où il y a encore plus de déplacés.
Donc pour moi, l’essentiel ce sont ces populations qui sont en déplacement et on va continuer. Il faut coaliser nos efforts pour aider ces gens. Nous sommes en train de voir comment on peut aider les gens à partir de Bijombo. Des collègues sont actuellement sur place pour voir ce qu’on peut faire de plus pour toutes ces communautés.
Je crois que le président a été clair sur cette question de Minembwe. On laisse aux autorités congolaises la gestion de cette situation. Mon orientation est plutôt la protection de ceux qui souffrent dans cette zone. On va continuer de voir comment on peut augmenter notre capacité dans cette zone.
Question 3
Sonia Rolley/ RFI : J’aimerais en savoir un peu plus sur le plan de retrait de la MONUSCO. Pourquoi vous avez décidé de commencer par le Kasaï et le Tanganyika en 2021-2022 je crois ? Et pourquoi ne pas travailler directement sur la réforme du secteur de la sécurité c’est à dire sur les forces de sécurité elles-mêmes ? Qu’est-ce-qui peut être fait de ce point de vue pour permettre un retrait dans le bon ordre de la MONUSCO ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : Ensemble avec le Gouvernement, nous avons étudié la situation sécuritaire dans les six provinces ou nous avons toujours une présence, je vais les citer, nous sommes toujours présents dans l’Ituri le Nord-Kivu, Sud-Kivu, Tanganyika, le Kasaï central, et le Kasaï. Ensemble nous avons déterminé que la situation sécuritaire dans les deux provinces [du Kasaï] est vraiment au niveau où les forces de défense et de sécurité peuvent gérer sans nous. Donc c’est aussi simple que ça, c’est pourquoi nous avons décidé de commencer dans ces deux provinces. Nos derniers militaires vont quitter très bientôt, d’ici la fin du mois, on va les remplacer par des policiers.
Je crois qu’on va fermer ces bureaux vers juin de l’année prochaine. Nous allons continuer à mobiliser nos efforts là où les conflits sont toujours importants, comme ici dans le Nord-Kivu, Ituri et au Sud-Kivu. Et je crois avec un focus plus orienté vers les trois provinces. Et concernant cette question, on va travailler avec l’armée congolaise. Je pense que ce qui est important à savoir c’est qu’en tant que mission de maintien de la paix, nous sommes [déployés] dans un pays où il y a des menaces contre la paix internationale. Franchement cela n’existe plus dans les régions de Kasaï, cela existe toujours dans d’autres zones.
Donc ensemble avec le gouvernement, nous devons et nous sommes en train d’établir les conditions qui vont permettre notre départ définitif des provinces qui restent. Coté sécuritaire mais aussi côté des capacités des forces nationales. Donc nous sommes en train de discuter avec le gouvernement et les partenaires comment on peut atteindre cet état.
Je crois que c’est plutôt une orientation globale. Une tripartite entre les partenaires, nous-même et le gouvernement pour travailler ensemble afin d’achever cette étape. Cette étape de paix durable, cette étape où les forces nationales de sécurité sont à la hauteur de la situation. La même chose pour la justice et d’autres domaines dans lesquelles nous avons des actions sur le terrain. C’est sur cette orientation que nous allons travailler.
Nous sommes au début de ce processus, il y a beaucoup de questions à examiner pour aller de l’avant. Je ne peux pas aller dans les détails. Jusque-là, nous nous sommes accordés sur certains principes pour aller de l’avant et nous allons encore avoir des discussions pour aller dans les détails.
Question 4
Dalmon Ndungu/Congo profond.net (Goma) : J’aimerais revenir sur Beni, c’est par rapport aux drones. Lors de l’évasion vous avez utilisé ces drones et vous avez fait tambours battants. Même si vous avez insinué qu’on va voir la collaboration si on peut les utiliser pour traquer l’ennemi. Est-ce que vous pouvez confirmer que ces drones seront utilisés pour identifier les lieux où se cachent l’ADF pour qu’on puisse en finir complètement ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : Oui bien sûr. Cela peut aider parce que c’est un nouveau système qu’on utilise maintenant – je ne peux pas rentrer dans tous les détails – mais qui peut faire beaucoup mieux, qui peut durer plus longtemps dans les airs. Je crois que sa capacité est très importante.
Mais on doit examiner deux, trois choses. D’abord comment on peut mieux l’utiliser pour aider et travailler avec l’armée congolaise. Parce que c’est un outil que nous voulons qu’ils utilisent aussi.
Deuxièmement, je crois qu’on doit examiner les capacités mêmes de ce système pour voir si ça marche ou pas dans les forêts qui existent autour de cette dense zone. Ce n’est pas une solution définitive, c’est un outil qui va aider dans les opérations. Et même avec les évadés, j’ai vu la scène moi-même, on a vu les détails de ces évadés, certains ont même été arrêtés par des citoyens. Donc c’est quelque chose de très utile dans ce sens avec un rayon d’opérations plus important. Et je crois que c’est un outil qui va aider non seulement la MONUSCO mais aussi l’armée congolaise.
Question 5
Jean-Pierre Nkutu/ Le Phare : La situation politique en RDC reste dominée par le discours du chef de l’Etat avec les effets collatéraux qu’on a suivi. La MONUSCO qui accompagne le gouvernement congolais semble avoir adopté un profil bas. On aimerait savoir ce que la MONUSCO pense pour désamorcer la crise.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : Je crois comme depuis des années, la Représentante spéciale, qui sera de retour ce soir, va continuer ses efforts de bons offices, de rester en contact avec toutes les couches politiques pour aider dans la décrispation, si on veut utiliser ce terme.
C’est toujours la même chose : travailler ensemble avec tout le monde, avec tous les partis politiques, la société civile pour aider à trouver des solutions qui vont permettre une évolution politique positive au pays. Déjà, nous avons noté plusieurs avancées au pays, et c’est déjà bien. Le fait qu’il y ait parfois des tensions, cela existe un peu partout et dans d’autres pays aussi.
Mais on va continuer notre travail de bons offices au niveau national mais aussi au niveau des provinces. C’est ce que nous faisons ici à l’est, par exemple, chaque fois qu’on voit quelque chose où on peut donner un coup de main avec notre capacité, on le fait volontiers. Donc, on va continuer. Je sais que la Représentante spéciale, elle-même, a été très active jusqu’à son départ, il y a deux semaines. Elle est de retour aujourd’hui. Elle va continuer son travail de bons offices et je crois qu’on va trouver une issue positive en matière de politique, que ce soit à Kinshasa ou ailleurs, bien sûr.
Question 6
Mimiche Lutete /Canal Congo TV : M. David Gressly, à quand votre visite à Minembwe pour aller réellement vivre ce qui se passe là-bas parce que j vous ai entendu parler des localités que vous avez visitées. Je croyais que vous alliez parler de Minembwe mais malheureusement [vous n’avez pas fait allusion à cela]. C’est pourquoi je veux connaitre votre agenda : à quand votre visite à Minembwe ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : En fait, à Minembwe nous avons une base permanente de notre Force. Donc, je suis allé aussi pour discuter avec le commandant de notre Force à Mikenge et Bijombo sur la situation sécuritaire. Et on a eu un bon briefing à propos de cela.
Ma préoccupation en matière de protection des civils était surtout les déplacés. Malgré le fait qu’il y a des déplacés à Minembwe, ils sont tous dans les foyers, des familles. Ils ne sont pas autour de notre base à Minembwe.
Pour nous, les préoccupations les plus importantes étaient liées aux déplacés qui se trouvent à Mikenge et Bijombo où il y avait vraiment des civils autour de nos bases. A Bijombo même, on parlait de, nous n’avons pas compté, ils nous ont donné les chiffres de 12 milles personnes dans cette zone.
Donc, ça c’était l’objectif fondamental de ce voyage. On avait eu des discussions avec la société civile à Minembwe aussi pour écouter leurs préoccupations. Mais en termes de réalité de terrain, c’était à Mikenge et Bijombo où j’étais plus préoccupé. Et on a bien noté que c’est une zone qui a moins d’assistance pour ces populations. C’est pourquoi notre collègue, David McLachlan-Karr, est là maintenant pour évaluer la même situation.
Donc, on va rester dans ces zones, on va rester actifs. J’étais très fier de voir à Bijombo, par exemple, que nos soldats pakistanais, dans ces cas, étaient en train de faire des escortes à pied pour la population, des femmes et des enfants, pour aller aux champs et cultiver leur terre. Donc, cela a permis dans un certain sens, une continuité de leur vie. Ce n’était pas vraiment une situation normale mais cela leur a permis de cultiver et de gagner leur vie avec notre appui. Donc, j’étais impressionné par cela. Donc, l’objectif c’était de voir comment on peut continuer notre protection des civils partout dans la zone et surtout chez les déplacés. Merci.
Question 7
Aristote Muteke/ Radiotélévision Liberté Kinshasa (Beni) : Ma question est libellée de la manière suivante : comment la MONUSCO se sent-elle lorsque les rebelles désignés ADF massacrent la population à quelques mètres de la position du contingent de la MONUSCO et ou des FARDC alors que nous savons que la MONUSCO doit protéger la population. Peut-on dire que la MONUSCO a failli à sa mission ou c’est une complicité ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [David Gressly] : En fait, nous sommes en train de voir comment on peut mieux riposter à ces attaques, si je comprends bien la question. On va augmenter notre capacité de protéger les civils. Nous avons examiné ensemble avec notre équipe, à partir de Goma avec notre Force, quelles sont les méthodes qu’on peut ajouter pour protéger les civils. Les systèmes d’alerte, par exemple. Beaucoup se plaignaient qu’on ne répond pas assez rapidement qu’il faut à ces alertes. On va examiner comment on va augmenter cela.
Deuxièmement, on va augmenter le nombre de positions en dehors de Beni où on va garder des positions permanentes qui vont aussi faciliter une réponse rapide. Le système de drones UAS va aussi nous donner des informations. Ensemble, j’espère qu’on va mieux partager cela avec l’armée congolaise pour améliorer nos opérations et mieux cibler l’ennemi auquel on doit faire face.
On va continuer à construire les routes, les ponts et cela va avoir deux effets positifs : augmenter l’accès sécuritaire mais aussi l’accès économique. Et en fait j’ai oublié de vous dire que j’étais à Hululu la semaine passée pour voir le pont que nous avons réparé, c’est un pont provisoire. Mais au moins, cela a permis une continuité de communication sécuritaire sur cette route. On va continuer de travailler dans ce sens. Donc, on va travailler dans plusieurs volets, c’est pourquoi je suis allé à Beni pour donner un coup de pouce à tous ces volets. On va continuer de renforcer tout cela dans les semaines à venir. Merci.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup M. Gressly. Merci beaucoup à tous. Mais malheureusement c’est tout le temps dont nous disposons. Je vous souhaite une bonne fin de journée sur Radio Okapi ici à Kinshasa, Beni et Goma. Merci.