Transcription de la conférence de presse de la Représentante spéciale en RDC, Leila Zerrougui
Première conférence de presse en 2020 de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC, Leila Zerrougui
D’abord, je voudrais commencer par vous souhaiter une bonne année 2020, pleine de bonnes choses, stabilité, développement, prospérité pour ce pays dans lequel on est tous réunis aujourd’hui depuis un moment.
C’est notre première conférence de la nouvelle année. Comme vous le savez aussi, c’est important, parce que nous avons un nouveau mandat qui a été adopté le 19 décembre. Peut-être c’est une opportunité de pouvoir un peu vous donner les premiers éléments de ce nouveau mandat, qu’est-ce qui a changé, etc. Hier, j’ai aussi briefé [les membres du] Conseil de sécurité. J’étais avec l’Envoyé spécial pour la région des Grands lacs. C’était une réunion à huit clos avec les membres du Conseil de sécurité, vous savez, il y a 5 nouveaux membres qui ont remplacé les partants : nous avons la Tunisie, le Niger, le Viet Nam qui présidait d’ailleurs, l’Estonie et Saint-Vincent [et la Grenadine] de l’Amérique centrale.
Donc, nous avons eu à discuter de la coopération régionale, des défis et des risques. Il y avait les ambassadeurs de la région : l’Angola, bien sûr la RDC, le Rwanda, le Burundi. Voilà.
En ce qui concerne le mandat, ce qui est maintenu, ce qui est renforcé, rien de vraiment nouveau mais des clarifications ou des renforcements par rapport à la situation nouvelle.
D’abord, en ce qui concerne la protection des civils, toujours priorité pour le mandat avec l’insistance sur le volet politique, développement, réconciliation communautaire, etc. et pas seulement l’aspect militaire, mais aussi identifier les causes profondes, travailler sur la stabilisation à long terme, pérenniser les gains, etc. donc, c’est beaucoup plus clair dans le mandat.
Il y a aussi le renforcement des fonctions régaliennes de l’Etat : la justice, la police, bien sûr le SSR [Réforme du secteur de la sécurité], l’armée. C’est le volet sur lequel nous-mêmes, on a fait un plaidoyer pour pérenniser les acquis. Pour stabiliser, pour renforcer. Il faut bien évidemment appuyer les fonctions régaliennes de l’Etat, les institutions qui veillent au respect des lois, le renforcement de la police et de la justice congolaise, etc.
Ce qui est aussi renforcé dans le mandat, c’est la dimension régionale. Vous savez, d’habitude, la dimension régionale est réservée à l’Envoyé spécial et nous apportons un appui. Mais là, on nous demande aussi d’appuyer la RDC dans ses engagements au niveau régional. Donc, un travail qu’on va coordonner avec l’Envoyé spécial et son bureau.
Il y a aussi quelque chose qui a été ajouté dans la résolution et nous nous réjouissons, c’est qu’on nous demande de renforcer la présence policière de la MONUSCO pour appuyer justement la police congolaise, pour renforcer l’action de la police dans le maintien de l’ordre mais aussi dans la lutte contre l’impunité et dans le travail judiciaire. Ce renforcement est prévu non pas en plus, mais en remplacement des contingents militaires donc, on renforce la police et on réduit l’armée. On va travailler sur cela dans l’année.
On reste quand même dans le « Drawdown » [la réduction], on n’est pas en train de revenir et rester, mais on voit quelles sont les activités qui sont les plus nécessaires pour les renforcer dans cette période et réduire, démilitariser par exemple dans les Kasaï où il n’y a plus de groupe armé mais il y a un travail à faire pour réintégrer les Kamuina Nsapu, pour travailler sur la stabilisation, pour le renforcement communautaire, etc. donc, la présence de la police est nécessaire.
Il y a aussi dans ce cadre-là, un accent appuyé sur le DDR. Donc, de travailler avec les autorités sur le DDR. Je crois que dans le cadre de ce travail que nous allons mener ensemble avec les autorités, le Conseil de sécurité nous a demandé de coordonner avec les autorités et de présenter un rapport au plus tard le 20 octobre [2020]. Nous n’avons pas pu travailler l’année dernière, parce que le gouvernement a mis du temps avant d’être installé, et donc le Conseil de sécurité nous demande dans le cadre de la réduction de travailler avec les autorités et de venir avec une démarche commune sur comment on voit l’avenir de la MONUSCO, et comment on entrevoit le travail, quelles sont les nouvelles, sur quoi le Gouvernement souhaite qu’on se concentre.
C’est un travail qu’on va faire ensemble. Et justement, c’est l’engagement que je vais mener maintenant avec les autorités, rencontrer les ministres, rencontrer le Premier ministre, le Président pour voir un peu quelles sont leurs priorités, leurs orientations pour nous préparer et aller au Conseil et parler d’une même voix, sur comment on voit le futur, comment on voit la présence de la MONUSCO. Le Conseil demande bien sûr des indicateurs mesurables qui permettent de dire comment on va préparer le « Drawdown ». Donc, je crois que j’ai tout dit.
Bien sûr, il y a tout le travail humanitaire. Vous le savez, il y a Ebola, il y a les personnes déplacées à cause de la guerre, il y a les attaques, tout cela affecte [la population] notamment dans les zones de conflit, mais même en dehors des zones de conflit. C’est pour cela que nous voulons, par exemple en ce qui concerne les mesures de DDR non pas avoir un programme pour les groupes armés -parce que ça, c’est une mauvaise stratégie- mais un programme pour les communautés qui les absorbent. Et cela crée plus de cohérence et cela absorbe les tensions. On n’est pas en train d’encourager les gens [en disant] « si vous voulez avoir un travail, et bien prenez une arme ». On va dire : vous devez rester tranquilles, le Gouvernement vous permet de revenir dans les communautés et ce sont les communautés qui vous absorbent. Et donc, il faut ramener des programmes.
C’est pour cela que nous voulons que le programme DDR qui va commencer dans le Kasaï soit avec la Banque mondiale, avec le gouvernement, la FAO, les agences qui peuvent ramener un travail, nous-mêmes, les partenaires, tout en travaillant sur l’aspect intégration économique, nous travaillons sur le renforcement des fonctions régaliennes de l’Etat.
Sur la situation humanitaire, vous le savez, ce sont des chiffres quand même assez préoccupants si je vous les donne. Nous avons d’abord Ebola, avec tout ce que l’Ebola a généré. Pour l’Ebola, on est maintenant à 2 200 morts, 3 400 personnes affectées et plus de 1 200 guéris. Pour le vaccin, ils ont dépassé les 200 000 personnes.
Donc, il y a un travail qui continue à se faire. Comme vous le savez, aujourd’hui, on a annoncé encore 5 nouveaux cas, il a 400 qui sont en train d’être traités. Donc, c’est quand même un travail qui continue. Mais on n’est pas dans une situation de crise, c’est-à-dire que les gens qui sont affectés sont identifiés parmi les personnes qui étaient des contacts et donc, ce n’est pas comme si on est dans une situation désastreuse.
Nous avons un autre chiffre préoccupant : 6 000 morts cette année de rougeole. Comme vous le savez, pour la plupart, ce sont des enfants. Donc, on a beaucoup plaidé avec les partenaires pour qu’on intègre aussi la dimension de choléra, la dimension de la rougeole dans les actions urgentes prioritaires, parce qu’alors qu’on voit le choléra par exemple baisser un peu partout dans le monde, la RDC continue à être un pays très affecté. Et la rougeole a été quand même odieuse cette année avec 6 000 morts, c’est inacceptable.
Nous avons 8 100 000 personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire. C’est un travail qui est en train de se faire. A peu près 1, 8 milliards sont nécessaires pour répondre aux besoins d’assistance à ces [personnes].
C’est pour cela que les ONG, les agences et tout le monde, travaillent pour essayer d’avoir une conférence aussi. Je crois qu’il y en aura une pour Ebola particulièrement et sur le secteur de santé mais il y en aura aussi pour l’humanitaire. Voilà, je crois que c’est ce que j’avais à vous dire.
Nous avons aussi, sur le plan de l’aide alimentaire, à peu près 4 millions de personnes qui ont reçu une aide alimentaire ; 2,5 millions de personnes ont eu accès aux soins de santé, plus de 3 000 enfants séparés non accompagnés ont été réunifiés avec leurs familles, et plus de 20 millions de dollars ont été distribués via l’approche cash.
Voilà un peu ce côté, ce qui a été fait pour l’année qui s’est écoulée. Nous espérons que cette année sera encore plus prometteuse. Comme vous le savez, il y a des opportunités pour la RDC : les élections qui se sont passées pacifiquement, le nouveau Gouvernement, le nouveau Président, il y a beaucoup de travail qui se fait avec les partenaires.
Le président de la République se rend aujourd’hui, je crois, à Rome pour rencontrer le Pape, de là-bas il va aller à Londres pour la conférence sur les investissements avec l’Afrique. Il a aussi eu beaucoup de travail au niveau régional et au niveau d’autres pays.
Donc, je pense qu’il y a des opportunités pour qu’ensemble on essaie de ramener un peu plus de paix, stabilité, développement dans ce pays. Voilà c’est ce que j’avais à dire et je suis là pour aussi répondre à vos questions.
Question 1
Mamytha Bangulu/ RTNC : Mme Leila Zerrougui, la communauté internationale est beaucoup accusée ces derniers temps, de vouloir balkaniser la République démocratique du Congo. Comme preuve, on parle du remplacement des autochtones congolais, qui quittent leurs villages devant les menaces des groupes armés, par des populations qui sont transplantées dans les espaces abandonnés. La MONUSCO connait-elle une telle chose ?
Question 2
Ruben Bopeko/ Horizon 33 TV : Toujours dans le même sens de la question, selon les informations qui nous parviennent de l’est notamment de Beni, et de ce côté là-bas, on accuse toujours la MONUSCO dans ce genre de problème. On dit que la MONUSCO est complice, parce qu’à tout moment qu’on est à côté des ennemis pour les chasser, la MONUSCO s’interpose. Qu’est-ce qui ne va pas réellement ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Je vous remercie d’avoir posé cette question parce que c’est aussi une opportunité pour moi d’aborder cette question. Je crois que nous avons vécu des moments où ce genre d’inquiétude pouvait se justifier par le passé avec la faiblesse de l’autorité de l’Etat, l’isolement du Gouvernement, je comprends que cette inquiétude puisse exister. Franchement, aujourd’hui je pense qu’on est dans une autre phase.
Le Congo et votre président et tout le monde se bat pour envoyer une image positive qui attire les investisseurs, qui crée des dynamiques positives, rapprochement avec les voisins… Tout ce travail, et on parle de balkanisation. Comment on peut balkaniser le Congo si on n’a pas pu balkaniser le Congo à un moment où il y avait des pans entiers du pays où il n’y avait même pas de l’autorité de l’Etat.
Comment on peut balkaniser le Congo quand les Congolais sont rattachés à leur pays de façon très très forte. Je me rappelle quand j’étais arrivée chez vous en 2008, j’allais dans les villages dans Masisi, dans Walikale où il y a aucun accès. Les femmes, les hommes, qui vivent là-bas ne connaissent du Congo que leurs villages. Et ils étaient très attachés à leur pays, revendiquant cette appartenance à ce pays dans ses frontières tel qu’héritées de la colonisation.
Alors, je pense que nous sommes dans une période où vos militaires sont en train de mourir par dizaines pour défendre votre territoire, pour empêcher justement que les groupes armés créent cette sensation pour des populations isolées. Parce que je comprends que celui qui est dans un coin isolé, qui vit les attaques, qui se fait tuer, ses enfants enlevés, etc. ait cette attitude-là, je ne peux pas lui reprocher cela, c’est normal, c’est humain.
Mais il y a un travail qui est en train de se faire, le prix que vos soldats sont en train de payer est très lourd. Ils sont en train de mourir dans la forêt pour justement empêcher que des groupes armés prennent possession des territoires et peut-être se substituent à l’Etat et fassent ce que vous craignez : on ramène d’autres ou on installe, ou on les chasse, tout cela.
Ce travail aujourd’hui, quand on pense à tout ce qui est en train de se mener contre ADF, contre le CNRD, parce qu’on le sent que pour le Gouvernement congolais, la priorité, ce sont les groupes armés étrangers. Et il y a des opérations qui sont menées dans le Nord-Kivu, dans le Sud-Kivu pour justement réduire cette menace qui peut générer cette sensation chez les populations.
Nous travaillons avec le Gouvernement. Vous avez entendu le représentant des FARDC dire que nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités congolaises et avec l’armée congolaise.
Aujourd’hui, des zones entières qui n’ont jamais été occupées : Mwalika, Maengosa… sont des zones où les ADF opéraient. Aujourd’hui, elles sont occupées par les FARDC. Nous sommes avec elles, nous travaillons ensemble justement pour maintenir justement de tenir ces zones. Elles sont arrivées jusqu’à Medina, à l’intérieur du cœur où les ADF sont.
Vous avez qu’il y a eu plus de 1 900 groupes armés et familles du CNRD qui ont été rapatriés au Rwanda après les opérations menées par les FARDC.
Nous avons fait tout un travail pour éviter l’embrasement dans Minembwe. Nous, avec le Gouvernement, avec la société civile. Vingt représentants de groupes armés sont venus à Uvira. Une réunion avec les militaires congolais, avec le vice-gouverneur et les représentants de l’administration locale, avec la commission interprovinciale entre le Nord et le Sud-Kivu, présidée par Clovis pour discuter de la démobilisation des milices qui menacent la paix et la sécurité dans la zone de Minembwe entre les Banyamulenge, les Bashi, les Bahunde, les Babembe, etc. pour créer une dynamique positive entre ces communautés.
Nous travaillons avec les FARDC, avec la justice pour ramener la police, la justice pour rétablir l’ordre et pour démobiliser ces groupes armés.
Donc, avec tout ce travail que nous faisons, comment on peut dire que nous, nous sommes complices de la balkanisation et que le Gouvernement est totalement désarmé et qu’on est en train de dépecer le Congo ? Qui va dépecer le Congo, qui peut le faire aujourd’hui ?
Je crois s’il y a aujourd’hui, une chose qu’on peut dire, c’est qu’il n’y a personne que ce soit dans la communauté internationale, que ce soit chez les voisins, qui a des visées territoriales sur le Congo.
Le Congo, dans ses frontières héritées de la colonisation, personne ne le conteste. Est-ce que vous avez des Congolais qui veulent se séparer du Congo, créer un état ? Est-ce vous avez la situation qui était par exemple dans les Balkans ou une situation qui existe par exemple au Moyen Orient ? Est-ce qu’on est dans une [telle] situation aujourd’hui ?
Je n’ai jamais vu des Congolais qui disent « on veut créer un Etat, on veut se séparer du Congo ». La balkanisation, c’est quoi ? C’est : on sépare les territoires et on crée des nouveaux Etats. Est-ce qu’il y a aujourd’hui dans la RDC un peuple congolais qui dit « je veux être indépendant de Kinshasa » ?
Les gens réclament plus de présence de l’Etat, réclament plus de développement, réclament de l’équité, réclament qu’on en finisse avec les groupes armés.
Moi, quand j’étais arrivée chez vous en 2008, il y avait des territoires entiers qui étaient occupés par des groupes armés, où les FARDC ne pouvaient pas arriver. Est-ce que vous connaissez aujourd’hui un territoire où les FARDC ne peuvent pas entrer ? Même s’il y a des groupes armés, ils se cachent, ils sont dans la brousse.
Donc ce sont quand même des progrès qui ont été réalisés dans la construction de l’Etat, dans le renforcement de la présence de l’Etat. Nous ne travaillons plus à ramener que les militaires : on dit qu’il faut ramener la justice, qu’il faut ramener la police, c’est ça l’Etat.
L’Etat, c’est quoi ? L’Etat, ce sont les fonctions régaliennes : vous avez la justice, vous avez la police, vous avez l’armée, il faut contrôler les frontières, il faut avoir le contrôle sur les richesses naturelles pour qu’elles ne soient pas une cause de déstabilisation ou de gens qui veulent utiliser la faiblesse de l’Etat pour avoir accès à ces minerais. Et ça, c’est un travail qui est en train de se faire.
Et le gouvernement est conscient de ça. Vous avez vu, par exemple, dans le budget de l’Etat, 16 % du budget de l’Etat sont consacrés au contrôle des richesses minières. Le gouvernement a prévu, a budgétisé des actions qui vont renforcer l’autorité de l’Etat.
Donc je comprends l’inquiétude. Je comprends la peur des gens de Beni, de Butembo, les gens qui sont à Mwenga, les gens qui sont à Kalehe, parce qu’ils ont vécu des guerres, ils ont subi la souffrance, ils ont été parfois livrés, seuls, aux vindictes des groupes armés, parce qu’il y a une présence étrangère. Mais nous travaillons justement pour renforcer l’autorité de l’Etat, pour créer des dynamiques positives avec les voisins.
Parce que, je dis toujours, il faut changer cette perception que le Congo est une menace. Le Congo est une opportunité pour tout le monde : opportunité économique, opportunité pour la stabilité, opportunité pour le développement. Nous devons travailler pour ça et j’ai dit ça hier au Conseil de sécurité. J’espère que j’ai répondu à vos questions.
Question 3
Laetitia Masela/ RTNC 2 : Le tableau de bord des humanitaires regorge toujours de témoins allumés en rouge. C’est la persistance des épidémies à l’est de la République démocratique du Congo. A ce jour du mercredi 15 janvier 2020, comment se présente le planning des interventions contre les épidémies, notamment la rougeole, l’Ebola et puis le choléra ?
Question 4
Venant Vudisa/ Radio Télévision Nationale Congolaise : Madame la Représentante spéciale, vous avez dit dans vos propos liminaires, rien de nouveau sur le renforcement du nouveau mandat prolongé le 19 [décembre] 2019 si j’ai bonne mémoire. Et pourtant, pourtant, beaucoup de choses se sont produites, il faut le dire. Je pense, si j’ai bonne mémoire, que pour la première fois, la MONUSCO va bénéficier de la confiance du pouvoir en place, contrairement aux autres années où ils étaient de temps à autre en froid, permettez que je le dise. Vous ne craignez pas que cette confiance arrive à s’effriter un jour, compte tenu de ce qui se passe dans la partie Est, notamment dans la région de Beni ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : D’abord, en ce qui concerne les maladies et le travail qui est fait. Comme vous le savez, la MONUSCO apporte surtout un soutien logistique, sécuritaire pour la riposte qui est, comme vous le savez, menée par les agences, c’est-à-dire l’Organisation mondiale de la santé mais aussi UNICEF qui est en charge de l’accès aux communautés, du travail avec les communautés. Il y a aussi, bien évidemment, d’autres agences qui sont aussi impliquées, et les ONG internationales et nationales.
Donc, comme je l’ai dit au départ, il y a des urgences qui ont été identifiées en commun accord avec le gouvernement congolais. Le travail se fait avec le ministère de la Santé, avec les agences impliquées, et avec aussi les partenaires de la RDC. Vous savez, pour répondre à toutes ces menaces, il y a eu beaucoup d’argent qui a été investi, des experts sont venus de partout, il y avait beaucoup de tensions avec les communautés, notamment sur la riposte Ebola, qui sont en train, aujourd’hui, de se réduire. Je me suis déplacée moi-même à Biakato après les attaques qui ont eu lieu et j’ai vu que les communautés veulent que ce travail humanitaire se poursuive.
Et donc, nous avons mis tous les moyens. Nous avons renforcé notre présence militaire dans la zone.
Nous avons mis à la disposition des gens là-bas aussi une équipe d’ingénierie pour travailler sur les routes. Nous avons mis un hélicoptère pour pouvoir ramener les gens, quand il n’y avait pas encore la sécurité tous les jours, pour y aller. Sur la riposte Ebola, comme je l’ai dit au début, ce n’est pas une épidémie qui échappe au contrôle : on est en train en fait de la fermer.
En ce qui concerne la rougeole, c’est le plaidoyer que nous faisons pour renforcer l’appui aux programmes du gouvernement, parce que c’est une question de vaccination. Contre la rougeole, il y a des vaccins : c’est juste que dans les zones où c’est en train d’arriver, il n’y a pas cette présence. Donc, c’est quelque chose qui va être poussé.
Et il y aura une conférence, je crois le 14 et le 15 [février] pour justement renforcer le soutien des partenaires à ces campagnes et renforcer le système de santé congolais. J’espère que j’ai répondu à vos questions.
En ce qui concerne [la deuxième question], j’ai expliqué tout le processus nouveau : renforcer les fonctions régaliennes de l’Etat, appuyer les efforts des FARDC.
Vous avez dit que rien ne se fait. La MONUSCO était présente dans tout le territoire de la RDC, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, on est présent dans six provinces sur 26. Donc la menace à la paix et à la sécurité internationales est en train de se réduire.
Si aujourd’hui, on parle déjà dans les Kasaï et même dans le Tanganyika, et peut-être dans un jour pas très loin - parce qu’on prépare un accord avec les FRPI - peut-être l’Ituri aussi va se calmer… si on [arrive] à réduire la menace sécuritaire à deux provinces, Nord-Kivu et Sud-Kivu, la MONUSCO va quitter ces provinces, elle ne va pas rester.
On ne va pas rester là où il n’y a pas une situation qui nécessite une présence parce que, comme vous le savez, ceux qui payent le budget de la MONUSCO ne veulent pas continuer à payer. Donc, ce n’est pas comme si nous, on s’accroche, on n’a rien à faire et on est là : c’est faux. Ça, c’est vraiment une image fausse.
Aujourd’hui, nous supplions pour dire : il faut encore investir dans les Kasaï. J’ai fait le plaidoyer – je suis partie à Washington, à New York, à Londres, à Paris, à Bruxelles – pour dire : investissez dans la justice, investissez dans la police.
On ne peut pas partir comme ça des Kasaï sans créer le renforcement des fonctions de l’Etat, parce que des gens qui étaient dans le maquis rentrent dans les communautés, ils vont faire des bêtises, il n’y pas personne pour les prendre en charge. Qu’est- ce qu’on fait ?
Parce que l’appui qu’on a donné jusqu’à présent, vous le savez, on l’a donné à la justice militaire. Mais ceux qui rentrent dans les communautés, ils ne sont pas justiciables de la justice militaire. Donc, j’ai demandé un appui à la police et à la justice civile.
On veut sortir pour ne jamais plus revenir au Congo. Ce serait dramatique qu’après tout le travail qu’on a fait, on quitte, et une crise majeure arrive, et [on est obligé] de revenir : ce serait un échec pour les Nations Unies et un échec pour la RDC.
Nous voulons partir une fois pour toutes. Et nous partirons. Et le plus tôt serait le mieux. Ce n’est pas comme si nous voulions rester : nous voulons nous assurer que ce pays, ce grand pays au cœur de l’Afrique, soit un jour le porteur qui va tirer l’Afrique, et pas celui qui va encore l’enfoncer. Le gouvernement a confiance en nous - on travaille avec eux, parce qu’ils savent ce qu’on fait, parce qu’on est en train de travailler pour avancer.
Il y a eu des tensions, pourquoi ? Ce sont les élections qui ont créé les tensions, vous le savez, c’étaient les élections. La réalité, c’est que nous travaillons ensemble. L’année dernière, j’ai fermé huit bureaux, huit provinces, vous le savez. Et à l’époque, il n’y avait pas de consensus sur ça. Mais moi, je savais qu’il n’y avait pas de risque parce qu’il n’y avait pas de groupe armé.
Et nous voulons faire la même chose : peut-être que si la situation [le permet], si on y arrive en une année dans les Kasaï, peut-être qu’on va quitter les Kasaï… peut-être qu’on quittera aussi le Tanganyika, pourquoi pas ? Et on continue à renforcer les fonctions régaliennes de l’Etat dans les zones où c’est encore nécessaire.
Justement, on parle de balkanisation. On doit enlever cette idée, elle sort, c’est fini, on n’en parle plus, c’est terminé ; le Congo est en charge de ses frontières, il est en charge de sa population, il assure la sécurité, il assure le développement et la prospérité, il entretient des relations normales avec ses partenaires. A ce moment-là, il n’y a plus de raisons pour la MONUSCO de rester ici, personne ne va payer un centime de plus pour que nous restions ici. Et le Congo n’accepterait pas : on n’est pas là contre la volonté de la RDC, on ne peut pas, c’est toujours avec l’accord du gouvernement.
Voilà le message que je veux vous envoyer. Vous êtes ceux qui informent votre population. Ce n’est pas bien, cette image négative de la RDC. Pourquoi ? Pourquoi ? C’est une image positive qu’il faut renvoyer. Parce qu’il y a des raisons d’avoir de l’espoir dans ce pays.
Question 5
Nephtalie Buamutala/ RTGA : Madame, nouvelle année, nouveaux défis. Sous quel signe vous placez la collaboration avec la RDC, quand on sait qu’à la fin de 2019, les relations étaient tendues avec la population de Beni ? Sous quel signe vous placez la collaboration cette année avec la RDC ?
Question 6
Daniel Manikuna/ CMB Digi TV : Madame Leila, nous avons l’impression que vous êtes en train de présenter les choses avec votre âme. On sent que votre cœur est en train de parler mais laissez-moi vous dire que votre plaidoyer, que vous êtes en train de mener, irait plutôt dans le sens de faire un plaidoyer auprès du Conseil de sécurité en disant que la communauté congolaise ne veut plus de nous, n’y a-t-il pas moyen que nous retirions carrément les troupes ? Et aussi, de l’autre côté, du Gouvernement congolais qui s’accroche à vous, de leur dire : Messieurs, on n’est pas en mesure de renforcer cette coopération avec vous, laissez-nous partir. Parce que la preuve est telle que la population, les communautés dans leur entièreté ne veulent plus de la MONUSCO.
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] :
Alors, je crois que les deux questions peuvent être liées, je peux réagir. Premièrement, si le Conseil décide de nous faire partir, ce n’est pas moi qui vais me maintenir : le Conseil fait l’évaluation de la situation et décide. Il y a 15 membres, dont cinq permanents, et s’il y en a un parmi les cinq permanents qui n’est pas d’accord pour le maintien de la MONUSCO, alors, on ne restera pas.
Comme je l’ai dit aussi, si le gouvernement pense que nous ne sommes pas utiles, il va demander le départ de la MONUSCO et elle partira.
La troisième chose : vous dites que les Congolais dans leur entièreté ne veulent pas de la MONUSCO. Moi, je travaille avec beaucoup de gens qui ne sont pas d’accord avec vous.
Maintenant, ce qui s’est passé à Beni : moi, si j’étais à leur place, j’aurais réagi comme ça, c’est normal, c’est humain. Ils ont été affectés par des opérations militaires qui ont été menées et l’ennemi, qu’est-ce qu’il fait ? La meilleure façon de vous décourager, c’est d’aller s’attaquer à des populations civiles.
Il y a eu des attaques ciblées contre des populations isolées. Si je veux casser votre image, je montre que vous n’êtes pas capables de protéger vos populations civiles, donc je vais chercher celui que je peux toucher sans que vous puissiez réagir.
On a tué des gens exprès pas très loin des FARDC ou pas très loin de nous, mais souvent c’est fait de façon pernicieuse. Vous arrivez dans une maison avec des machettes, vous ne tirez pas, personne ne vous entend, vous tuez des gens, le lendemain, on dit : on a massacré des populations civiles, les FARDC étaient là, la MONUSCO était là…
Je pense que cela n’a pas découragé le travail qui est en train de se faire. Il fallait pousser l’ennemi loin des populations, ce qui a été fait. Vous savez qu’aujourd’hui, on a moins d’attaques parce que ce sont les FARDC qui sont à Medina, ce ne sont pas les groupes armés qui sont dans les communautés. La justice a réagi aussi pour enquêter s’il y avait des complicités parce que l’ennemi vous frappe toujours quand il trouve des complices. Donc, elles [les autorités congolaises] travaillent sur ça.
Nous travaillons avec les FARDC. J’ai confiance dans les relations que nous avons et ce n’est pas moi qui décide [quand] je dois quitter la RDC. C’est le Conseil de sécurité. Et le Conseil de sécurité fait des évaluations. Je vous ai dit que hier, j’ai briefé le Conseil. Moi, je transmets et je n’ai pas briefé toute seule en cachette. Je l’ai briefé en présence de votre représentant à New York. Je l’ai fait en présence de tous les pays voisins qui se sont exprimés. Donc, la relation avec le Conseil, le mandat de la MONUSCO, vous avez vu est renforcé mais il est renforcé pour appuyer les fonctions régaliennes de l’Etat pour permettre justement à accélérer le processus de retrait.
Le Conseil de sécurité a été très clair : retrait responsable et durable. Responsable et durable cela veut dire qu’on laisse les FARDC en charge, quand on laisse le Gouvernement et j’espère, le plus tôt serait le mieux pour tout le monde.
En ce qui concerne votre question sur concernant comment nous engageons [la population] : d’abord construire la confiance avec les populations affectées par les conflits à Beni, à Butembo, dans le Nord-Kivu en général, dans le Sud- Kivu, en Ituri, c’est un travail qui est pour nous extrêmement important parce que vous aurez toujours des gens qui ne seront pas toujours d’accord, qui se fâchent avec vous ou qui ont un agenda politique, ça c’est normal, c’est tout à fait normal, c’est logique.
Vous savez dans le monde moderne, ce n’est pas comme dans le monde ancien où on gouverne par consensus et quand le chef parle, tout le monde est d’accord. Cela n’existe plus. Dans le monde moderne, vous avez une majorité qui gouverne, vous avez une opposition qui critique. C’est la même chose dans tous les domaines. Dans le domaine gouvernemental, dans notre travail, personne ne s’attend à ce qu’il y ait 100 % des Congolais d’accord avec nous.
L’essentiel c’est que nous, nous travaillons avec les institutions et nous travaillons avec la majorité de la RDC et nous essayons de convaincre ceux qui sont les plus affectés par la crise pour qu’ils collaborent avec nous. On ne peut pas travailler contre la volonté des gens là où nous intervenons. Et donc pour moi : renforcer la coopération et la collaboration avec le Gouvernement, avec les institutions, qu’il s’agisse des institutions au niveau local ou au niveau national.
Nous travaillons avec le Gouvernement avec une vision globale, mais nous voulons aussi dans les provinces où nous sommes : Sud-Kivu, Nord-Kivu, les deux Kasaï, le Tanganyika, l’Ituri nous voulons être avec les autorités provinciales. Nous voulons les appuyer dans leurs priorités, soit [avec] nous directement, soit en faisant le plaidoyer avec les autorités centrales ou avec le Conseil de sécurité ou avec les bailleurs sur les priorités, sur comment avancer …
Par exemple, je suis en train de faire un plaidoyer très fort avec la Banque Mondiale sur la construction des routes. Le gouverneur du Nord-Kivu m’a dit : si on a la route de Goma, si elle peut arriver jusqu’à Walikale, tous les conflits de Rutshuru, Kitshanga, vont disparaître parce qu’il y a des terres à l’abandon qui ne sont pas cultivées et les gens sont en train de se bagarrer là où il y a la route car ils veulent vendre leurs produits. Il suffit de prolonger l’accès.
Les problèmes qui sont internes, on ne les règle pas toujours par la guerre. La guerre oui, elle peut être une pression sur celui qui ne veut pas se soumettre. Mais c’est aussi ce travail de ramener le développement, de ramener les infrastructures de base, de créer des synergies positives à l’intérieur des communautés et même avec les voisins. Tout cela va réduire l’envie d’aller faire la guerre.
Vous avez des exemples dans le monde. La guerre en Europe a duré deux siècles. Or, les grands pays qui se sont faits des guerres, guerres mondiales, sont aujourd’hui ceux qui portent l’Europe. Pourquoi on ne ferait pas la même chose dans notre continent ? Pourquoi on ne travaille pas pour construire la paix au lieu de nous focaliser sur la guerre. Pourquoi on ne construit pas la paix ? Pourquoi on n’y travaille pas ? Et c’est possible et c’est faisable. Voilà comment je vois l’année 2020.
Question 7
Séraphin Nkiere/ ACP : Le moment de balkanisation de ce pays est dépassé. Je pense que c’était une réalité parce que quand vous êtes dans un hélicoptère de la MONUSCO et que vous devez aller à Bukavu et on vous dit que l’atmosphère n’est pas bonne, vous ne partez plus. Et quand j’appelle mon collègue qui est à Bukavu, il me dit qu’il est sous le lit et que Bukavu est déjà pris. Et nous sommes obligés de revenir à l’hôtel. Vous comprenez quelle époque nous sommes. Quand vous devez traverser, par exemple Kindu, j’ai fait cela pendant toute la nuit : Kindu à Kasongo pendant que le ministre de l’Intérieur va à Salamabila et moi j’ai fait cela toute la nuit jusqu’à Kasongo. C’était une période difficile. Mais aujourd’hui, parler encore de la balkanisation, je pense qu’il n’y a aucun Congolais qui aimerait aller ailleurs. Ailleurs où ?
C’est pourquoi moi je vous pose une question. Pourquoi pas en ce moment les Nations Unies et principalement la MONUSCO ne peut pas convoquer une réunion, par exemple, on a parlé de la réunion de Pau en France, mutatis mutandis, convoquer une réunion de tous les voisins de la RDC pour parler de cette situation afin que chacun s’occupe de ses rebelles. Pourquoi les ADF ne vont pas faire la guerre à l’Ouganda, ils viennent seulement au Congo ? Pourquoi le FDLR ne vont pas chercher le pouvoir à Kigali, ils viennent seulement au Congo ? Est-ce que les Nations Unies ne peuvent pas convoquer une telle réunion pour trouver une solution ?
Question 8
Jaelle Mulowayi/ Actu30 : Madame Leila, ces derniers jours, les FARDC intensifient les actions offensives contre les groupes armés opérant à l’est du pays. Puisque la MONUSCO travaille en collaboration avec les FARDC, est-ce que vous pouvez nous dire votre appui, quel a été votre apport puisque que, l’année passée, on vous a accusé de ne rien faire … Est-ce qu’on peut savoir ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] :
D’abord pour votre gouverne, merci de rappeler quand même par où on était passé et où on en est aujourd’hui. D’abord, la MONUSCO n’est pas en territoire conquis pour organiser, convoquer une conférence internationale en RDC et je crois que le Gouvernement ne l’accepterait pas. Mais je vais vous rassurer : la Conférence va avoir lieu sous l’égide du Gouvernement puisque le ROM [mécanisme de surveillance régional] qui est la réunion de tous les pays qui ont signé l’Accord des [pays de la région des] Grands lacs [que] la RDC présidera et l’Accord aura lieu ici au Congo. Et je crois que c’est prévu soit en février soit en mars. Et pas plus tard que hier, j’ai discuté avec l’Envoyé spécial sur [son voyage] à Kinshasa pour préparer justement cette réunion et tous les chefs d’Etat seront ici pour en discuter.
La deuxième chose, comme je l’ai dit : aujourd’hui le travail qui est en train de se faire, que les Congolais privilégient : priorité contre les groupes armés étrangers, tout en incitant les groupes armés locaux à déposer les armes, il y a beaucoup de groupes armés qui déposent les armes. On est en train de travailler justement parce que le Congo veut envoyer cette image : les menaces contre les pays voisins ne trouveront pas un terrain tranquille en RDC et vice-versa. Et il [le Congo] demande la même chose à ses voisins. Donc, c’est un travail qui est en train de se faire, nous allons continuer à appuyer les autorités.
Vous avez m’avez dit, Madame, qu’est-ce qu’on a fait pour appuyer les FARDC ? Vous savez, une Mission de maintien de la paix, elle a un mandat. Et elle opère dans le cadre d’un mandat. Nous opérons dans le cadre d’opérations qui doivent être conjointement préparées.
Au départ, les opérations étaient menées unilatéralement c’est pourquoi on n’était pas associées. Aujourd’hui, les opérations sont conjointes. Les FARDC nous demandent ce dont elles ont le plus besoin : donner les informations que nous avons, les images satellitaires, par exemple, identifier où se trouve l’ennemi, sécuriser, par exemple, toutes les personnes blessées c’est nous qui les transportons. Nous avons transporté 41 blessés des zones de conflits. Nous travaillons ensemble sur [comment] tenir justement les bases, sécuriser les populations, l’appui logistique que ce soit pour les rations pour les troupes, que ce soit le fuel, nous travaillons ensemble.
Nous ne sommes pas une force d’occupation au Congo. Nous sommes des partenaires de l’armée congolaise, du gouvernement congolais. C’est eux qui mènent, qui décident qu’est-ce qu’ils veulent faire et on travaille ensemble sur qu’est-ce qu’on peut faire dans la mesure où s’est inscrit dans le mandat de la MONUSCO et selon les procédures.
Donc, je crois que nous travaillons ensemble. Il y a des choses bien évidemment que les militaires engagent ensemble, je ne veux pas rentrer dans les détails ici, mais nous travaillons ensemble. Je veux le répéter ici, nous n’avons pas de problème avec les FARDC dans le travail que nous menons.
Question 9
Nicaise Muzani/ Afriquecho.ch : Aujourd’hui, comme l’a dit mon confrère, Mme Leila nous parle avec son cœur. Je crois qu’aujourd’hui, elle nous dira ce qu’elle n’a jamais dit à quelqu’un. Vous êtes en train de déplorer qu’un jour après votre départ, vous n’aimeriez pas entendre que les conflits ont repris en RDC. Je veux vous poser une question Madame. C’est celle-ci : nous avons reçu les experts de l’ONU entre autres Me Bacre Waly Ndiaye et Mme Sheila Keetharuth nous ont remis un rapport sur les Kasaï où vous êtes en train de préparer le DDR. J’ai vu encore un autre rapport des experts de l’ONU pour l’est. Tous ces rapports évoquent crime contre l’humanité. Mais jusque-là, nous ne voyons aucune action contre les auteurs de ces crimes, Madame. Après votre départ, est-ce que ces mêmes criminels ne vont pas vous dire « voilà, ils sont venus faire la promenade. Nous sommes là ».
Question 10
Roger Marley Lukunga/ Elima News : Mme Leila, j’ai rencontré sur la place Victoire à Kinshasa, à la fin de l’année dernière, des activistes de la société civile. Ils étaient en train de récolter des signatures du public pour une pétition sur la construction d’une longue muraille à la frontière entre le Rwanda, le Burundi et l’Uganda. Genre muraille de la Chine. Alors j’aimerais savoir, une telle initiative est-elle efficace pour le renforcement de la paix à l’est ?
Question 11
Symphorien Katumba/ L ’Explorateur : Madame Leila, soyez la bienvenue et bonne année. J’ai une petite question de curiosité. Le 24 janvier 2020, la RDC va commémorer sa première alternance. D’autres langues disent que c’est un non-évènement. D’après vous, la MONUSCO, quelle est votre [position] concernant l’alternance qui va tomber le 24 janvier 2020 concernant le régime en place ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] :
D’abord, je vais commencer par la première question. La RDC est un des rares pays en Afrique qui a un outil, j’ai parlé tout à l’heure de la chaine pénale militaire qui juge non seulement les groupes armés mais qui juge aussi les généraux congolais.
Vous avez parlé de Kasaï, au Kasaï il y a quand même une procédure qui est en train de se mener. Le Gouvernement congolais a accepté l’appui du Haut-commissariat des droits de l’homme pour justement rassembler des preuves.
Je vous ai dit tout à l’heure que nous allons renforcer encore davantage la justice y compris civile comme ça même si les gens quittent le groupe armé, ils peuvent être jugés par la justice civile. La RDC a ratifié tous les instruments internationaux de lutte contre l’impunité y compris la Cour pénale internationale et des Congolais ont été jugés par la Cour, condamnés et ont purgé leurs peines, d’autres sont en train d’être jugés. Donc, dire que rien n’a été fait pour lutter contre l’impunité ce n’est pas vrai.
Maintenant, est-ce qu’on a jugé tous ceux qui méritent d’être jugés ? Bien sûr que non. Et il faut continuer à rassembler les preuves, à travailler pour lutter contre l’impunité, à rétablir les victimes dans leurs droits et surtout faire en sorte que ça ne se reproduira plus.
La RDC a vécu des guerres sanglantes. Des millions de Congolais, pas seulement des milliers, ont été affectés par ce qui se passait depuis 97 et même avant. La paix vient avec le renforcement des fonctions régaliennes de l’Etat. C’est quoi la peine ? La peine c’est une sanction dissuasive. Vous savez que si vous faites la même chose, vous savez ce qui va vous arriver.
Donc, vous allez réfléchir par deux fois. Vous aurez un pourcentage de fous qui violent les règles mais pas généraliser la folie. Il y a eu des guerres, il y a eu des massacres, il y a eu des injustices, il y a eu des disparus, il y a eu des enfants qui ont été recrutés qui sont passés par des horreurs, il y a eu des femmes qui ont été violées, il y a eu tout.
Moi, je n’arrête pas de dire quand je parle de la RDC, je me dis toujours qu’il y a plus de mille personnes qui ont été jugées à l’est du pays dans le cadre de l’appui à la justice militaire. Quand on a commencé, rappelez-vous le procès Kibibi à Baraka, j’étais là. J’ai fait la manche pour organiser ce procès. Aujourd’hui, c’est tous les jours et c’est partout. Et maintenant, le Gouvernement veut généraliser ça dans toutes les provinces.
Donc, je comprends que ce n’est pas fini, je comprends qu’il y a beaucoup d’injustices, je comprends qu’il y a beaucoup de gens qui ont échappé au glaive de la justice mais je ne dis pas que rien n’a été fait en RDC.
Je n’y crois pas. Et j’espère qu’on continuera à progresser dans ce domaine et à faire en sorte qu’il n’y aura pas d’impunité même pour 1 % dans l’avenir parce c’est ça le progrès. Les Etats se construisent lorsqu’on progresse, lorsqu’on avance, lorsqu’on tourne la page, lorsqu’on tire les leçons des expériences passées, lorsqu’on réalise, lorsqu’on valorise les progrès. C’est important parce qu’on encourage aussi les institutions à aller de l’avant.
Je suis d’accord que ce n’est pas fini. Je suis d’accord avec vous. Je ne dis pas que vous êtes totalement hors sujet, non. Mais je dis qu’il y a des progrès, c’est tout.
Sur la question d’un mur, vous voulez construire un mur ? Mon Dieu, pourquoi ? Nous voulons construire une Afrique sans frontière, nous voulons un visa Schengen pour l’Afrique, nous voulons enlever les frontières. Pourquoi vous voulez qu’on construise le mur ? On veut être ensemble. On veut avoir des économies tellement connectées que s’il se passe quelque chose chez-vous ça m’affecte donc on protège.
Ça c’est des solutions de désespérés. Nous ne voulons pas les désespoirs, nous voulons construire l’Afrique sans frontière. Nous voulons construire des routes qui vont d’Alger jusqu’à Cape Town. D’accord ? C’est ça que nous voulons. Nous ne voulons pas des frontières, nous voulons lever les visas, nous voulons une économie intégrée, nous voulons compter dans le monde, nous voulons être ensemble.
Pourquoi un mur ? Et vous croyez qu’un mur va régler les problèmes ? Les gens vont l’escalader si à coté, il n’y a pas de la sécurité, il n’y a pas de la justice, il n’y a pas de l’accountibility comme on dit. Donc le mur ne va pas empêcher les choses. Non, pas de mur. Nous voulons supprimer les frontières.
Moi je dis que c’est le premier anniversaire d’un transfert pacifique de pouvoir. C’est très important parce que vous savez, lisez l’histoire des peuples, et vous allez tirer les leçons. On gouverne par l’héritage ou par les armes et on s’impose. Et on a des sujets et on leur donne des ordres. Lorsqu’on commence déjà à [réaliser] que le pouvoir, il est limité dans le temps et qu’un jour, vous devez le laisser à quelqu’un d’autre, c’est le premier pas. Le deuxième pas, c’est de dire celui qui vous amène au pouvoir, ce n’est pas un héritage, ce n’est pas par la force, c’est le peuple et il peut vous retirer la confiance à tout moment.
Et donc, vous devez le convaincre et travailler pour qu’il vous redonne la possibilité de gouverner. Et on ne gouverne pas juste en tant que président. On gouverne avec le Parlement, on gouverne avec des instances au niveau provincial. Et donc, c’est des progrès qui se font petit à petit.
Moi, je dis à tous ceux qui me parlent, nous avons eu des élections en 2006 et nous avons eu la guerre en 2008. Nous avons eu des élections en 2011 et nous avons eu la guerre en 2013 et en 2014. Notre objectif, l’objectif de tous les Congolais, quelle que soit leur obédience, c’est de faire en sorte que jusqu’en 2023, nous n’ayons pas la guerre.
Nous continuerons à construire la paix, à construire le développement, la stabilité et à avoir des élections qui seront encore meilleures en 2023 et qui s’amélioreront encore davantage en 2028 ainsi de suite. Et après, ça va devenir quelque chose de normal comme dans tous les pays. Vous avez des élections, et bien celui qui gagne, il gagne. Celui qui perd, il attend la prochaine fois. C’est ça l’objectif de ce travail que nous menons.
Le gros est passé mais il y a la vulnérabilité. J’espère que vous serez suffisamment aptes à préparer votre élection sans nous. Je ne suis pas en train de dire que nous devons être là pour vous aider à organiser votre prochaine élection, vous l’avez organisée cette fois sans nous. Donc, ce n’est pas l’objectif, je ne suis pas en train de plaider.
Mais je vous dis vous Congolais, quelle que soit votre appartenance, quelle que soit votre obédience, vous devez faire en sorte qu’avant 2023, il n’y aura pas en 2022 ou en 2021, encore la guerre qui nous ramènera encore en arrière, encore des armes qui viennent et tout ça. Voilà, je termine avec ça.