La pisciculture au Maniema : améliorer le rendement et préserver les espèces locales.
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Les pisciculteurs du Maniema apprennent de nouvelles méthodes pouvant concourir à l'amélioration de leur rendement tout en préservant les espèces locales
La province du Maniema, nichée au centre-est de la République Démocratique du Congo, est un véritable paradoxe. Avec ses terres fertiles prêtes à accueillir l’agriculture et la pisciculture, la région fait face à une insécurité alimentaire et nutritionnelle alarmante. En dépit de ses potentialités agricoles, le Maniema souffre d'un enclavement qui engendre une malnutrition aiguë. Pourtant, l'écosystème local aurait pu soutenir une production piscicole abondante.
Un écosystème propice au Clarias
Le Maniema se distingue par ses conditions idéales pour l'élevage du Clarias gariepinus, communément connu sous le nom de poisson-chat africain. Ce poisson est prisé pour sa croissance rapide et ses remarquables qualités nutritionnelles. Cependant, plusieurs défis limitent la production piscicole dans la région : des étangs mal construits, des souches de poisson souvent dégénérées et un accès limité à des écloseries modernes. Actuellement, la reproduction du Clarias s’effectue dans des milieux naturels non contrôlés, où les poissons adultes se nourrissent de leurs propres alevins, entraînant une diminution des rendements.
Le PADRIR en action
Pour remédier à cette situation, le FIDA, par son Programme d’Appui au Développement Rural Inclusif et Résilient (PADRIR) a mis en place une formation sur l’insémination artificielle des Clarias, visant à renforcer les compétences des pisciculteurs du Maniema. Cette formation, qui s’est déroulée à Kindu, a réuni 15 participants, incluant des techniciens du Service National de Développement de la Pêche et d’Aquaculture (SENADEPA) ainsi que des pisciculteurs locaux, parmi lesquels trois femmes et huit jeunes.
L’objectif principal de cette initiative est de maîtriser la reproduction des Clarias pour augmenter les rendements tout en préservant les espèces locales. Les participants ont ainsi acquis des compétences techniques sur l'insémination artificielle, en apprenant à utiliser des techniques de stimulation hormonale et de fécondation manuelle. Les femelles ont été traitées avec de l’Ovaprime, un produit hormonal déclencheur de la ponte, tandis que les mâles ont été préparés pour la collecte de leurs gonades. Après fécondation, les œufs ont été transférés dans des bacs spécifiques afin de contrôler leur développement et prévenir la prédation des alevins par des adultes.
Résultats encouragements
Les premiers essais ont été très prometteurs. En utilisant seulement trois géniteurs (un mâle et deux femelles), les participants ont pu produire environ 10 000 alevins, révélant ainsi l’efficacité de cette méthode. Ces résultats offrent de nouvelles perspectives pour la pisciculture au Maniema, permettant aux pisciculteurs de produire leurs propres alevins et réduisant ainsi leur dépendance à l’importation.
Ir Kilingiti Bilonga, membre de la ferme agro-pastorale et piscicole Shalom, a exprimé son enthousiasme : "Les compétences acquises nous permettront d’augmenter notre production et nos revenus. Nous n’aurons plus besoin d’acheter des alevins, puisque nous pourrons les produire nous-mêmes." La ferme Shalom, qui regroupe 72 ménages, attend également avec impatience les retombées de cette initiative.
Vers une pisciculture durable
L'insémination artificielle des Clarias représente ainsi une solution durable et rentable pour les pisciculteurs du Maniema. Cette technique leur offre un meilleur contrôle sur la reproduction du poisson, favorisant une production significative tout en préservant l'écosystème local. Elle pourrait jouer un rôle crucial dans la lutte contre l'insécurité alimentaire et contribuer à la réduction de la pauvreté dans les zones rurales.
Cependant, le PADRIR souligne que l’implémentation de cette technique nécessite des investissements en matériel et un suivi rigoureux pour garantir la qualité de la reproduction et écarter les risques de contamination. La mise en place de projets pilotes est essentielle pour capitaliser sur les expériences acquises et transmettre ces savoir-faire à un plus large public.
Cette initiative pourrait devenir un levier clé pour le développement de la pisciculture au Maniema, transformant cette province à fort potentiel en un modèle de durabilité et d'autosuffisance alimentaire.