L’exploitation artisanale de l’or, cimetière de l’avenir des enfants de la cité de Kilolo
Dans le site minier de Kilolo, les enfants sont visibles et très actifs dans l'extraction de l'or, au détriment de toutes les normes sur le travail pour enfant
Perché au sommet d’une colline d’environ 15° d’inclinaison, le site d’exploitation minière à ciel ouvert de Kilolo/Kyamupini (Territoire de Kipushi, province du Haut-Katanga) ressemble à un camp de personnes déplacées, au vu des types d’abris qui y sont implantés et de la promiscuité. Des cabanes en bâches servent de maisons d’habitation. Pourtant, des familles entières y vivent et l’exploitation artisanale de l’or y est intense. Elle constitue même l’activité principale d’une bonne partie des communautés locales riveraines.
A l’entrée du site, on observe un grand local rectangulaire en bâche, avec des mentions à peine lisibles. Ce lieu sert de centre de santé et est « affectueusement » désigné ‘’hôpital’’. C’est en ces termes que les deux messieurs assis dans la cour présentent l’édifice. On y trouve à peine le minimum nécessaire pour assurer des soins de santé. Des maisons d’habitation sont contiguës à l’hôpital et juste après on s’engage dans une ruelle commerciale de la cité, avec de petits étalages devant pratiquement chaque cabane. On y vend essentiellement des produits de consommation quotidienne et de l’alcool.
Ici, ce sont les femmes et les filles qui sont visibles. Certaines s’adonnent aux tâches ménagères, d’autres à la lessive, d’autres encore à la tresse ; les plus petites se livrent à divers jeux, tout en restant curieuses au passage des visiteurs. D’après les riverains, ce n’est pas parce que les femmes ne sont pas aptes à l’exploitation minière, qu’elles sont à la maison ; elles sont plutôt exclues du site minier.
‘’Aucune femme ne peut accéder au site d’exploitation minière’’ soutient le Chef de la cité, qui justifie cela par ‘’la tradition qui n’exclut aucune nationalité, ni race ; toutes les femmes y sont exclues’’, insiste-t-il.
Cette ambiance joyeuse sur le site contraste avec tout ce qui manque, notamment l’accès à l’eau potable, des aliments en quantité et en qualité suffisantes, etc.
La cité minière Kilolo abrite quelques dizaines de ménages, d’une moyenne de trois enfants par foyer, dont la plupart sont en âge d’être scolarisés. Malheureusement, il n’existe aucune école sur cette colline, encore moins un espace communautaire qui servirait de centre d’encadrement des enfants. Malgré l’existence des écoles dans les villages environnants, aucun enfant de Kilolo n’est scolarisé. Les enfants sont donc une main d’œuvre gratuite ou du moins peu coûteuse quand on sait que le rendement moyen journalier s’évalue à 10 gr d’or par jour, par exploitant, équivalent à environ 215 000 Fc ($75 us).
Option unique pour les enfants !
A environ 200 mètres après l’entrée du site, on aperçoit les ‘’raffineries’’ artisanales de l’or. Tout se fait manuellement, et le plus souvent à ciel ouvert ; c’est là que l’on aperçoit les hommes et les garçons de la cité. La plupart sont à l’œuvre en pleine extraction de l’or brut, et parmi eux des enfants. Ces derniers sont les plus utilisés, à diverses étapes : le transport de la matière brute, la recharge de la matière dans les extracteurs et même l’extraction elle-même. Ils sont d’ailleurs les plus visibles du côté du transport de la matière brute des lieux d’extraction au site d’exploitation.
Heureux d’être associés à ces activités, ces enfants qui n’ont jamais connu l’école sont loin de voir leur avenir à travers l’éducation. Ils ont une seule option : travailler pour avoir de quoi survivre. Et les adultes qui les associent à ces travaux sont moins inquiets car, pour eux :
‘’les enfants ne s’en plaignent pas ; sinon, on ne les associerait pas,’’ soutient un des encadreurs exploitants, tout souriant.
Au regard de ce tableau sombre, de l’immensité de la richesse que regorge la RDC, il y’a lieu de dire que les enfants devraient bénéficier des dividendes de l’exploitation minière dans la localité. Malheureusement, la jouissance des droits économiques et sociaux culturels par les enfants reste le défi majeur de la RDC.
‘’C’est là que nous intervenons ; pour nous il est crucial que chaque enfant soit scolarisé car ceci est son droit légitime et inaliénable’’ rassure Vianney Zihalirwa ; ‘’nous contribuons au rétablissement du droit de l’enfant à l’éducation mais aussi nous le préservons du travail d’enfant que lui impose son environnement quotidien.’’
L’Organisation Internationale du Travail (OIT), dont Vianney est agent, se déploie dans diverses contrées minières des provinces du Haut Katanga et du Lualaba afin d’aider à sortir les enfants des carrières minières pour les orienter vers la formation professionnelle et accompagner les ménages économiquement pour assurer la prise en charge de la scolarité de leurs enfants. Ces efforts ne sont pas encore assez suffisants, considérant le nombre accru des enfants dans le besoin. Il se dégage la nécessité de coordination d’actions des organisations acquises à la cause des enfants pour pouvoir endiguer ce phénomène du travail des enfants dans les sites miniers.
Lors de son récent passage dans les deux provinces, le Coordonnateur Résident du Système des Nations Unies, Bruno Lemarquis a plaidé auprès des gouvernements provinciaux pour envisager des actions allant dans le sens de sortir les enfants des sites miniers, en appui aux efforts limités des organisations non gouvernementales et multilatérales dédiées.
Au-delà des questions de scolarisation des enfants
Les sites miniers artisanaux, en plus de ne pas favoriser la scolarisation des enfants, sont aussi des milieux favorables à la violation des droits des femmes et des filles. Les couples se forment souvent sur la base d‘un arrangement ; ainsi, les filles se retrouvent exposées au mariage précoce, et au risque de VIH, dans un environnement où la prise en charge ne peut être garantie.
‘’Un bon nombre de femmes s’étaient rendues dans le site de Kilolo pour des raisons de [petit] commerce ; elles se sont retrouvées à vivre définitivement là-bas après y avoir contracté une grossesse non désirée’’, rapporte l’un des encadreurs sociaux, familier au site.
Les Nations Unies s’engagent à diversifier les interventions dans les sites miniers afin de favoriser un environnement de respect des droits humains dans leur ensemble et aussi pour promouvoir une diversification de l’économie. Elles comptent sur l’engagement des autorités nationales, provinciales et locales, ainsi que des partenaires du secteur privé et de la société civile pour espérer mettre fin au travail des enfants dans les sites miniers du Haut Katanga et du Lualaba.