Kalungu, une maternité pour redonner de l’espoir
Un centre commercial bien connu dans le territoire de Kalehe, au Sud Kivu, Kalungu est devenu, depuis quelques mois une zone d'accueil des déplacés
Kalungu est un centre commercial bien connu dans le territoire de Kalehe, au Sud Kivu.
Le centre commercial, toujours animée par des stationnements des camions et motos transportant des marchandises ainsi que des produits agricoles, est depuis quelques mois transformée en zone d’accueil des déplacés venus principalement du territoire de Masisi dans le Nord-Kivu.
Sur des collines avoisinant le centre commercial, on peut apercevoir des petites maisonnettes couvertes des bâches blanches qui servent des sites d’accueil pour les déplacés. Les déplacements continuent d’affluer autour de Kalungu, occupant quelques fois des salles de classe des écoles environnantes ou bénéficiant de l’hospitalité des certaines familles d’accueil en attendant d’être installés dans des camps.
L’arrivée massive a eu un impact sur le fonctionnement du centre hospitalier de Kalungu qui au départ était destiné à répondre aux besoins de ses 6 aires de santé.
Avec la crise humanitaire on a commencé à paniquer car on ne savait à quel saint se vouer. On estime à plus de 20 000 déplacés dans notre zone de santé. Le centre hospitalier n’avait qu’une petite maternité avec un seul lit d’accouchement. Il arrivait qu’on ait 3 ou 4 femmes en travail qui attendent l’accouchement. Certaines s’asseyaient à même le sol car on ne pouvait opérer aucun miracle, étant enclavé et surtout sans appui nécessaire » raconte Docteur Nicolas Bwema, Médecin Directeur du Centre hospitalier de Kalungu.
Sauver des vies, redonner espoir
Sur son lit, allaitant son bébé venu au monde la veille, Tumsifu Harina n’a pas hésité à raconter son histoire :
Je venais de notre village vers Rubaya, fuyant la guerre. Sur le parcours j’ai perdu 3 de mes enfants alors que moi-même j’étais enceinte. Je me sentais perdue et désespérée car je n’avais pas d’argent sur moi. J’ai été acheminée ici lorsque je suis arrivée à terme et j’ai accouché sans payer aucun frais », conclu-t-elle.
L’assistance à Tumsifu Harina a été possible grâce au projet d’urgence pour les populations déplacées du Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri. Ce projet financé par la France est mis en œuvre dans le territoire de Kalehe depuis novembre 2023 par UNFPA en collaboration avec l’ong nationale Transcultural Psychosocial Organisation, TPO en sigle.
Quand nous sommes arrivés au centre hospitalier de Kalungu, c’est l’état de la maternité qui nous a touché à la vue des femmes enceintes qui y étaient présentes. Nous avons donc appuyé l’élargissement de la salle de travail en y ajoutant des installations sanitaires mais aussi en ajoutant 2 lits d’accouchement supplémentaires » explique Jean Paul Tshiteya en charge de la mise en œuvre du projet chez TPO.
Les chiffrés partagés par l’administration de l’hôpital note une moyenne de 60 accouchements par mois avant la réhabilitation de la maternité. Depuis les travaux de réfection, la maternité affiche une moyenne de 90 accouchements mensuels.
Plus qu’une dotation
La maternité réhabilitée de Kalungu fait aussi la fierté de la population locale :
j’habites Kalungu et j’avais accouchée par le passé dans cette maternité, c’était pénible à l’époque. J’y suis à nouveau et j’avoue que tout a changé. Depuis les consultations prénatales jusqu’à l’accouchement j’ai reçu un accompagnement rassurant et cela sans payer aucun frais », témoigne Sifa Kidoro, une accouchée visiblement comblée qui s’apprête à retourner en famille avec son bébé.
Un médecin et une sage-femme ont été détachés par l’ONG TPO au centre hospitalier afin de renforcer les capacités du personnel soignant, un tournant dans la carrière de Noelle Chabusiku, sage-femme du centre hospitalier
Avant je ne savais comment m’occuper des patientes. Souvent j’étais dure avec elles, je ne pensais qu’à faire mon travail. Avec le mentorat en maternité j’ai appris comment désormais accueillir une femme enceinte, comment créer un lien de complicité avec elle, bref devenir sa confidente pour qu’elle se sente soutenue en sécurité, et surtout les aptitudes acquises dans la pratique des accouchements », raconte-t-elle.
Des accouchées visitées à la maternité ainsi que le personnel soignant gardent espoir quant à la suite de ce projet d’urgence, un défi qui tient à cœur UNFPA :
on a un projet qui est entrain de sauver de vie mais qui malheureusement tend à sa fin alors que la demande est encore forte à cause des déplacés qui continuent d’arriver. On espère que la France ou d’autres partenaires vont voler au secours de cette population afin de soulager les souffrances surtout des familles déplacées », note Déogratias Cigwerhe, chargé de la Santé de Reproduction humanitaire à UNFPA.
Depuis novembre 2023, UNFPA et TPO ont renforcé l’offre de services de santé sexuelle et reproductive dans le cadre de la mise en œuvre du projet intitulé « Réponse d’urgence aux besoins de Santé Reproductive, Maternelle, Néonatale, de l’Enfant et de l’Adolescent (SRMNEA) au bénéfice des populations retournées, déplacées et hôtes des provinces du Nord-Kivu, Ituri et Sud-Kivu ». Il est financé par la France car il s’agit d’une de ses priorités thématiques en matière des droits à la santé sexuelle et reproductive.