Transcription de la conférence de presse ONE UN du 27 novembre 2019
Animée à partir de Kinshasa par Mathias Gillmann, porte-parole de la MONUSCO par intérim
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
J’ai ici à mes côtés ici à Kinshasa, la représentante d’ONU Femmes en RDC, Awa Ndiaye Seck, qui nous parlera des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre.
Je voudrais d’abord bien sûr commencer par la situation à Beni. La situation à Beni et Butembo est ce matin relativement calme.
La Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo, Leila Zerrougui, a informé le Conseil de sécurité hier, par vidéo conférence depuis Kinshasa, concernant les récents évènements.
Elle a notamment présenté ses plus sincères condoléances aux familles des personnes qui ont perdu la vie dans les violentes manifestations de ces derniers jours, civils mais aussi membres des forces de sécurité congolaises. Elle exprime aussi sa vive émotion après la mort d’un jeune homme qui aurait été tué dans un échange avec les casques bleus alors qu’il s’apprêtait à lancer un cocktail molotov. Une enquête devra déterminer les circonstances exactes de ce drame.
Nous tenons à réaffirmer que nous ne sommes ni résignés ni indifférents aux terribles agissements des ADF. 14 attaques attribuées aux ADF et 80 morts depuis le 30 octobre : cette situation est inacceptable et nous tenons à redire que la MONUSCO comprend la colère et la frustration de la population et fait tout son possible, en collaboration avec les FARDC et la PNC, pour limiter les atteintes contre les populations civiles.
Il est important de souligner que toute entrave ou diversion empêchant le bon déroulement des opérations de sécurisation fait le jeu des ADF. S’attaquer aux installations de la MONUSCO, s’attaquer aux bâtiments institutionnels, ne fait qu’affaiblir la lutte contre ce groupe et contre les autres groupes armés.
Nous ne pourrons pas mettre fin aux menaces extrêmement graves qui continuent de peser sur la population si les forces déployées justement pour la protection de cette population sont attaquées. Seul un engagement commun et une étroite collaboration entre les forces de sécurité congolaises, la MONUSCO, les autorités provinciales et nationales, et la population, permettra de rétablir une paix durable dans le territoire.
C’est pourquoi, la réunion du Conseil national de sécurité qui a eu lieu lundi nous semble cruciale. La Représentante spéciale du Secrétaire général, Leila Zerrougui, s’est rendue à cette réunion à l’invitation du Président Felix Tshisekedi. De cette réunion est ressortie une détermination conjointe à travailler ensemble.
Travailler ensemble pour coordonner nos actions, dans le cadre du mandat donné à la MONUSCO par le Conseil de sécurité, pour l’échange d’informations mais aussi pour une planification conjointe, pour tout appui où nous pouvons apporter une valeur ajoutée. Une réponse militaire est évidemment nécessaire contre les ADF mais il faut aussi intensifier les efforts pour sécuriser les zones dont les ADF ont été chassées, et assécher leurs sources de financement et de réapprovisionnement.
Le Représentant spécial adjoint François Grignon et le Commandant de la Force par intérim, le Général Thierry Lion, sont aujourd’hui à Beni, en ce moment, pour évaluer la situation et identifier des solutions opérationnelles. Nous espérons avoir plus d’informations à partager avec vous très bientôt.
Je voudrais vous signaler également qu’au Nord Kivu, quarante-huit députés provinciaux et seize membres du personnel politique et administratif de l'Assemblée provinciale du Nord-Kivu ont été formés lors d’un séminaire sur les procédures et pratiques parlementaires.
Cette session, organisée par la section des Affaires politiques du bureau Petit Nord de Goma, avait comme objectif de renforcer les capacités des députés provinciaux en matière de procédures et de pratiques parlementaires afin de mieux maîtriser la problématique du contrôle des services décentralisés par l'Assemblée provinciale.
Elle offrira également aux députés provinciaux la possibilité de mieux appréhender leur rôle dans la protection et la promotion des droits de l’Homme et de se familiariser avec les notions d'espace démocratique et de liberté publique.
De son côté, la section des Affaires civiles du Petit Nord a organisé une mission conjointe de protection dans la région de Tongo pour évaluer l’impact de la fermeture d’une base des casques bleus et pour identifier des mécanismes permettant d’atténuer les menaces qui pèsent sur la sécurité des populations civiles dans la zone.
En Ituri, vingt-quatre officiers de la police nationale congolaise ont conclu samedi dernier à Bunia une formation dans le cadre du processus de relocalisation des réfugiés sud soudanais, installés en Ituri et dans le Haut-Uélé.
Les officiers ont été sensibilisés au maintien et au rétablissement de l'ordre public, aux droits et à la protection de l'enfant, ainsi qu’à la lutte contre les violences sexuelles et basées sur genre.
Un dialogue inter-communautaire s’est tenu à Tchomia du 18 au 21 novembre 2019, dans le cadre de la Pacification de l'Ituri, processus soutenu par le Gouvernement provincial et appuyé par la MONUSCO.
Trois jours durant, 120 personnes représentant les Communautés Lendu, Alur et Hema, mais également des FARDC et de la PNC, ont réfléchi sur les voies et moyens pour une bonne gestion et sécurisation du littoral du Lac Albert.
Je vous signale également que le Chef de la Composante Police de la MONUSCO Général Abdounasir Awalé a reçu le prix du Secrétaire Général des Nations Unies distinguant le meilleur « agent du changement 2019 ».
Ce prix lui a été décerné pour avoir contribué à apporter un changement significatif dans le système des Nations Unies notamment dans la lutte contre les groupes armés, celle contre les exploitations et abus sexuels.
La Police MONUSCO a aussi sous sa direction mis en place un Task-Force Ebola, qui a participé à la riposte contre cette épidémie.
Concernant l’Equipe de pays, je voudrais vous parler des inondations d’abord et vous signaler que la Représentante spéciale du Secrétaire général présente ses condoléances aux familles des victimes des inondations hier à Kinshasa.
Depuis octobre 2019, des pluies diluviennes se sont abattues sur des nombreuses provinces de la République démocratique du Congo, forçant, dans certains cas, de nombreux cours d’eaux, tels la rivière Ubangi, le fleuve Congo et leurs principaux affluents, à sortir de leurs lits et provoquant des inondations dans sept provinces : le Nord Ubangi, le Sud Ubangi, la Mongala, le Bas-Uele, le Haut-Uele, le Maniema et la Tshopo. Le Nord et Sud Ubangi ainsi que la Mongala sont parmi les provinces les plus affectées.
D’après les autorités provinciales, ce sont les plus importantes inondations de ces 25 dernières années.
Sur la base de ces données, le gouvernement et les acteurs humanitaires ont préparé un plan de réponse spécifique pour un montant s’élevant à 39,9 millions de dollars ciblant près de 227 800 personnes pour les trois provinces. Ce plan de réponse sera officiellement validé au cours du prochain Cadre National de Concertation Humanitaire sous la présidence du premier ministre, en sa qualité du président de ce forum. Les résultats de premières évaluations font état de centaines d'abris, d'écoles, de ponts, des points d’eaux, d'églises, d'installations d'hygiène et de terres agricoles détruits dans la plupart des territoires touchés.
Les activités de réponse se mettent progressivement en place. Les agences des Nations Unies et les ONG humanitaires se sont déployées dans les zones les plus touchées. OCHA appuie les autorités locales dans la coordination avec des antennes mobiles à Gbadolite (Nord-Ubangi), Libenge et Zongo (Sud-Ubangi).
L’UNICEF y a déployé des équipes Urgences et acheminé des matériels Wash, santé, protection et éducation dans le Nord et le Sud Ubangi.
En Ituri, un nouveau site pour les déplacés internes a ouvert la semaine dernière à Bunia. Quelque 10 000 déplacés internes y seront relocalisés.
Le nouveau site de Kigonze a été construit par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en réponse à un appel du gouvernement. Le but est de réduire la surpopulation dans un site spontané qui avait surgi autour de l'Hôpital général de Bunia, début 2018.
Quelque 400 réfugiés de République centrafricaine sont rentrés chez eux la semaine dernière depuis le camp de réfugiés de Mole dans la province du Sud-Ubangi. La majorité vivaient en RDC depuis plusieurs années.
Le démarrage du programme de rapatriement volontaire fait suite à un accord tripartite signé par le HCR et les gouvernements de la RDC et de la République centrafricaine en juin 2019.
Environ 4 000 personnes se sont inscrites pour bénéficier de ce programme. Bien que certains réfugiés aient spontanément organisé leur retour, le HCR prévoit d’aider quelque 25 000 personnes d’ici la fin 2020.
Je vais passer sans plus tarder à notre invitée, Mme Awa Ndiaye Seck, qui va nous parler des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. Mme Seck, vous avez la parole.
Représentante d’ONU Femmes en RDC [Awa Ndiaye Seck] : Merci. Je voudrais dire bonjour à tous ceux qui sont dans la salle et à tous ceux qui nous écoutent. J’étais ici l’année dernière à la même période pour parler du lancement de la campagne de 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes. Cette campagne, comme vous le savez, a été initiée et lancée depuis 1991 et se fait depuis lors dans tous les pays du monde. Elle démarre le 25 novembre qui est la Journée internationale de lutte pour l’élimination de toutes formes de violences à l’égard des femmes et elle se clôture le 10 décembre qui est la Journée internationale des droits de l’homme.
Ici en RDC, cette campagne se décline au niveau national et au niveau provincial. Vous avez suivi le lancement que nous avons effectué auprès de Mme la ministre d’Etat du Genre, Famille et Enfant le 25 novembre pour lancer officiellement la campagne ici. Ensuite hier, vous avez également pu suivre les activités que nous avons menées dans ce cadre avec toujours le ministère du Genre et avec le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme.
Les mêmes activités se déroulent aujourd’hui et hier on avait continué avec des écoles, elles se déroulent aujourd’hui ici à Kinshasa. Mais ces mêmes activités se déroulent au niveau de différentes provinces et au niveau de différents territoires. Certains ont pu suivre au niveau de réactions que nous avons suivies dans les médias, les activités que nous avons menées au niveau des médias. Et je sais que même au niveau des médias, il y a des initiatives qui sont prises. Parce que cette campagne, c’est la campagne de tout le monde, ces 16 jours pendant lesquels nous nous arrêtons pour dire : nous avons travaillé pendant toute l’année pour faire face, pour contrer tout ce qui essaie de mener des activités à l’encontre des femmes, les activités délictueuses.
Mais nous voulons nous arrêter pendant ces jours revoir ce que nous avons réalisé et également nous projeter sur ce que nous pouvons faire mieux dans le futur.
Pendant ces jours, nous nous mettons ensemble et nous associons tout le monde pour qu’on comprenne que cette campagne n’est pas la campagne du gouvernement, la campagne de la société civile ou la campagne des partenaires au développement, c’est une campagne qui concerne tout le monde pour qu’aucune femme n’ait à subir des violences, n’ait à subir un viol.
Vous connaissez les chiffres, je vous le rappelle : une femme sur trois dans sa vie a eu à faire face à une violence sexuelle ou une violence basée sur le genre. Et ce sont les efforts conjugués qui permettent de faire face à cela. Je ne vais pas vous lire la déclaration de Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka qui est la directrice exécutive de ONU Femmes et qui a fait une déclaration qui a été déjà partagée ou qui le sera.
Je voudrais juste vous dire que cette campagne, cette année, a comme thème : « La génération Egalité dit non au viol ». Et l’idée, c’est d’oranger le monde, oranger le monde comme une couleur qui symbolise la lutte contre les violences sexuelles et contre les violences basées sur le genre.
Je voudrais m’en tenir à cela et vous donner peut-être l’opportunité. Si vous avez peut-être les questions, de les poser. Mais ce que nous vous disons cette année, c’est ce que nous vous avions dit l’année dernière et les années avant, c’est que nous voudrions que vous nous aidiez à amplifier les messages, que vous nous aidiez à couvrir les activités qui se mènent mais que vous nous aidiez aussi à faire passer le message que le combat, ce n’est pas le combat des femmes, c’est le combat de tout le monde, c’est le combat pour qu’il y ait zéro cas parce qu’il y aura zéro tolérance et les Nations Unies s’inscrivent dans ce cadre, le Secrétaire général des Nations Unies s’inscrit à la tête de ce mouvement et les instructions claires ont été données et ici au niveau de la RDC sous le leadership de notre Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, Mme Leila Zerrougui, et de son adjoint M. David Mclachlan-Karr. Nous continuons au sein des Nations Unies à travers le « One + One » qui regroupe les ambassades et les Nations Unies et avec le gouvernement à travers le groupe thématique Genre à faire ce même travail.
Donc voilà ce que je tenais à vous dire et je vous remercie.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup Mme Seck.
Question 1
Anuarite Unyuti/ Agence Congolaise de Presse (Bunia) : Ma question concerne la situation sécuritaire. La population iturienne veut savoir ce que fait la MONUSCO pour barrer le chemin aux ADF qui pourraient s’infiltrer en Ituri fuyant l’opération de traque qui est lancée contre eux à Beni, dans la province sœur du Nord-Kivu.
Question 2
[Nom inaudible] / Radio musulmane (Bunia) : Les casques bleus des Nations Unies ont pour mandat de protéger les civils. Le chapitre 7 de la charte des Nations Unies donne l’autorisation aux casques bleus d’intervenir en cas de menaces contre la paix et d’actes d’agression, ça permet aux forces des Nations Unies d’entrer en guerre pour la protection de la population civile. Ma question est de savoir sur quelle condition la MONUSCO fait usage du chapitre 7 de la charte des Nations Unies afin d’entrer en guerre contre l’ennemi pour protéger la population civile ?
Le dernier cas est celui du début du mois de novembre où les éléments du groupe rebelle de CODECO ont attaqué et tué la population, non loin des bases des casques bleus de la MONUSCO dans le territoire de Djugu.
Et ma deuxième question, quel est l’apport concret de la MONUSCO à travers le dialogue intercommunautaire initié par les différentes communautés ituriennes pour la restauration de la paix totale dans le territoire de Djugu ?
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Merci pour ces questions. Je vais commencer avec la question sur les ADF qui seraient en route vers l’Ituri, je n’ai pas ces informations. Ce que je vais vous dire, c’est que la Force de la MONUSCO, la police là où elle est présente est mobilisée et va faire tout ce qui est en son pouvoir pour rétablir dans un premier temps la stabilité dans et autour de Beni et évidemment garder un œil sur les mouvements possibles des combattants ADF.
Concernant la [deuxième] question de Monsieur……, je pense qu’il est important de rappeler que la MONUSCO ne fait pas la guerre. La MONUSCO s’engage dans des opérations militaires conjointes avec l’armée de la République démocratique du Congo. L’armée de la République démocratique du Congo, la police de la République démocratique du Congo sont les autorités qui ont la première responsabilité en termes de protection de leurs populations.
La MONUSCO est mandatée par le Conseil de sécurité pour soutenir l’armée, pour soutenir la police et pour soutenir les autorités gouvernementales dans leur ensemble dans ces combats. Il y a évidemment des opérations militaires, comme je l’ai dit dans mon introduction qui sont nécessaires, mais il est important pour la Représentante spéciale et pour la MONUSCO de rappeler que des opérations militaires ne sont pas suffisantes pour neutraliser des groupes armés.
Nous avons besoin d’une approche holistique. Comme vous le savez, les ADF sont incrustés dans la communauté à Beni et autour de Beni depuis plus de 30 ans. Et il y a un ensemble d’acteurs à Beni, les ADF mais aussi d’autres groupes armés qui vivent de l’économie de la guerre et qui ont intérêt à ce que l’instabilité et l’insécurité continuent de régner.
Et donc notre mandat, c’est de soutenir le gouvernement qui a été très clair et qui est très déterminé à combattre les ADF et à sécuriser la population. Ça ne veut pas dire qu’on y arrive tout le temps, c’est évident mais nous sommes vraiment déterminés à voir comment on peut continuer à soutenir le gouvernement, le soutenir mieux et arriver à, effectivement, remplir ce mandat de protection des civils qui est extrêmement ambitieux dans les conditions que l’on connait à Beni et autour de Beni.
Question 3
Séraphin Nkiere May/ Agence Congolaise de Presse (Kinshasa) : J’étais réjoui du mot que vous avez employé en disant que la MONUSCO comprend la population de Butembo et de Beni, c’est vrai est-ce que vous ne pensez pas, effectivement, que cette population a amplement raison dans la mesure où elle est déçue ? Vous savez, pour les amis qui ont voyagé à Beni, Ituri, Masisi et ailleurs, ils savent que la population fait totalement confiance à la MONUSCO et aux soldats de la paix. Et quand elle voit les populations se faire massacrer par les ADF par exemple en présence, si je peux le dire, des soldats de la paix, ils sont déçus. Voilà toute leur réaction. Et cette réaction négative, moi je la comprends, heureusement aussi que la MONUSCO la comprend. Mais pendant combien de temps, cela fait 20 ans que cette population essaie de vous comprendre.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : La population effectivement exprime une colère, et encore une fois une frustration et une impatience certainement que nous comprenons.
Comme vous l’avez dit, ça fait 20 ans que nous que nous sommes engagés dans une lutte contre les ADF. Ça fait encore plus longtemps que les ADF terrorisent la population dans cette zone. Ce qu’il est important de comprendre avec les ADF, ce n’est pas un groupe militaire qui est clairement identifiable. Il y a les attaques qui ont été menées par les ADF et qui ont été menées en représailles des opérations de l’armée. Parce qu’il ne faut pas oublier que c’est quand l’armée est allée les attaquer de front qu’eux sont venus ensuite intensifier les attaques qu’ils perpètrent contre les civils.
Il faut comprendre que les attaques qui sont perpétrées par les ADF sont des attaques qui ont souvent lieu la nuit, qui ont lieu sur des civils parfois ciblés, parfois pas ciblés. Et ce sont les attaques à la machette dans le silence de la nuit et dans une zone géographique extrêmement complexe à couvrir.
Nous, en tant que MONUSCO, nous avons effectivement de grandes responsabilités et avec de grandes responsabilités viennent aussi de grandes attentes et de grands espoirs de la population. C’est pour cela qu’on vous dit qu’on comprend, on comprend que la population soit impatiente, on comprend que la population n’en puisse plus.
Mais il n’en demeure pas moins que si on déstabilise encore plus la situation, si on attaque la MONUSCO, et on n’attaque pas seulement que la MONUSCO, je vous rappellerai que la mairie de Beni a aussi été brûlée. Donc, il y a aussi une colère et une frustration qui s’expriment sur les autorités nationales et locales.
Il est évident que quand vous avez des institutions visibles et vous ne savez pas où diriger cette colère, vous allez la diriger sur les institutions qui sont les plus visibles. C’est une réalité avec laquelle on vit quand on fait du maintien de la paix.
Donc, ce qu’on peut vous assurer, c’est qu’on fait tout ce qui est en notre pouvoir. On fait les patrouilles le plus qu’on peut, on apporte le soutien à l’armée dans la limite de ce que l’armée nous demande. Parce que ce n’est pas à la MONUSCO de décider ce qu’il faut faire unilatéralement. Nous sommes ici encore une fois pour soutenir une stratégie extrêmement bien définie, une stratégie ciblée sur des ennemis identifiés par l’armée de la République démocratique du Congo. Donc, nous allons continuer ces efforts.
Nous avons connu des succès malgré tout en République démocratique du Congo. Je vous rappelle qu’il y a encore deux ou trois ans, il y avait un tiers du territoire du pays qui connaissait la violence armée. Aujourd’hui on est à 10 %. Il y a effectivement encore un travail à faire, on n’a pas tout réussi. On n’a pas tout raté non plus, mais on n’a pas tout réussi, et on demande à la population vraiment de ne pas se tromper d’ennemi.
Question 4
Roger Marley Lukunga/ Elima News : Question à Mme Awa Seck. 16 jours d’activisme pour lutter contre les violences faites aux femmes, mais ces 16 jours ont la malheureuse déconvenue de se dérouler à un moment où l’est de la République démocratique du Congo est en proie à une intensification de violence. Ne craignez-vous pas que ces 16 jours d’activisme soient plutôt pris pour un moment où les violences, les viols vont encore se perpétrer davantage parce que c’est lors des conflits, lors des guerres à l’est qu’il se déploie beaucoup de cas de viol.
Représentante d’ONU Femmes en RDC [Awa Ndiaye Seck] : Je pense que justement, le fait que cette situation que vous décrivez se passe actuellement, et que les 16 jours d’activisme, la campagne qui est, comme je l’ai dit, une campagne globale – les dates ne sont pas décidées ici, les dates étaient déjà décidées de manière globale et ça se déroule dans tous les pays – mais le fait que ça se passe maintenant, est également une opportunité pour mettre davantage l’accent sur la question de la protection des femmes et des filles dans ce contexte-là. Parce que la même campagne que l’on mène ici à Kinshasa, on la mène à Beni.
Il y a des institutions – je sais qu’il y a « IFELPIC » qui mène des activités au niveau de Beni et il y a d’autres institutions qui mènent des activités au niveau de Beni. Et cette campagne offre l’opportunité justement de mettre davantage l’accent sur ces femmes et ces filles qui souffrent de cette situation, mais également pour montrer la responsabilité des uns et des autres dans cette situation.
Donc, encore une fois, nous aurions préféré en célébrant ces 16 jours d’activisme qu’il n’y ait pas du tout de situation de ce genre à gérer. Mais la situation est là et ça nous donne une opportunité pour dire aux femmes et aux filles, où qu’elles soient, d’apporter leurs contributions parce que nous avons besoin effectivement d’une meilleure compréhension, d’une meilleure solidarité, d’une meilleure cohésion, et nous savons que les femmes et les filles y jouent un rôle.
Mais c’est également une opportunité de dire aux hommes et aux garçons que quelle que soit la situation qui est créée, elle a un impact sur les communautés. Et parmi ces communautés, il y a les femmes et les filles.
Donc, nous en appelons encore à la contribution de tout le monde pour que ces 16 jours d’activisme, justement, puissent aider à apporter plus de réponses aux situations que vous avez déplorez et que nous déplorons tous.
Question 5
Nephtalie Buamutala/ RTGA : Je reviens sur la situation de Beni. La MONUSCO est dégoûtée dans l’est du pays, précisément au Nord Kivu où la population exige votre départ. Quelles sont les nouvelles stratégies – je parle bien de nouvelles stratégies – que vous avez mis en place pour redorer ou redonner la confiance à cette population de Beni ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Il y a des efforts de dialogue qui vont être faits. Il est évident que l’on ne peut pas se satisfaire de voir des explosions de violence qui sont dirigées contre la MONUSCO ou contre les institutions congolaises.
Nous avons engagé dans plusieurs de nos bureaux ailleurs dans l’est des dialogues avec la société civile. C’est un travail que l’on fait depuis des années mais c’est un travail que l’on va intensifier. On va vraiment essayer d’aller encore plus au contact de la population pour que la population comprenne aussi nos limites. Il faut comprendre nos moyens, il faut comprendre notre mandat mais il faut aussi comprendre nos limites.
Il y a un ensemble de choses qu’on peut faire pour aller vers la population, pour lui expliquer ce qu’il est possible de faire mais il y a aussi beaucoup de choses qui dépendent du gouvernement et de la manière dont on arrive à travailler avec les autorités nationales. C’est pourquoi ce Conseil national de sécurité, encore une fois, a été un moment crucial, parce qu’il y a vraiment – vous allez me dire, ce n’est peut-être pas extrêmement concret tout de suite – mais il y a vraiment eu une réaffirmation d’une volonté de vraiment travailler ensemble, de vraiment identifier des solutions.
Vous avez vu que l’Etat-major congolais a annoncé certaines mesures. Comme je vous l’ai dit, le Commandant de la Force et le Représentant spécial adjoint sont à Beni aujourd’hui, et on espère avoir des lignes de coopération qui sont claires et qui vont permettre une amélioration sur le terrain pour les populations.
Question 6
Bertin Buloza/ Laprunellerdc.info (Bukavu) : Ma question est de savoir : en tenant compte de récents discours de certaines autorités du pays et les récentes manifestations de populations locales ici à l’est du pays, ne pensez-vous pas que vous êtes une mission de l’élite, d’une certaine classe politique en RDC, alors que c’est cette population locale qui devrait normalement reconnaître les actions de la MONUSCO en RDC ?
Question 7
Judith Kahasha / L’Essentiel.info (Bukavu) : J’ai deux petites questions, à savoir : la première, après toutes ces attaques contre la MONUSCO, quelle est votre nouvelle approche pour accompagner les FARDC et surtout répondre aux aspirations de la population congolaise ? La deuxième question est de savoir : en dépit des attaques et accusations de la population congolaise contre la MONUSCO, est-ce que la Mission des Nations Unies au Congo se reproche quelque chose ?
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Alors, je vais commencer avec Madame. La première question, je pense que j’y ai déjà répondu donc je ne vais pas reprendre ce que je viens de dire.
La deuxième question – qu’est-ce qu’on se reproche, nous : Madame Zerrougui, hier, lors d’une conférence de presse avec vos collègues à New York, a dit qu’à chaque fois qu’il y un civil qui meurt au Congo, c’est notre mandat qui n’est pas rempli. Si notre mandat était rempli, s’il n’y avait rien à nous reprocher, on aurait déjà fait nos bagages et on serait déjà partis.
Le fait qu’il y ait encore des attaques qui se perpétuent contre les populations civiles, encore une fois ne pensez pas que nous sommes résignés, que nous sommes indifférents et que nous allons laisser cette situation perdurer. Nous sommes vraiment déterminés à faire une différence et nous espérons que cette volonté réaffirmée de travailler avec les autorités permettra encore une fois d’arriver à des améliorations concrètes sur le terrain pour la population civile.
Quant à la coopération avec le gouvernement : comme je l’ai dit, le Conseil national de sécurité a été un moment important.
Il y a depuis toujours – et c’est normal dans le cadre d’une mission de maintien de la paix – des sensibilités à prendre en compte en termes de souveraineté d’un pays. Avoir des militaires étrangers sur son sol n’est jamais évident, n’est jamais facile. Et vous le savez, il y a des frustrations, aussi du côté de certains politiques congolais concernant la performance de la MONUSCO, ou simplement sa présence.
Ce que je vous dirais c’est que les relations avec le gouvernement actuel sont très bonnes, c’est que nous travaillons pour arriver à une amélioration de la situation, nous travaillons pour finir le travail sur les poches d’instabilité qui continuent de perdurer à l’est et dans le Kasaï – comme vous le savez, nous avons recentré nos efforts sur l’est et le Kasaï – et nous sommes déterminés à continuer à travailler avec le gouvernement.
La Mission de maintien de la paix est ici avec l’accord du gouvernement et mandaté par le Conseil de sécurité. Donc, nous continuons à travailler selon ces lignes directrices.
Question 8
Albert Omba/ Numérica TV : Je ne pouvais pas revenir avec toutes les questions des collègues mais je veux une précision. Au nouveau mode, nouveau remède. 2014, nous avons la même situation : M23 sur la porte de Goma, ADF à Beni et FDLR. Le Gouvernement congolais se met à table avec les Nations Unies et accouche de deux nouvelles brigades : une du côté des FARDC et une autre du côté de l’ONU et ils sont souvent sur le terrain. Voilà la réponse immédiate qui a mis fin au M23 et éradiqué aussi les FDLR et d’autres forces. Actuellement que la population est en colère, quels sont les remèdes immédiats qu’on peut proposer ? Parce que vous pouvez dire que vous êtes en bons termes avec le Gouvernement, parce qu’à notre connaissance, vous avez rompu le mariage avec le Gouvernement. Est-ce que ce mariage a repris réellement, dans des termes bien précis ? C’est-à-dire qui fait quoi sur le terrain, à Beni dans le triangle, Oicha-Kamango-Beni, qui fait quoi réellement et qui est là réellement ?
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Je pense M. qu’il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de remède unique. Ce qui a marché avec le M23 ne va pas forcément marcher avec les ADF. Tous les groupes armés ne fonctionnent pas de la même manière. Et donc, il faut qu’on adapte sa stratégie. A Beni, le 30 octobre, l’armée congolaise a décidé unilatéralement d’intervenir. Ce qui est son droit légitime et souverain. On nous a demandé de les soutenir en termes d’évacuation médicale, ce qu’on a fait. En termes de partage d’informations, ce qu’on a fait. Depuis le conseil national de sécurité lundi, il y a une décision de travailler de manière plus étroite et un soutien accru qui est demandé à la MONUSCO aux opérations parce que si vous faites des opérations de sécurité sans assurer la sécurisation de vos bases arrière, vous arriverez à cette situation où effectivement le groupe armé va ensuite prendre sa revanche sur des populations civiles.
Donc, on va travailler à la sécurisation des zones arrière et on va travailler à une meilleure planification, une meilleure identification des cibles pour garantir qu’on peut combattre les ADF sans qu’il y ait des dommages collatéraux sur les populations civiles.
Question 9
Laeticia Masela/ RTNC 2 : Je pose la question à Mme Awa Seck. En RDC, vous avez effectué un état des lieux de ces fléaux et des solutions ont été prises pour faire bouger les choses afin que l’année prochaine le taux des violences baisse. Cependant, pouvons -nous espérer qu’il y aura du mieux prochainement ?
Représentante d’ONU Femmes en RDC [Awa Ndiaye Seck] : Merci. Vous faites bien d’ailleurs d’évoquer cela. Effectivement, pour la première fois dans l’histoire de la RDC, les bailleurs de fonds se sont mis ensemble pour commanditer une étude qui portait sur évaluation de 10 ans d’intervention dans le domaine de la prévention des violences sexuelles et violences basées sur le genre.
Donc, toutes les activités qui ont été menées pendant 10 ans. Cette étude a été finalisée et les résultats ont été partagés cette année. Et à l ’issue du rapport, effectivement, des pistes ont été identifiées, les « gap » [lacunes] ont été évoquées, y compris le besoin d’avoir une meilleure coordination et des actions concrètes ont été identifiées qui seront menées. Et nous sommes très optimistes qu’avec ces résultats, les actions qui ont été retenues par les différentes parties prenantes, on verra une amélioration l’année prochaine et peut-être les années à venir. Et n’oubliez pas qu’au niveau du Gouvernement aussi, des décisions ont été prises notamment pour relever le niveau du ministère du Genre. C’est la première fois qu’on a une ministre d’Etat du Genre et on a également une Conseillère spéciale du président de la République en charge des questions de violences basées sur le Genre et de Jeunesse. Donc, nous pensons que l’ensemble permettra d’améliorer les résultats et de donner, l’année prochaine, une situation encore meilleure.
Question 10
Chris Elongo /B-One TV : Je voulais poser la question au Commandant de la Force mais comme-ci à Goma on n’a pas de connexion. Je voulais savoir, les manifestations de Goma, Beni et Butembo d’il y a deux jours, il y a eu un mort, selon les sources sur place et on accuse la MONUSCO d’avoir tiré sur cette personne.
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Monsieur, j’en ai parlé. J’ai indiqué que la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU avait exprimé son émotion après la mort d’un jeune homme qui aurait été tué dans un échange avec les casques bleus alors qu’il s’apprêtait à lancer un cocktail Molotov. Et j’ai aussi dit qu’une enquête devra déterminer les circonstances de ce drame. Pour l’instant, je n’ai pas plus d’éléments là-dessus.
Question 11
Yvan Kasongo/Actualite.cd : Mathias, je vous ai suivi. Vous nous demandez d’être clément envers la MONUSCO. On ne le sera pas parce qu’on doit être regardant envers vous. Il n’y a pas très longtemps vous avez annoncé qu’il y a eu 3 000 hommes supplémentaires de la Brigade d’intervention. Où en sommes-nous avec ces hommes ? Que font-ils sur le terrain ?
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Monsieur, il y a 3 000 hommes en tout dans la Brigade d’Intervention. Ils ne sont pas tous à Beni. Et je n’ai pas demandé la clémence. J’ai demandé de ne pas se tromper d’ennemi. C’est très différent.
Question 12
Yvan Kasongo/ Actualite.cd : Je continue. Concrètement, quel est le problème qui empêche les FARDC et la MONUSCO d’aller au front vite et rapidement pour résoudre ce problème parce que la population pleure tous les jours ?
Porte-parole de la MONUSCO par intérim [Mathias Gillmann] : Je comprends, nous comprenons. Aller au front, c’est-à-dire qu’il y a un front à affronter, justement. Les ADF ne sont pas encore une fois, un groupe qui avance sous la forme d’un contingent clairement identifiable de militaires. C’est pourquoi Madame Zerrougui le répète, il y a des opérations militaires à faire mais il faut aussi couper les sources de réapprovisionnement de ces groupes, il faut aussi sécuriser les zones dont ils ont été chassés pour s’assurer qu’ils ne puissent pas se réinstaller. Et il faut que les agitateurs, les gens qui ont intérêt à ce que cette économie de guerre continue de perdurer- parce que la majorité immense de la population civile souffre de l’économie de guerre mais il y a des gens qui, au contraire, en font leur pain- il faut que ces gens soient identifiés et mis hors d’état de nuire. Et là-dessus, je vais conclure. Je vous remercie beaucoup, merci aux auditeurs de Radio Okapi.