L’imprimerie comme moyen de se reconstruire après les conflits armés au Nord-Kivu !
29 février 2024
Autre fois victimes et déplacées de guerre, ces 15 jeunes femmes ont lancé une entreprise de production en vue d’assurer leur autonomie financière
Lorsqu'un groupe de jeunes femmes déplacées à l'intérieur du pays en raison du conflit armé en cours dans la province du Nord-Kivu ont eu la chance de se remettre sur pied économiquement, et ont été interrogées par ONU Femmes et la Division provinciale du genre du gouvernement de la RDC sûr qu’est-ce qu’elles voulaient faire, elles n'ont pas hésité : « nous voulons ouvrir une imprimerie… ensemble ».
15 jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans, autre fois victimes et déplacés de guerre, se sont rassemblées pour démarrer une entreprise de production en vue d’assurer leur autonomie financière. Alors que de nombreuses autres femmes ciblées par ce projet d'ONU Femmes, Japan 1, financé par le gouvernement du Japon, ont choisi de créer individuellement des entreprises, demandant des semoirs, de la farine de manioc, etc. Joséphine et ses amies, désormais collègues, ont décidé de s’investir dans l’imprimerie. C’est dans la Division Provinciale du Genre du Nord-Kivu, située à Goma, qu’un espace a été dédié à cette tâche très particulière. C’est là que se trouve l’Imprimerie : Fourmilières, une ode au travail incessant des fondateurs.
‘’Lorsque nous avons été sélectionnées pour la première fois par la Division Genre pour ce projet, nous avons été invités à suivre plusieurs formations ; l'un d'eux était sur le graphisme, ils nous ont tout appris sur les TIC, mais aussi sur l'utilisation de Photoshop et d'autres outils. Après avoir terminé la formation, nous nous sommes réunis et avons reçu le matériel que vous voyez ici : des machines à pages, des machines à polo, des imprimantes, des ordinateurs et bien d'autres choses. C’est ainsi que nous avons créé ce que nous sommes aujourd’hui. Maintenant, notre prochain défi est de nous formaliser. Nous souhaitons avoir des partenaires institutionnels et voir notre imprimerie grandir, et pour cela, nous devons être formellement reconfigurés par l'Etat. On attend nos papiers officiels !’’
Joséphine, manager élue et designer en chef des Fourmilières, est une fervente défenseure des entreprises dirigées par des femmes.
‘’Je pense que notre deuxième obstacle est le marché. Nous souhaitons encourager davantage de femmes et de filles à travailler dans l’imprimerie, mais il s’agit toujours d’un secteur dans lequel la plupart des imprimeries sont dirigées par des hommes. Quand les gens voient que nous sommes des femmes ambitieuses, ils essaient de nous mettre de côté, comme pour dire que nous ne réussirons jamais mieux que les hommes. Mais si vous croyez que vous en êtes capable et que vous n’abandonnez pas, vous finirez par vous retrouver ici. Et vous avez un niveau supérieur à celui des hommes qui font votre travail. ONU Femmes a également un rôle à jouer en aidant les femmes à dépasser les attentes de la société. Nous avons choisi de nous regrouper car nous avions tous des points forts spécifiques, mais aussi des points que nous souhaitions améliorer. Nous avons donc identifié chacune de nos capacités, et c'est ainsi que nous avons chacun obtenu notre rôle au sein de l'entreprise. J’ai été choisi pour être le manager.''
s'exprima Joséphine.
Survivantes du conflit armé du Nord-Est, les jeunes femmes ont dû fuir leurs villes, la plupart perdant toute leur famille. Beaucoup d'entre elles sont des jeunes mères célibataires qui tentent de se remettre sur pied et de pouvoir emmener leurs enfants à l'école, mais elles n'oublient pas les milliers de jeunes femmes déplacées qui ont encore besoin de soutien et d'orientation.
Malgré les défis, les jeunes femmes de Fourmilières sont prêtes à chercher leur avenir et motivées à continuer à développer leurs compétences et leur entreprise. Elles espèrent agrandir leur équipe une fois l'entreprise formalisée et ouvrir leurs portes à d'autres jeunes femmes qui, tout comme elles, ont besoin de s'autonomiser économiquement. Joséphine a partagé son message clair aux déplacés réveillés de la RDC :
‘’ONU Femmes nous a donné une très grande opportunité. Avant du certificat nous ne pouvions ni travailler ni étudier. Et après on a reçu le matériel pour l’imprimerie. Maintenant, ce n'est peut-être pas beaucoup, mais je peux payer de petites choses, comme le bus. Je veux aider d’autres jeunes femmes comme nous. J'aimerais aussi aider d'autres femmes sans études ni travail, comme nous, pour qu'elles voient qu'elles valent mieux que ça. Je les encouragerai à suivre des formations, des ateliers, les accompagnerai pour devenir meilleurs.
Mon message pour les jeunes femmes déplacées serait que ce qui les attend n’est pas une vie facile. Mais vous devez toujours faire de votre mieux ; il y a toujours des opportunités qui se présentent et il faut savoir les saisir. Restez fortes, restez courageuses et saisissez les opportunités de grandir.’’
Écrit par
Marina Mestres Segarra
ONU Femmes
Spécialiste des médias et plaidoyer / Point Focal Communications