Transcription de la conférence de presse ONE UN du 16 octobre 2019
La conférence de presse des Nations Unies était animée à partir de Kinshasa par Florence Marchal, porte-parole de la MONUSCO.
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Bonjour à tous, bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Pour m’accompagner aujourd’hui ici à Kinshasa, Mathias Gillmann, qui représente les agences, fonds et programmes des Nations Unies et, depuis Goma, le porte-parole militaire de la Mission, le Lieutenant-Colonel Claude Raoul Djehoungo. Nous serons également connectés avec nos camarades de Bunia et de Bukavu.
Pour commencer cette conférence de presse, je souhaiterais, au nom de la Représentante spéciale du Secrétaire général, du leadership et de tous les personnels de la MONUSCO, présenter nos sincères condoléances aux familles des victimes du tragique accident d’avion survenu jeudi dernier dans la province du Sankuru ainsi qu’à l’ensemble du peuple congolais.
En ces moments difficiles, la MONUSCO a naturellement répondu favorablement aux demandes de soutien du Gouvernement congolais pour la conduite des opérations de secours. Il s’agit d’un appui logistique qui consiste principalement en l’organisation de vols, depuis samedi dernier, vers la zone où le cargo militaire s’est écrasé. Notre objectif est de faciliter l’accès des autorités congolaises au site et de contribuer à la récupération et au rapatriement des dépouilles.
Nous menons régulièrement ce type d’opérations de protection civile à la demande des autorités, qu’il s’agisse d’interventions en cas d’incendie ou de catastrophes aériennes, ferroviaires ou routières.
Il est normal que la MONUSCO mette ses moyens matériels à la disposition du peuple congolais et contribue ainsi à alléger ses souffrances.
Suite à la session consacrée à la République démocratique du Congo et à la MONUSCO mercredi dernier, les membres du Conseil de sécurité ont publié hier un communiqué de presse dans lequel ils saluent la formation d’un nouveau gouvernement de coalition et encouragent ce dernier à placer les besoins du peuple congolais au-dessus d’intérêts partisans.
Ils rappellent l’importance de réaliser les engagements du Président Tshisekedi, notamment en matière de renforcement de l’état de droit, de respect de la liberté d’opinion et d’expression, de lutte contre la corruption et de construction de la paix. Cette paix durable à laquelle tout le monde aspire tout comme la consolidation de la transition politique actuelle dépendent, toujours selon les membres du Conseil de sécurité, de la stabilité politique et sécuritaire et de la présence renforcée de l’état dans les zones de conflit.
A ce titre, ils accueillent favorablement la volonté de réforme des forces de défense et de sécurité congolaises afin d’en renforcer le professionnalisme et l’intégrité. Ils encouragent également le Gouvernement à poursuivre une approche flexible pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants dans la vie civile en leur proposant des alternatives et opportunités économiques durables.
Tout en saluant les initiatives en cours, les membres du Conseil de sécurité rappellent l’importance pour la RDC et ses voisins de travailler ensemble afin de lutter contre l’insécurité dans l’est du pays. Persuadés que le développement économique durable de la région sera un élément moteur pour la paix régionale et pour traiter les causes profondes du conflit, ils suggèrent une approche intégrée prenant en compte la coopération économique et l’intégration.
Le communiqué aborde également la question sécuritaire. A ce sujet, le Conseil de sécurité fait part de sa préoccupation face à la détérioration de la situation dans le Nord-Kivu et à la persistance de l’insécurité dans les provinces du Sud-Kivu et de l’Ituri.
D’une part, le Conseil condamne une nouvelle fois les groupes armés et leur demande de cesser tout acte de violence, d’abus et de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international.
D’autre part, il appelle les FARDC et la Mission à mieux travailler ensemble afin de neutraliser les groupes armés.
Autre sujet préoccupant : la situation humanitaire actuelle avec notamment la menace que représentent les épidémies d’Ebola, de rougeole et de choléra.
Enfin s’agissant de la MONUSCO, les membres du Conseil de sécurité sont convaincus que la Mission a un rôle déterminant à jouer afin de relever les défis sécuritaires et humanitaires auxquels fait face la RDC. C’est dans ce cadre qu’ils attendent que leur soit remis prochainement le rapport de la revue stratégique indépendante avant de mener des consultations et des discussions sur le renouvellement de notre mandat.
La version intégrale du communiqué publié en anglais vous sera remise à l’issue de cette conférence de presse.
Nous allons maintenant retrouver le porte-parole militaire de la MONUSCO, qui, depuis Goma, va revenir sur les faits marquants de l’actualité sécuritaire de ces derniers jours. Colonel, c’est à vous.
Porte-parole militaire de la MONUSCO [lieutenant-colonel Claude Raoul Djehoungo] :
Mesdames et Messieurs bonjour, je vais profiter de cette occasion pour annoncer l’arrivée sur le théâtre [des opérations] du Général de division, Thierry Lion en sa capacité du nouveau Commandant adjoint de la Force de la MONUSCO. Général Lion vient en remplacement du Général Commins qui a fini son mandat pendant les trois dernières années et il a déjà quitté le théâtre [des opérations].
Je voudrais signaler ici que le Général Lion était précédemment, je dirais-depuis 2016-, en service au niveau des Nations Unies où il servait en tant que Conseiller militaire de l’Attaché de défense de France près la représentation permanente de la France au niveau des Nations Unies.
Pour en revenir à la situation militaire, je puis dire qu’elle se caractérise de façon générale par une baisse remarquable de la tension au cours des trois semaines écoulées. La province de l’Ituri, le territoire de Beni, la région du Massi et celle de Minembwe demeurent l’épicentre des activités de la Force de la MONUSCO. Les récentes attaques menées par les groupes armés sont assimilables à des soubresauts d’orgueil en réaction aux nombreuses opérations lancées par les FARDC qui, progressivement, reprennent l’initiative sur l’ensemble de la région.
Sur le plan opérationnel, les principales informations sur la situation sécuritaire des trois semaines écoulées dans les différentes provinces se présentent comme suit :
Dans la province de l’Ituri, la situation sécuritaire est marquée par de multiples attaques orchestrées par des individus non identifiés contre les civils et les personnels des FARDC. Depuis la fin du mois de septembre à ce jour, on ne dénombre pas moins de 15 attaques dont 5 étaient contre les civils. L’objectif de ces attaques était soit de saisir des armes et des munitions, soit de se ravitailler en vivres, médicaments et autres denrées de tout genre par le pillage de boutiques. La Force de la MONUSCO, outre les déploiements entrant dans le cadre de la protection des civils, intensifie la coordination avec les FARDC en vue d’obtenir la reddition des combattants des groupes armés.
Dans le territoire de Beni, la situation est quasi identique. En témoigne l’attaque perpétrée le 10 octobre 2019 par les ADF contre les FARDC sur la position de Mutare (50 km au nord-est de Beni), et celle dirigée contre un camion de transport le 14 octobre par les mêmes ADF à Mukoko. D’autres attaques qui ont eu lieu les 7, 8 et 9 octobre sur des positions des FARDC respectivement dans les localités de Maleki (9 km à l’ouest de Oicha, Kitchanga (12 km à l’est de Beni) et au PK 15 (environ 13 km au nord-est de Mbaw), sont attribuées aux mêmes ADF. La Force de la MONUSCO, dans le cadre de la protection des civils a installé une nouvelle base de déploiement temporaire dans la localité de Kabasha ; l’objectif de ce nouveau déploiement est de prévenir l’action des groupes armés, de protéger les équipes de réaction contre la maladie à virus Ebola et de favoriser la reprise des activités socio-économiques.
Dans le reste de la province du Nord-Kivu, après une accalmie d’environ deux semaines, des affrontements ont éclaté entre les groupes Mayi-Mayi Nyatura, la coalition APCLS et FDLR d’une part et, le groupe NDC/R d’autre part. Ces affrontements ont été suivis par le déclenchement des opérations des FARDC contre les groupes armés opérant dans la région. L’action de la Force de la MONUSCO a consisté à éviter autant que possible les attaques des groupe armés contre les populations civiles.
Dans la province du Sud-Kivu, la situation est caractérisée par des attaques perpétrées contre les civils et des affrontements intercommunautaires. Ainsi, des populations civiles fuyant ces affrontements se sont déplacées vers la base de déploiement de Mikenge pour se mettre à l’abri.
Hier 15 octobre 2019, des affrontements ont éclaté entre des Mai-Mai et les Twigwaneho du village Kalonge (15 km environ à l’est de Minembwe). Les informations reçues font état du fait que les Mai-Mai voudraient venger leur ancien chef de village qui aurait été assassiné en complicité avec le chef du village Ilundu. En réaction à l’attaque des Mai-Mai, une opération des FARDC a été déclenchée contre le village de Kalongozi (7 km à l’ouest de la base de déploiement de Minembwe).
La situation est calme depuis ce matin et fait l’objet d’un suivi attentif de la part de nos unités et de celles des FARDC qui, quant à elles, sont en attente d’éléments de renfort avant la fin de la journée.
Dans la région des Kasaï, la situation sécuritaire qui prévaut relève davantage des forces de sécurité que de celles de la défense. Il existe certes quelques sources de tension en raison des difficultés générées par l’installation des sites des personnes retournées ; cependant, la situation est globalement calme.
Au titre de la coopération civilo-militaire, le renforcement des capacités des jeunes au travers de formations de qualification se poursuivent. Le ravitaillement en eau potable et l’installation d’infrastructures pour la fourniture de l’énergie électrique se poursuivent également dans plusieurs régions.
Enfin, les pourparlers et moult initiatives de sensibilisation continuent de favoriser la reddition de combattants de divers groupes armés qui, revenant à la raison, se rallient à la cause de la paix. Ainsi, au cours de ce mois d’octobre, un total de 31 éléments parmi lesquels trois enfants-soldats se sont rendus à la MONUSCO et aux FARDC. Ils sont actuellement pris en charge par la section Désarmement, Démobilisation, Rapatriement, Réintégration et Réinsertion (DDRRR) de la Mission en vue de leur réinsertion communautaire. Je vous remercie.
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Merci colonel, sans tarder, je passe la parole à Mathias, qui représente les fonds, agences et programmes de l’ONU en RDC.
Coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, aujourd’hui, la Journée mondiale de l'alimentation marque aussi le 74è anniversaire de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Avec des événements organisés dans 150 pays, c'est l’une des plus importantes manifestations du calendrier des Nations Unies.
Cette année, la Journée mondiale de l'alimentation a pour thème l'alimentation saine. La priorité absolue de la FAO est l'éradication de la faim dans le monde en s’attaquant à toutes les formes de malnutrition.
L'association de régimes alimentaires malsains et de modes de vie sédentaires a entraîné l'escalade des taux d’obésité, non seulement dans les pays développés, mais aussi dans les pays à faible revenu où la faim et l'obésité coexistent souvent. A l'heure actuelle, alors que plus de 800 millions de personnes souffrent de la faim, plus de 670 millions d'adultes et 120 millions de filles et de garçons de 5 à 19 ans sont obèses, et plus de 40 millions d'enfants de moins de cinq ans sont en surpoids.
Atteindre l'objectif Faim Zéro d'ici 2030, ce n'est pas juste s'attaquer au problème de la faim dans le monde, c'est aussi nourrir les personnes et prendre soin de la planète. Cette année, la Journée mondiale de l'alimentation lance un appel à l'action à tous les secteurs afin que tous puissent bénéficier d'une nourriture saine et durable à des prix abordables. En même temps, elle invite chacun d'entre nous à commencer à s'interroger sur ce que nous mangeons.
Demain, c’est la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, avec pour thème cette année : Agir ensemble pour donner aux enfants, à leurs familles et à la société les moyens de mettre fin à la pauvreté.
Cette année, alors que la Convention internationale des droits de l’enfant célèbre ses 30 ans, il est nécessaire de rappeler que les Etats parties à la Convention, dont évidemment la République démocratique du Congo, ont reconnu le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social. Lorsque la pauvreté des enfants est reconnue comme étant un déni des droits de l’enfant, les personnes qui occupent des postes à responsabilités ou des postes de pouvoir sont juridiquement tenues de promouvoir, de protéger et d’œuvrer à la réalisation des droits des enfants. Il est en outre impératif de reconnaître les discriminations qui touchent plus particulièrement les filles, et d'y mettre fin.
Sur les médias sociaux, vous pouvez également participer à la campagne visant à réclamer des mesures afin d'éliminer la pauvreté, en utilisant #EndPoverty.
Alors que la rougeole, Florence l’évoquait, a causé plus de 4 000 morts en République démocratique du Congo, l'UNICEF achemine en ce moment des kits médicaux dans les centres de santé des zones à risque et vaccine des milliers d'enfants.
Depuis janvier 2019, 203 179 cas de rougeole ont été signalés dans les 26 provinces du pays. Les enfants de moins de cinq ans représentent trois quarts des infections et près de 90 % des décès. Le nombre de cas de rougeole en RDC a triplé cette année par rapport à 2018.
Au cours de l'année écoulée, l'UNICEF a fourni plus de 8,6 millions de doses de vaccin contre la rougeole et a organisé la réponse à l’épidémie dans huit provinces durement touchées, vaccinant plus de 1,4 million d'enfants. La plus récente s'est achevée le mois dernier au Kasaï central, où plus de 210 000 enfants ont été vaccinés.
Deux doses de vaccin contre la rougeole sont recommandées et, selon l'Organisation mondiale de la santé, environ 95 % de la population doit être vaccinée pour assurer une immunité complète et prévenir les épidémies. Or, en RDC, la couverture vaccinale contre la rougeole n'était que de 57 % en 2018.
Le Gouvernement se prépare à lancer avec tous ses partenaires sa prochaine campagne nationale de vaccination de suivi le 22 octobre, qui vise à vacciner les enfants de 6 mois à 5 ans contre la rougeole dans chaque province.
Cette semaine a lieu à Kisangani le premier séminaire d’un vaste programme de renforcement des capacités des députés et ministres provinciaux.
Organisé grâce à l'appui technique du Programme des Nations Unies pour le développement, ONU Femmes et le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme, ces assises mobilisent près de 160 participants dont les députés, gouverneurs et ministres provinciaux de la Tshopo, l’Ituri, les Haut et Bas-Uélé. Les 26 provinces du pays bénéficieront à terme de ce programme destiné à assurer la promotion du développement économique et local des provinces.
Une visite à annoncer également, le Coordinateur Exécutif du Programme des Volontaires des Nations Unies, Olivier Adam, sera en visite en République démocratique du Congo la semaine prochaine, du 20 au 25 octobre.
Il se rendra à Kinshasa et Goma pour rencontrer les Volontaires des Nations Unies et les partenaires du programme tels que la MONUSCO et les agences du système des Nations Unies. En République démocratique du Congo, 415 Volontaires des Nations Unies, dont 33 % de femmes, travaillent en appui à la MONUSCO, aux agences, fonds et programmes des Nations Unies, ainsi qu’au sein de la Coordination pour la réponse à l’urgence Ebola.
En parlant d’Ebola, la Coordination pour la réponse d’urgence des Nations Unies contre Ebola a affrété lundi dernier 14 octobre deux avions de la MONUSCO à bord desquels les gouverneurs de l’Ituri et Nord-Kivu ainsi que les chefs de bureau de la MONUSCO de Bunia et Beni se sont rendus à Biakato à 250 kilomètres de Bunia. Les deux gouverneurs de provinces accompagnés de députés provinciaux du Nord-Kivu et de l’Ituri ont rappelé aux populations qu’Ebola est une réalité qui tue et freine le développement de la région.
Et toujours en parlant d’Ebola, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Dr. Tedros Adhanom Gebreyesus, réunit ce vendredi 18 octobre le Comité d'urgence du règlement sanitaire international sur le virus Ebola en République démocratique du Congo.
Comme vous vous en souvenez, l’épidémie d’Ebola a été déclarée « urgence de santé publique de portée internationale » le 17 juillet dernier. Le Comité se réunit pour déterminer si la situation constitue toujours une telle urgence et évaluer les recommandations mises en place pour venir à bout de l’épidémie. L’avis sera rendu public immédiatement après la réunion, c’est donc vendredi à Genève.
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Merci Mathias, il est 11h33 à Kinshasa et nous allons maintenant aborder la session des questions et réponses.
Question 1
Sylvie Benita Musoke/ Radio Télévison Lobiko (Bunia) : J’ai une question. Après la mission du Commandant de la Force de la MONUSCO, le Général Elias Rodriguez Martins Filho en Ituri la semaine dernière, qu’est-ce que les « Ituriens » peuvent attendre des casques bleus avec le feuilleton de la milice CODECO dans le territoire de Djugu et des Mayi-Mayi dans le territoire de Mabassa ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Concernant la situation dans l’Ituri en général et dans le territoire de Djugu, comme vous le savez, la Mission est mobilisée depuis le début de la reprise des violences dans cette région. Nous soutenons les autorités provinciales afin de mettre fin à la violence. Beaucoup de choses ont été faites, des dialogues ont été initiés avec les différentes communautés.
Evidemment, nous allons terminer le travail entamé. Donc, je crois que c’est une démarche qui s’inscrit dans le temps et, avec à la fois, l’action de nos militaires qui ont déployé des détachements temporaires dans cette région, mais aussi de nos équipes civiles qui facilitent et encouragent les activités de dialogue et de médiation. Évidemment, la situation dans la province de l’Ituri et surtout le retour à la normale dans la province de l’Ituri reste l’une des grandes priorités de la Mission. Et on le voit, beaucoup de ressources de la Mission sont consacrées à résoudre cette crise dans l’Ituri.
Question 2
Richard Kitwa/ Radio Canal Révélation (Bunia) : Ma question, c’est en rapport avec le défi sécuritaire. En fait quand on parle de processus de désarmement, cela nécessite beaucoup de moyens : logistiques, financiers, etc. Par le passé, nous avons remarqué que la MONUSCO a été décisive. La question, c’est de savoir pourquoi aujourd’hui, on ne remarque pas la présence de la MONUSCO dans le processus de désarmement au sud Irumu où sévit le FRPI ?
Et une sous-question par rapport à cela, comment pouvez-vous relever le défi sécuritaire dans l’est de la RDC en proie à beaucoup de conflits armés, alors que la MONUSCO est actuellement dans le processus de réduction de ses effectifs faute de moyens financiers, on a déjà remarqué cela depuis plus d’une année ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Merci pour cette question qui est très riche, je vais essayer de répondre de façon un peu plus structurée.
Premièrement, comme vous le savez, il existe effectivement, nous l’avons noté, beaucoup d’éléments appartenant à des groupes armés qui ont manifesté leur intention de déposer les armes suite à l’élection du président Tshisekedi. C’est un phénomène que nous avons salué. C’est une opportunité réelle pour installer une paix durable dans le pays. C’est la raison pour laquelle, dès la prise de fonction du président Tshisekedi, ce sujet a été au centre des discussions entre le Président et la Représentante spéciale du Secrétaire général.
La MONUSCO a proposé d’accompagner les autorités congolaises pour la gestion de ce processus qui reste toutefois un processus qui appartient aux autorités congolaises, cela dépend de la sécurité du pays. Donc, la stratégie doit être décidée par les Congolais et nous, nous sommes là pour donner des conseils, partager nos bonnes pratiques, partager les leçons apprises dans le passé, donner des orientations.
Notre conviction a été redite à plusieurs reprises par le Secrétaire général des Nations Unies lorsqu’il était venu ici, par le Conseil de sécurité, par la Représentante spéciale, lorsqu’elle a fait sa présentation au Conseil de sécurité, la semaine dernière. Notre conviction est que l’approche doit être une approche de réintégration socio-économique qu’il faut encourager et proposer des solutions de réintégration durable des ex-combattants au sein de leurs communautés.
Donc, nous travaillons, nous apportons notre soutien. Vous l’avez dit, cela requiert beaucoup de ressources et c’est la raison pour laquelle, lors de son passage aux Etats-Unis, à l’occasion de la session de l’Assemblée générale des Nations Unies, la Représentante spéciale, Mme Zerrougui, en a profité pour rencontrer des partenaires de la Banque mondiale, du Fonds de consolidation de la paix afin de faire un plaidoyer pour que des ressources soient mises à la disposition de la RDC, dans le cadre de ce processus de reddition d’ex-éléments des groupes armés. C’est la raison aussi pour laquelle elle se trouve actuellement en Europe pour continuer à faire ce même plaidoyer.
Concernant le FRPI, je n’ai pas tout à fait la même lecture que vous de la situation. Je sais qu’actuellement 905 éléments sont enregistrés au site de pré-cantonnement qui est situé dans la région de Bunia, et que la MONUSCO a apporté un soutien significatif aux autorités nationales et provinciales dans le cadre de cette première étape de processus de désarmement de FRPI qui, on l’espère, pourra aboutir très prochainement à la signature d’un accord de paix. Voilà ce que je pouvais dire de façon compactée par rapport à votre question.
Question 3
Venant Vudisa/ RTNC : Crash de l’Antonov transportant l’équipement présidentiel, Florence, vous l’avez dit, la MONUSCO a répondu favorablement à l’appel du gouvernement en accordant des hélicoptères, et d’autres matériels et avions pour survoler l’espace. Au juste, qu’est-ce que vous avez constaté après avoir survolé [l’espace], après avoir accordé ce secours-là au gouvernement, chose pour laquelle nous vous remercions davantage, qu’est-ce qui a été constaté : carlingue bousillée, etc. ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Effectivement, je le redis, il était normal que la MONUSCO mette ses ressources à la disposition des autorités congolaises mais il s’agissait d’une assistance uniquement dans le cadre des opérations de secours. Nous ne participons à aucune mission d’observation, d’évaluation ou à aucune enquête.
Nos moyens ont été mis à la disposition des autorités congolaises, pour dans un premier temps permettre de localiser le site, puis de se rendre sur le site et ensuite de récupérer les trois corps qui ont pu être été récupérés hier et qui ont été conduits à Kananga.
Et aujourd’hui encore, nous avons des rotations pour permettre à des délégations au plus haut niveau de se rendre sur place. Mais voilà, notre mission s’arrête-là. C’est vraiment mettre nos hélicoptères, nos avions, nos moyens sur place à la disposition des autorités congolaises qui elles, évidemment, ont la maîtrise des opérations et de l’enquête.
Question 4
Laetitia Masela/ RTNC 2 : Je pose ma question à Mathias. A quel niveau se trouve votre engagement actuel dans la lutte acharnée contre l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo ?
Coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies [Mathias Gillmann] : La lutte contre l’épidémie d’Ebola continue. Il y a des campagnes de vaccination qui se poursuivent, des campagnes de traçage aussi des cas. Comme vous le savez, on a observé une baisse des cas ces dernières semaines mais la particularité malheureuse de l’épidémie d’Ebola, c’est que tant qu’il y a un cas, la menace demeure très forte.
Donc l’Organisation mondiale de la santé, l’UNICEF, le Programme alimentaire mondial, la MONUSCO et l’équipe du Coordonnateur d’urgence continuent d’être mobilisés à 100 % pour tenter d’éliminer l’épidémie qui continue de sévir dans certaines poches des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Question 5
Patrick Kahondwa/ Radio Universitaire ISDR-Bukavu : Concernant les formations de renforcement des capacités des jeunes organisées par la MONUSCO, j’aimerais savoir : c’est depuis quand que ces formations sont organisées au Sud-Kivu et quels sont les résultats de ces formations pour ce qui est de la résolution des conflits intercommunautaires qui sévissent dans la province du Sud-Kivu ?
D’une manière générale, dans le cadre de notre mandat de protection des populations civiles, nous organisons, nous mettons en place des mécanismes pour la protection des populations civiles. Vous le savez, nous avons des réseaux d’alerte communautaires, qui sont installés dans les endroits où il y a une tension, où il y a des violences, et il est important que nous puissions sensibiliser les populations à faire appel à ces réseaux d’alerte communautaires qui fonctionnent par le biais d’appels sur les téléphones portables pour signaler les problèmes.
Donc ces renforcements de capacités, cette sensibilisation, cette implication et cet engagement des populations civiles pour nous aider à mieux les protéger, c’est quelque chose, ce sont des pratiques que la MONUSCO a depuis de nombreuses années déjà. Vous le savez, nous avons été la mission pionnière en matière de mise en place de différents mécanismes de protection des populations civiles, et nous le faisons donc dans toutes les provinces affectées par le conflit.
Donc, il n’y a rien de nouveau mais il y a un renforcement. Et effectivement, à chaque fois qu’il y a des zones dans lesquelles des violences ou des crises sont constatées, nous essayons de rendre ces systèmes d’alerte communautaires les plus efficaces possible.
On l’a dit souvent ici : il était important que les populations nous aident à les protéger en nous signalant, en nous informant le plus tôt possible lorsqu’il y a des problèmes, pour que nous puissions répondre de la manière la plus adaptée qui soit.
Question 6
Thierry Rukata/ Radio Star : J’ai deux petites questions. La première : certaines informations circulent et indiquent que la RDC compte engager une intervention militaire à l’est du pays conjointement avec les forces armées rwandaises, burundaises et ougandaises. Alors peut-on savoir si la MONUSCO sera impliquée dans cette opération ? La seconde petite question : dans l’objectif de neutraliser les forces négatives encore présentes à l’est du pays, une force internationale neutre était mise en place à l’époque en 2003. Peut-on savoir l’impact de cette force ou alors le résultat parce qu’il y a encore des groupes armés qui opèrent encore à l’est de la RDC ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Je vous remercie. Alors, concernant votre première question à propos de l’information selon laquelle il y aurait une coalition régionale, je souhaite vous rappeler que la MONUSCO agit en fonction du mandat qui lui est donné par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce mandat est un mandat dont la priorité est la protection des civils.
Ce mandat est un mandat national, donc qui couvre le territoire de la République démocratique du Congo, et dans le cadre de la protection des civils, il nous est demandé d’apporter notre soutien aux Forces armées de la République démocratique du Congo. Ceci n’inclut pas de soutien à une coalition régionale.
S’il devait en être autrement, c’est une décision qui reviendrait au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Concernant la Brigade d’intervention de la force qui est actuellement déployée dans la région de Béni, à peu près 3 000 hommes, pour permettre de neutraliser les groupes armés, notamment les ADF, vous savez, nous sommes dans une période de transition actuellement.
On l’a mentionné à plusieurs reprises, il y a une évaluation, il y a une revue stratégique indépendante de la MONUSCO qui a été menée, dont les recommandations sont en train d’être apportées au Conseil de sécurité. Il y aura ensuite les discussions au sein du Conseil de sécurité pour le renouvellement du mandat, et ce sont eux qui nous donnent le mandat, ce sera à eux d’évaluer et de dire quel doit être le mandat à la fois de la MONUSCO et de la Brigade d’intervention.
La Brigade d’intervention reste mobilisée sur le terrain bien évidemment, dans le cadre d’opérations parfois conjointes avec les FARDC. Mais il faut aussi savoir que ces derniers mois, cette même Brigade d’intervention a mobilisé beaucoup de son énergie et de ses ressources à la lutte contre la maladie Ebola et notamment à la sécurisation des espaces dans lesquels devaient intervenir nos collègues travailleurs de santé.
Question 7
Yvan Kasongo Ndala/ Actualité.cd : Madame Florence, j’ai une question à vous poser s’agissante de la réorganisation des ex-Bakata Katanga dans la province du Katanga, dans le grand Katanga depuis un certain moment. Qu’est-ce que la MONUSCO préconise pour empêcher la recrudescence de l’insécurité depuis un certain moment ? Il y a de cela une semaine déjà, ça a crié au Katanga, les gens, des députés ont été reçus par le ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde. Qu’est-ce que la MONUSCO compte faire s’agissant de cette insécurité dans la province du Katanga ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Alors comme vous le savez, la MONUSCO n’a plus de présence physique dans la province du Katanga depuis le 1er juillet dernier. C’était une décision à la fois guidée par des réductions budgétaires – la diminution constante du budget de la MONUSCO depuis 2015, qui fait qu’avec les ressources disponibles, nous devons faire des choix. Des choix stratégiques. Et avoir des priorités. La décision a été de rester présents et de renforcer notre présence dans les zones où il y a une forte présence de groupes armés.
Cela étant dit, notre mandat – je viens de le dire – reste un mandat national et évidemment, nous suivons cette situation de près. Nous suivons de près toutes les poches d’insécurité sur le territoire et si nécessaire, nous prendrons action. Voilà ce que je peux dire pour le moment par rapport à cette situation particulière.
Question 8
Albert Omba/ Numerica TV : Ma question n’aurait pas vraiment besoin d’être posée après celle de notre confrère de Bukavu, mais une précision de taille, si aujourd’hui le gouvernement, qui préconise d’attaquer les ADF, s’il le faisait, est-ce que la brigade de la MONUSCO va attendre que le mandat soit renouvelé pour y participer ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Les opérations conjointes se décident, comme le nom l’indique, de façon conjointe, donc, si l’état-major des FARDC, qui est en relation de façon permanente avec l’état-major de la MONUSCO, nous demande de participer à des opérations conjointes, bien évidemment nous le ferons.
Vous vous souvenez, lorsque le Secrétaire général est venu, à l’issue de sa rencontre avec le Président Tshisekedi, il avait déclaré qu’ils s’étaient entendus sur le fait que les FARDC et la MONUSCO, la Force de la MONUSCO, devaient avoir une collaboration plus efficace, devaient renforcer leur collaboration, devaient mener plus d’opérations conjointes.
Ces éléments ont été repris dans le [dernier] rapport du Secrétaire général et également dans le communiqué qui a été rendu public hier par le Conseil de sécurité. Il y a une volonté affirmée de la MONUSCO de pouvoir poursuivre cette collaboration avec les FARDC et de la renforcer pour pouvoir effectivement arriver à la neutralisation définitive des ADF.
Question 9
Sonia Rolley/ RFI : Vous avez déjà parlé de cet état-major régional qui est en train de se mettre en place, la MONUSCO assiste aux réunions, est-ce que de votre point de vue, il y a suffisamment de garanties qui sont prises pour la protection des civils dans le cadre de ces opérations, de cette planification, surtout au vu, en fait, du passif de ces armées dans l’est du Congo, où régulièrement elles ont été accusées, les armées des pays voisins, de commettre des exactions, que ce soit l’armée du Burundi, l’armée du Rwanda ou même l’armée de l’Ouganda, et est-ce que cela ne risque pas de brouiller les pistes en fait d’avoir aussi les Tanzaniens qui viennent dans le cadre de ces opérations conjointes ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Vous avez raison, la protection des civils reste notre priorité et notre préoccupation. Si effectivement il y a des opérations militaires, nous souhaitons nous assurer que la protection des civils sera priorisée dans le cadre de ces opérations et c’est le sens de notre plaidoyer auprès des autorités pour que la protection des populations civiles, qui n’ont pas à être les double victimes, qui sont victimes des groupes armés et après elles seraient encore victimes de représailles contre ces groupes armés, c’est quelque chose qui tient à cœur à la Représentante spéciale, qui tient à cœur à l’ensemble de la Mission, et c’est le message que nous faisons passer aux autorités.
Question 10
Saint Germain Ebengo/ Elaïs Hebdo : Ma question est en lien avec la base de déploiement qui vient d’être mise en place par rapport à la volatilité du climat sécuritaire qui prévaut. Il existe à Beni une stratégie opérationnelle pour la lutte contre l’insécurité et je voudrais savoir à quel niveau se trouve la clé de répartition des tâches entre les deux, c’est-à-dire entre la base de déploiement qui vient d’être mise en place et la stratégie opérationnelle pour la lutte contre l’insécurité à Beni ?
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Effectivement il existe à Beni une stratégie de lutte contre l’insécurité dans la ville de Beni qui est une opération qui est menée de façon conjointe par la police de la MONUSCO, UNPOL, et par la Police nationale congolaise. C’est un programme qui existe dans d’autres grandes villes de la République démocratique du Congo, c’est un programme qui vise essentiellement à [réduire] la criminalité urbaine, donc la MONUSCO apporte son soutien, à la fois un soutien logistique mais aussi un soutien lorsqu’il s’agit de mener des opérations. Cela a été le cas la semaine dernière, des opérations ont été menées dans certains quartiers de Beni, des armes ont été saisies, etc. Comme toutes les opérations de la MONUSCO, ce sont des opérations qui viennent en soutien aux forces de sécurité congolaises.
Voilà ce que l’on pouvait dire pour cette conférence de presse. Je vous remercie pour votre participation. Belle journée à tous et on se retrouve dans deux semaines.