Transcription de la conférence de presse de la Représentante spéciale en RDC, Leila Zerrougui
La conférence de presse de la Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC, Leila Zerrougui, était modérée par la porte-parole de la MONUSCO
Porte-parole de la MONUSCO [Florence Marchal] : Bonjour à tous. Soyez les bienvenus dans cette conférence de presse spéciale des Nations Unies en République démocratique du Congo. Il s’agit en effet d’une rencontre entre vous, les journalistes ici à Kinshasa, et la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies et cheffe de la MONUSCO, Mme Leila Zerrougui qui revient de New York où elle s’était rendue à l’occasion du débat général annuel de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Nous sommes ensemble pour une grosse demi-heure. Madame Zerrougui va tout d’abord partager avec vous quelques remarques et puis, ce sera la traditionnelle session des questions et des réponses. Sans plus tarder, Madame la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies et Cheffe de la MONUSCO, la parole est à vous.
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Merci beaucoup. Merci d’être là, c’est toujours un plaisir d’échanger avec vous. Je n’ai malheureusement pas cette possibilité avec vous, [à cause de] de l’agenda, comme vous le savez. Entre septembre et décembre, ce sont toujours les précipitations de tous les chantiers, mais c’est toujours un plaisir.
Comme l’a dit Florence, je viens de revenir, j’étais bien évidemment à la 74e session de l’Assemblée générale, la semaine du 23 septembre jusqu’à la fin septembre, c’est la semaine de ce qu’on appelle le « High Level segment » ou le segment de haut niveau, où les chefs d’Etat, les chefs de gouvernements ou les ministres des Affaires étrangères, selon la représentation des pays, se retrouvent à New York pour échanger sur ce qui se passe dans le monde, leurs priorités et ce qu’ils attendent des Nations Unies.
C’est une semaine qui a été très chargée parce que beaucoup de chefs d’Etat étaient présents. Comme vous le savez, le président de la RDC était présent aussi. Il a eu une activité intense. J’ai eu le plaisir et l’honneur de partager avec lui d’abord, la réunion avec le Secrétaire général, bien évidemment, mais aussi des évènements ont été organisés soit par la RDC, soit par des partenaires de la RDC, soit par les Nations Unies sur la RDC, et le président [de la RDC] a honoré de sa présence ces événements sur la paix et la sécurité, sur les investissements, sur la situation dans la région des Grands lacs. Il a eu bien évidemment aussi des bilatéraux auxquels je n’étais pas associée mais qu’il a eus avec des représentants des pays partenaires au niveau de ces réunions où il y avait des chefs d’Etat de la région, des chefs d’Etat du monde, des représentants de beaucoup de pays, des organisations régionales et sous-régionales.
Donc, voilà, c’était une opportunité pour moi de parler de la RDC, de parler de ce qu’on fait, de parler de cette période à la fois pleine d’espoir, d’opportunités qu’il faut savoir saisir, qu’il faut encourager pour avancer vers la paix, la stabilité, et relancer le développement dans ce pays notamment dans les zones qui attendent ce genre d’initiatives. Et puis, bien évidemment aussi souligner les risques, les choses qu’il faut suivre de près pour ne pas justement perdre l’opportunité, pour vraiment consolider la paix et pour faire en sorte que ce pays avance. Donc nous avons passé ce message, nous avons parlé de la RDC en tant qu’opportunité, pas en tant que risque, je n’arrête pas de répéter cela.
La RDC est un pays qui a des potentialités, c’est un grand pays en Afrique. C’est un pays qui peut être dans le lead, guider le processus de développement, de stabilité si on arrive justement à gérer les situations d’instabilité qui continuent quand même de faire beaucoup de mal à l’est du pays, dans certaines zones.
Vous savez, on a tendance parfois à croire que c’est statique, c’est la même chose. Ce n’est pas statique et ce n’est pas la même chose. J’étais dans votre pays entre 2008 et 2012. Je l’ai quitté [il y a] six ans. J’ai eu l’honneur et le plaisir de revenir et j’ai vu le changement. Rappelez-vous, il y a 7 ou 8 ans, il y avait des zones entières de la RDC, particulièrement à l’est du pays, où des groupes armés occupaient les territoires, où les FARDC ne pouvaient pas rentrer. Cela n’existe plus, même si on a encore des groupes armés, ils se cachent encore dans la forêt et ils opèrent en catimini, ils attaquent la nuit, ils attaquent à l’improviste. C’est un changement qui n’est pas visible parce que quand vous avez encore des morts, encore des blessés, bien évidemment c’est toujours douloureux.
J’ai vu aussi la présence de l’autorité de l’Etat qui s’étend, la présence de la justice, parce qu’enfin de compte, la stabilité, elle se construit avec la suprématie de la loi, avec le fait que si quelqu’un fait une bêtise, il paie. Et quand l’impunité se généralise, c’est l’instabilité qui se généralise et donc, on voit aussi des personnes parfois haut gradées de l’armée qui sont jugées, condamnées à des peines très lourdes et qui ne s’échappent pas, [les purgent], qui sont toujours en détention.
Donc, il y a des progrès, il y a des choses qui se passent. Sur le plan politique, on a eu quand même des élections qui ont permis une transition souple et qui permettent aujourd’hui qu’on puisse avoir de l’espoir. Mais comme, je l’ai dit, il y a aussi des grands défis. Il y a des zones comme le Kasaï, le Tanganyika, et même l’Ituri où on a des groupes armés qui déposent les armes, mais déposer les armes ne suffit pas, il faut savoir les intégrer, il faut savoir s’assurer qu’ils ne reviennent pas à leurs mauvaises habitudes. Il faut qu’ils aient une vie qui leur permette de s’intégrer et de ne pas déstabiliser les populations civiles. Pouvoir assurer ce travail demande beaucoup d’investissement, nous y travaillons. J’ai rencontré à New York le vice-président de la Banque mondiale, j’ai discuté avec le chef du Fonds de consolidation de la paix, qui va venir en RDC, je l’ai invité à venir ici pour nous aider à faire avancer ce processus.
J’ai aussi plaidé pour plus de soutien au processus de réconciliation communautaire. Comme vous le savez, il y a eu quand même des évènements, particulièrement dans le Sud-Kivu, Fizi, Baraka, Minembwe, Mikenge où il y a eu des événements dramatiques, des personnes qui ont été tuées, d’autres ont répondu aussi en tuant d’autres personnes. On travaille sur la stabilisation pour réconcilier ces populations. Nous avons cette tension aussi dans la zone de Djugu en Ituri. Et nous voulons aussi éviter que des spoilers [perturbateurs] puissent réveiller les démons entre les Hema et les Lendu et de s’assurer que les communautés ne soient pas entraînées dans ce genre de violence, de vraiment consolider la paix, construire le développement. Il y a des espoirs dans ces zones, il y a les moyens, il y a les ressources et on peut avancer.
La même chose en ce qui concerne le Nord-Kivu. Les tensions existent mais là aussi les espoirs sont là. Donc, nous travaillons sur le plan interne, nous encourageons des initiatives que le nouveau gouvernement est en train de prendre, que le Président a pris au niveau régional, au niveau international pour appuyer le processus de paix et de stabilisation mais aussi de développement.
Comme vous le savez, mes deux adjoints qui étaient là pendant mon absence, ont fait du travail. Dans le Kasaï, c’était mon adjoint qui est le Coordonnateur résident, David Mclachlan-Karr, il est parti avec le gouverneur du Kasaï pour travailler sur le Nexus, c’est-à-dire lier l’humanitaire, le développement et la stabilisation dans les trois provinces, plus le Tanganyika.
Mon autre adjoint, M. Francois Grignon, a aussi rencontré les nouvelles autorités que je n’ai pas eu la possibilité de rencontrer parce que j’étais partie juste après l’installation du gouvernement, j’avais rencontré uniquement le ministre de l’Intérieur. Et puis bien évidemment, j’ai rencontré à New York la délégation du Président, puisqu’ils étaient là-bas.
Donc, il y a un travail qui se fait aussi pour la stabilisation au Sud-Kivu, en Ituri et au Nord-Kivu. Ce sont les zones où nous sommes aujourd’hui. Comme vous le savez, nous avons quitté le reste de la RDC sous pression budgétaire et aussi parce que dans ces zones, il n’y a pas de groupes armés et la stabilisation peut être gérée par le gouvernement et ses partenaires.
Voilà je voulais partager juste ces quelques mots avec vous mais je suis surtout là pour répondre à vos questions, je sais que vous en avez et vous avez vos préoccupations que je n’ai peut-être pas abordées, je suis là pour vous écouter.
Question 1
Nephtalie Buamutala/ RTGA : Le président de la République Félix Tshisekedi a plaidé en faveur de la reconfiguration de la MONUSCO pendant que son prédécesseur a demandé le départ pur et simple de la Mission onusienne en RDC. Alors ma question : est-ce que Félix Tshisekedi serait-il devenu l’avocat de la MONUSCO ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : D’abord, je voudrais répondre à cette question. Je pense que le président Tshisekedi a été très clair dans son discours. Il dit que la RDC a encore besoin de la MONUSCO pour justement travailler sur ce qu’il reste à faire. Il n’est pas l’avocat de la MONUSCO, loin de là et ce n’est pas son rôle. Ce qu’il a expliqué, c’est qu’en tant que gouvernement dans une transition encore à ses débuts, et vous le savez, c’est quand même une transition qui se fait pour la première fois dans votre pays, il a besoin du soutien de la communauté internationale.
La MONUSCO a déjà quitté, elle n’est pas dans 20 provinces sur les 26, nous ne sommes présents que dans 6 provinces et nous travaillons pour réduire encore notre présence.
Notre rôle n’est pas de rester en RDC, n’est pas de garder la RDC comme un enfant sous tutelle, ce n’est pas l’objectif. L’objectif c’est quand on quitte un endroit, on ne revient pas. Et on ne revient pas parce que les choses ont été bien prises en charge par les autorités, les fonctions régaliennes de l’Etat. Parce que dans tous les pays, il peut y avoir des problèmes mais si on est en mesure de les gérer sans que le Conseil de sécurité ne s’en mêle, sans qu’on affecte la stabilité dans la région, cela devient des problèmes internes d’un Etat, bien évidemment.
Et donc l’objectif que le président a développé, c’est qu’on a quitté 20 provinces, et si on quitte demain trois ou quatre provinces, cela veut dire qu’on ne va plus y revenir et on ferme petit à petit et on quitte.
Comme vous le savez, il y a un processus qu’on appelle la revue stratégique qui se prépare. Il y a un expert international indépendant qui est venu faire l’évaluation, qui a discuté avec les autorités et qui va présenter son rapport le 10 octobre au Conseil de sécurité.
Notre mandat sera revisité en décembre, l’objectif c’est de voir où on est encore utile pour aider la RDC à se stabiliser définitivement et la Mission ferme ses portes.
Ce qui compte, c’est d’être sûr que quand on quitte une province, on n’aura pas le feu qui s’allume et on revient. Ça c’est un échec, c’est un échec pour nous, c’est un échec pour la RDC. Donc, on travaille main dans la main avec les autorités, avec le gouvernement pour renforcer les fonctions régaliennes de l’Etat
Parce que ce qui soutient la stabilité dans un pays, c’est une armée professionnelle, c’est une police professionnelle qui respecte les principes et les droits des citoyens, c’est une justice qui rend la justice, qui est indépendante et c’est l’administration qui veille à la collecte de l’impôt et à gérer le pays. Le reste, les privés peuvent le faire dans n’importe quel pays.
Donc, ce sont ces fonctions-là, comme j’ai dit tout à l’heure, il y avait des zones où on ne pouvait pas rentrer parce que c’était occupé par des groupes armés, il n’y en a plus aujourd’hui, mais il y a quand même encore des groupes armés qui déstabilisent certaines zones de la RDC, c’est réduit. Même quand on parle de six provinces, en fait le conflit, il est dans trois provinces : dans l’Ituri et dans les deux Kivu. Et même dans le Tanganyika et dans le Kasaï, c’étaient des groupes armés qui sont prêts à déposer les armes si on arrive à bien les gérer et les intégrer. C’est cela que le président a souligné : nous avons encore besoin de la communauté internationale à travers la présence d’une Mission de maintien de la paix pour avancer ce processus et tourner la page du conflit à travers toutes les autres mesures que lui-même et son gouvernement sont en train de prendre au niveau régional, au niveau national à travers le programme qu’ils ont lancé et nous sommes là pour appuyer, pour apporter un soutien dans le cadre de cette phase de transition, et j’espère qu’elle sera la plus courte possible mais s’assurer qu’elle soit stable et qu’on tourne la page définitivement.
Question 2
Pascal Mulegwa/ RFI : Madame Zerrougui, est-ce qu’au bout de cinq ans, les massacres se répètent à Beni, c’est vrai vous n’êtes plus dans d’autres provinces mais là vous êtes concentrés. Est-ce enfin un échec pour l’ONU, vos efforts ont-ils prouvé leurs limites et pourquoi est-ce que c’est si difficile d’endiguer la menace surtout que toutes les violences se passent dans les mêmes localités, dans les mêmes territoires et toujours avec la même stratégie ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : D’abord, je pense qu’il faut comprendre une chose. Pour pouvoir endiguer la menace, il faut savoir identifier les causes profondes, il faut être sûr. Vous savez, la guerre peut provoquer encore plus de guerre, elle peut générer d’autres souffrances. Ce n’est pas par la guerre qu’on règle les problèmes si on n’est pas sûr que les moyens qu’on met vont vraiment régler les problèmes de fond.
Quand on part dans la zone de Beni, vous avez ADF, un groupe armé étranger, vous avez des groupes Mayi-Mayi, vous avez des tensions communautaires, vous avez Ebola, vous avez les populations qui ont subi beaucoup de conflits, de tensions, etc. donc le travail que nous faisons, nous le faisons d’abord avec le gouvernement. Nous le faisons pour nous assurer qu’on règle les problèmes qui peuvent être réglés à travers ce qu’on est en train de faire avec les communautés, avec les notables. La réconciliation communautaire est très importante.
Lorsque vous isolez la population de la menace, vous rendez la menace facile à éradiquer par la force. Mais si la force vient sans savoir qui frapper, vous pouvez provoquer encore d’autres crises.
Je pense que ce qu’on doit faire à l’est, ce n’est pas seulement à Beni, parce qu’il n’y a pas que Beni, il y a Djugu par exemple où il y a de la violence. Il y a dans la zone de Kitshanga, Rutshuru, Masisi, Walikale où les groupes armés sont devenus plutôt la criminalité. Personne n’a un agenda politique dans ces zones, personne n’est soutenu par un parti politique pour aller faire la guerre en RDC. Ce sont des groupes armés, soit des milices, soit des groupes étrangers, soit des groupes plutôt criminels, des gangs ou autre chose.
Ce qu’il faut, c’est de pouvoir utiliser la justice, réconcilier les communautés et utiliser la force armée. Ce n’est pas uniquement faire la guerre, faire la guerre ne va pas régler les problèmes. On règle les problèmes quand des opérations militaires sont combinées avec le développement, avec la réconciliation, avec la justice, etc. tout ce travail : séparer les enfants qui sont utilisés par ces groupes, aider les populations, par exemple, contrôler les mines parce que souvent, ces gens se nourrissent aussi du trafic minier. Ils se nourrissent de trafic, d’autres trafics.
Donc, ce sont des opérations complexes mais nous y travaillons et ce n’est pas la MONUSCO qui va finir une guerre [et dire] allez, tenez la clé, nous on part, c’est fini, les problèmes sont terminés. Il faut identifier les causes profondes. Je pense qu’aujourd’hui le fait de travailler sur établir des relations de paix avec les voisins, faire en sorte que ni la RDC ne soit un havre de paix pour les groupes armés étrangers et que ni les voisins ne soient un havre de paix pour des groupes congolais, cela va aussi réduire l’espace de ces groupes. Faire en sorte que les populations ne soutiennent pas ces groupes, mais appellent les militaires pour dire ils sont là, venez les chercher. Faire en sorte qu’on contrôle les sources de richesse de ces groupes. Donc, il y a un travail qui est holistique et souvent on réduit cela à : on va les finir, ils sont là-bas, allez les finir. Ce n’est pas cela, les groupes se constituent depuis 20 ans en RDC. Combien sont morts et d’autres se sont reconstitués ?
Il faut travailler sur les causes profondes, on y travaille, l’action militaire en fait partie et nous préparons avec la RDC parce que nous ne sommes pas une armée d’occupation, nous sommes ici pour appuyer la RDC, c’est cela notre rôle, nous appuyons la RDC. Et nous travaillons avec les initiatives que prendra le gouvernement.
Cela fait neuf mois qu’il y avait cette préparation d’avoir des autorités au niveau du ministère de la Défense, au niveau du ministère de l’Intérieur. Nous avons maintenant cette possibilité de discuter ensemble, de travailler et nous allons faire le travail de façon holistique, de façon à ce qu’on ne rate pas la démarche de riposte. J’espère que j’ai répondu à votre question.
Question 3
Jaelle Mulowayi/ Actu30 : Madame Zerrougui, je reviens sur le discours du chef de l’Etat à l’ONU. Le chef de l’Etat a dit, je reprends ses mots : « Mon pays a encore besoin de la MONUSCO, mais d’une MONUSCO réadaptée à la réalité c’est-à-dire non pléthorique, bien équipée et doter son mandat adapté à l’instar de la Brigade d’intervention qui nous avait aidés à combattre le M23. Ma question est de savoir ce que vous sous-entendez par cette incise du chef de l’Etat ? Est-ce que la MONUSCO s’est écartée de son professionnalisme ? Est-ce que vous vous êtes déjà mis d’accord sur le nombre exact de troupes des casques bleus en RDC ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Oui, j’ai entendu comme vous, j’étais dans la salle quand le président a fait son discours. Ce que je voudrais souligner : un, vous le savez, l’année dernière, nous avons fermé 8 bureaux. Nous avions déjà réduit les troupes, c’est écrit dans le budget, on a déjà fait partir la force spéciale égyptienne qui était au Sud-Kivu. Deux bataillons, un pakistanais et un indien sont sur le départ, ils sont en train de quitter. Nous avons fait partir une Unité de Force de Police (FPU) indienne et nous avons coupé 800 postes, comme vous le savez, c’était l’année dernière. Tout le monde nous a interpellés [demandant] pourquoi vous avez coupé des postes, et pourtant on en a coupé.
Donc cette année, le Conseil de sécurité nous autorise à avoir 16 000 troupes. Avec le départ de deux bataillons, nous serons à 13 000, soit 3 000 en moins que ce que le Conseil de sécurité nous autorise. Donc, sur les 16 000, on n’en a que 13 000 aujourd’hui.
Nous sommes dans une reconfiguration, comme j’ai dit, nous nous sommes concentrés dans six provinces. Nous discutons avec le gouvernement, nous travaillons pour stabiliser le Kasaï, le Tanganyika. Si les choses se passent bien, nous pouvons aussi fermer nos bureaux dans ces provinces.
Si la situation des FRPI, la violence à Djugu se consolide en Ituri, nous allons aussi fermer. Nous ne sommes pas dans une période d’expansion. Nous sommes dans une période où justement les Etats bailleurs ne veulent plus payer pour les Missions de maintien de la paix, comme vous le savez. Nous avons chaque année des réductions budgétaires depuis 2011 en fait. Après les élections de 2011, on a commencé le Drawdown [Retrait progressif], comme on dit. On était à 22 000 troupes, on est à 13 000 [aujourd’hui].
Les staffs, on était presqu’à 5 000, on est aujourd’hui à 2 000 Congolais et 600 internationaux. Donc, c’est quelque chose qui est en train de se faire. Moi-même j’avais demandé qu’on ne touche pas le budget pendant au moins cette année pour nous permettre de consolider [la paix] dans le Kasaï, le Tanganyika, etc.
Donc, on n’est pas dans une phase d’expansion, on s’inscrit dans la démarche que souhaitent les autorités parce qu’après tout, c’est leur décision.
La reconfiguration, elle se fera, maintenant quel rôle on donnera aux troupes, ce n’est pas moi qui décide, c’est le Conseil de sécurité. C’est le Conseil de sécurité qui a donné le mandat offensif à la Brigade d’intervention, c’est le Conseil de sécurité qui décidera qu’est-ce qu’il faut faire du reste des troupes, quel est le mandat, comment il va se consolider, etc.
Il y a aussi le travail de stabilisation politique, le travail de protection des civils. La présence d’une COB [base militaire fixe] par exemple, la présence de troupes dans une zone, peut permettre aux gens de venir se réfugier s’il y a une menace, peut permettre à des civils d’aller faire des enquêtes, à des journalistes d’aller voir.
S’il n’y a pas ce genre de travail, et que tout le monde va à la guerre, on n’aura pas aussi ce travail de consolidation, de contacts entre les civils et les populations, le travail de consolidation et de réconciliation.
Donc, il y a des fonctions qui doivent être laissées à chacun, pour permettre à chacun de faire son travail, et nous travaillerons en fonction de ce que nous dira le Conseil de sécurité.
La Mission ne s’est pas écartée de son mandat. La Mission est mandatée pour respecter ce que le Conseil de sécurité lui demande. Le jour où le Conseil de sécurité nous demande de fermer, nous fermerons. Le jour où le Conseil de sécurité nous demande de prendre toutes les troupes et de les mettre à Beni, on les mettra à Beni : c’est une décision des Etats membres du Conseil de sécurité.
Question 4
Séraphin N’Kiere May/ Agence congolaise de presse : Madame, depuis 2010, on est passé de la MONUC à la MONUSCO. Je voudrais que vous puissiez être un peu plus précise. Quelles sont les causes profondes de cette déstabilisation de la RDC ? Si vous pouvez être un peu plus précise.
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Vous savez, la déstabilisation, elle peut avoir plusieurs causes. Ce qu’il faut faire, la meilleure façon de lutter contre une menace, c’est d’abord d’identifier « moi, en tant que Nation congolaise, qu’est-ce que je peux faire pour renforcer mon front ? ». Ça, c’est la première chose.
La déstabilisation est facile lorsque vous avez des gens qui ne sont pas sécurisés, lorsque vous avez des gens qui ne croient pas dans leurs institutions, lorsque vous avez des gens qui sont facilement manipulables. Les tensions peuvent exister, déjà en interne.
Après, vous avez bien entendu la dimension régionale des conflits parce que les communautés sont des deux côtés de la frontière – parfois elles appartiennent aux mêmes communautés.
Par exemple, quelque chose de très important et vous, en tant que journalistes, vous devez y travailler : beaucoup de ces conflits sont liés à l’accès et à l’utilisation de la terre entre cueilleurs-chasseurs qui vivaient dans la forêt, qui se nourrissaient de la forêt et que la forêt ne nourrit plus aujourd’hui parce qu’il n’y a pas suffisamment d’animaux. Les gens vivaient de la forêt, ils ne cultivaient même pas. Mais ceci ne se peut plus : les animaux ne sont plus en présence suffisante pour nourrir ces gens.
Donc ils sortent – comme les Twa, les Pygmées qui sortent et ne savent pas encore faire de l’agriculture, qui ne savent pas faire de l’élevage, qui sont parfois rejetés par les communautés qui sont des agriculteurs, qui sont des éleveurs.
Après, vous avez les tensions énormes, que j’ai vues de mes propres yeux, par exemple à Minembwe. Vous voyez les communautés, que ce soient les Banyamulenge, que ce soient les Bashi, que ce soient les Babembe, ils sont dans la même difficulté. Ils sont isolés, parce qu’il n’y a pas d’accès, ils sont sur le toit de la montagne, ils n’ont pas de routes, ils ont des difficultés et pourtant ils se font la guerre.
Pourquoi ? Parce que les uns font de l’agriculture, les autres font de l’élevage, les vaches passent sur mon agriculture, donc je suis fâché, donc je me bagarre. Si on crée, justement, des espaces où chacun, dans le respect de la loi, a accès aux richesses qui sont énormes mais qui ne sont pas exploitées de façon à ce que chacun ait sa part – donc travailler sur cet accès va stabiliser beaucoup de zones. Travailler sur des tensions, par exemple, entre le droit coutumier de la propriété – le droit coutumier historique – et puis le droit moderne. Vous venez avec un acte de propriété et l’autre dit, cette terre appartient à mes ancêtres : il y a des tensions. Donc cet accès-là est à l’origine de beaucoup de conflits internes qui peuvent dégénérer.
Après, bien évidemment, il peut y avoir de la manipulation. Celui qui veut utiliser les richesses naturelles, c’est facile parce qu’il y a les tensions à l’intérieur des communautés. Donc ça, c’est un travail à faire.
Un autre travail à faire, c’est que l’Etat congolais contrôle ses richesses naturelles ; que ce ne soient pas des Mayi-Mayi qui viennent utiliser les mines ; que ce ne soient pas des gens qui viennent toucher à des richesses qui doivent être exploitées de façon règlementée, où les gens payent leurs impôts et les ressources reviennent à la communauté.
Quand vous êtes au village, que vous n’avez pas de maison, que vos enfants ne vont pas à l’école, la stabilité ne vous intéresse pas parce que vous, vous n’êtes pas protégés, vous n’en bénéficiez pas. C’est ce que nous voulons faire par exemple dans les Kasaï, dans le Tanganyika, c’est de travailler avec les gouverneurs, avec les autorités locales, pour voir comment on peut appuyer des programmes de développement et de stabilisation pour ramener les communautés, au lieu de se bagarrer, à avoir les mêmes objectifs, à avoir intérêt à la stabilité.
Lorsqu’il y a cette stabilité qui se construit, c’est plus facile de faire face à d’autres menaces qui peuvent être extérieures, qui peuvent être d’intérêt autre, on peut faire face à ça.
Et puis, il y a ce travail de réconciliation régionale que le président Tshisekedi appelle de ses vœux. Il est parti dans les pays voisins ; comme vous le savez, il essaye lui-même de réconcilier d’autres pays et ça aussi, ça sert la stabilité. Parce que non seulement on travaille à la stabilité en interne, on travaille aussi à la stabilité au niveau régional pour faire en sorte [de combattre] tout ce qui peut alimenter les conflits.
Quand on fait du développement, vous êtes pauvres mais vous pouvez envoyer vos enfants à l’école parce que c’est gratuit, vous pouvez soigner vos enfants : vous avez plus intérêt à ce que la stabilité s’installe.
Lorsque vous n’avez rien, vous n’avez rien à perdre. Donc l’instabilité, vous vivez dedans, lorsque vous êtes déplacés, lorsque vous êtes attaqués.
Travailler sur la stabilité, c’est d’abord travailler sur les sources d’instabilité interne, consolider avec [un travail sur] les menaces qui peuvent venir de l’extérieur et identifier les menaces qu’il faut cibler par la force, par l’armée, les menaces qu’il faut cibler par la justice – arrêter les gens, les faire juger, si ce sont des gens qui sont accessibles, qui ont des fonctions et utilisent ces fonctions à des fins de déstabilisation –, régler les problèmes avec les voisins, développer les pays : c’est une démarche holistique.
Souvent les gens pensent, « on va faire la guerre et on va régler les problèmes ». La guerre est une pression qui s’ajoute à d’autres actions qui permettent de construire la paix. On ne construit pas la paix juste en allumant des feux de guerre. La guerre est une pression qui s’impose sur ceux qui ne veulent pas déposer les armes, sur ceux qui continuent à déstabiliser, mais il faut aussi que la justice fasse son travail. Il faut que le développement s’installe. Il faut que ceux qui représentent l’Etat se comportent de façon à servir les intérêts de la Nation. Il faut que l’engagement au niveau international se fasse dans l’intérêt de la Nation.
Et vous savez, les relations internationales sont liées aux intérêts économiques de chaque pays, aux intérêts stratégiques. Si je défends mes intérêts, je m’inscris [dans ce processus] et chacun peut bénéficier des relations de paix mais aussi d’échanges entre Etats. C’est ça le travail qu’on essaye de faire.
Je pense personnellement qu’il y a une chance pour la RDC de s’inscrire dans une logique de paix, de construire la stabilité d’abord au niveau interne. Quand vous avez la maison qui brûle à l’intérieur, vous ne pouvez pas vous occuper du voleur qui passe dans la rue. Vous devez d’abord éteindre le feu, n’est-ce pas ? Une fois que vous éteignez le feu, vous pouvez contribuer à ce que le voleur-là qui est dans la rue, on l’arrête et on s’en occupe.
Je veux que les Congolais comprennent que la paix, c’est une démarche constructive et qui est globale. Ce n’est pas une action. Ce n’est pas comme aller dehors chercher quelqu’un qui nous dérange, on en finit et ça y est : la paix, elle doit d’abord se construire chez nous, à la maison, dans les cœurs, entre les Congolais, réconcilier les Congolais. Celui qui vit dans la montagne, celui qui vit dans la plaine, celui qui fait l’agriculture, celui qui fait l’élevage : ils doivent déjà, eux, entre eux, voir la loi qui répartit, et qui règle les conflits entre eux. Voilà comment je vois personnellement la stabilité.
La stabilité est un travail qui est beaucoup plus complexe qu’une action, on y va, on fait ça, et ça y est. Oui, il faut avoir une armée solide, il faut être en mesure de se défendre lorsqu’on est attaqués, il faut pouvoir sécuriser la population contre la menace interne et il faut rassurer la population sur l’avenir et le devenir de leur progéniture.
Question 5
Nicaise Muzany/ Afriquechos.ch : A vous entendre, vous avez beaucoup expliqué les choses, vous avez dit quelque part dans votre propos liminaire que vous ne voudriez pas, après le départ de la MONUSCO, qu’il y ait encore des tensions, l’instabilité en RDC. Mais je suis en train de me poser la question si vous savez qu’il y a une tension interne à laquelle vous ne faites pas attention, c’est-à-dire qu’il y a une partie de la population qui se plaint, les uns contre les autres. Si le Docteur Mukwege a plaidé pour un Tribunal spécial de la RDC, moi, je vous poserais la question : est-ce que Madame Leila, les Nations Unies, vous pensez à réconcilier les Congolais, par exemple, autour d’une table ou les Congolais se parlent pour qu’il y ait ce qu’on peut appeler une Commission Vérité, Réparation et Réconciliation ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Alors, vous savez, je suis juge donc vous parlez de choses qui me vont droit au cœur. Je voudrais souligner une chose : j’ai moi-même, en ce qui concerne les Kasaï, j’ai dit que nous devons d’abord faire en sorte que les groupes armés ou les milices qui ont endeuillé les Kasaï… notre objectif pour mettre fin à cette menace qui trotte dans la rue – parce que des gens qui ont été impliqués, je dis toujours que ceux qui ont appris à manier une arme ne vont pas mendier dans la rue – il faut savoir les gérer pour que non seulement ils ne restent pas dans la rue mais aussi qu’ils ne reviennent pas à leurs mauvaises habitudes.
Donc, il faut une démarche qui prend en charge cette menace. Vous savez, quand vous partez faire la guerre contre un ennemi étranger, vous gagnez ou vous perdez, vous rentrez chez vous. Quand la guerre est chez vous, les douleurs sont là, les souffrances sont là, ceux qui ont tué, ceux qui ont perdu des êtres humains chers, ceux qui ont vu l’horreur au milieu de la nuit, ceux qui ont perdu un bras, une jambe, ceux qui ont perdu la raison, ceux qui ont perdu leurs enfants, ceux qui ont perdu tout ce qu’ils ont dans des endroits où les gens sont très pauvres, quand vous perdez quelque chose que toute une vie ne vous permettra pas de récupérer.
Ce n’est pas facile de régler ces problèmes. Vous tuez quelqu’un, il y a toute une famille derrière lui qui se réveillera parce que chacun va penser que lui est la victime.
Donc dans ce genre de conflits – et je l’ai vécu dans mon pays, je sais ce que c’est – dans ce genre de conflits, vous devez avoir une démarche qui amène à la réconciliation ; la réconciliation entre celui qui a commis le crime et celui qui en a été la victime. Et parfois, les barrières ne sont pas claires parce que j’ai été victime de vous mais vous, vous avez été victime d’elle qui est avec moi, et ainsi de suite. C’est comme quelqu’un qui voit ses intestins se bagarrer. Donc ce sont des souffrances généralisées.
Et donc, pour pouvoir travailler sur ça, c’est un travail de titan. Mais c’est possible parce que dans les communautés, il y a le sens général de la justice. On peut ne jamais avoir été à l’école mais on sait ce que c’est, l’action juste et l’action injuste. Et quand je sais que l’action qui a été menée a pris …
Je vous fais rire ? Vous ne me prenez pas au sérieux, je dis des bêtises ? Je m’excuse si je n’ai pas réussi à vous convaincre …
J’essaye simplement de dire que c’est un travail à faire avec les communautés, à travers la justice, à travers le développement, à travers la réconciliation.
Ce n’est pas parce que des gens dans un pays ont fait un choix d’une justice transitionnelle qui était adaptée à leur pays que cette même démarche va marcher ailleurs. Il faut consulter les communautés et voir ce qui peut les apaiser, quel type de justice transitionnelle les gens qui ont souffert des Kamuina Nsapu, des Bana Mura ou même des militaires congolais qui étaient déployés dans cette zone, qu’est ce qui les apaisera, comment on peut tourner la page du conflit, comment on peut ramener ceux qui ont tué et ceux qui ont été victimes à tourner la page et à vivre ensemble parce que c’est la meilleure option.
Et parce qu’ils ont été convaincus, pas parce que nous on a décidé à leur place dans un endroit lointain, mais parce qu’on travaille avec les communautés. Pour pouvoir commencer ce travail, vous devez déjà réintégrer les gens, parce que les gens sont déplacés, ils ont perdu leurs maisons, ils n’ont pas de travail, leurs enfants ne vont pas à l’école.
On va leur parler de réconciliation, comme ça, dans la rue ? On doit d’abord faire quelque chose pour tout le monde, ramener la population dans ses villages, leur donner de l’espoir, leur donner des terres où ils peuvent travailler.
Après on travaille sur les douleurs, sur les souffrances, sur les blessures, et on les consulte, on discute avec eux. Qu’est-ce qui est bon pour eux ? D’avoir un Tribunal international ? D’avoir une justice transitionnelle ? D’avoir la justice congolaise renforcée qui rend justice et qui identifie ? Qu’est-ce qui est le plus adapté à ce qu’ils veulent ?
On travaille avec eux et on fait ce choix en tant que Congolais pour apaiser, pour tourner la page, pour que ces gens ne reviennent plus à ces pratiques et pour que les causes profondes – c’est pour ça que je dis, il faut toujours travailler sur les causes profondes – les causes profondes qui ont généré ça ne reviennent plus.
Ce qui s’est passé, on était dans une période électorale, il y avait de la manipulation politique, il y avait de la manipulation économique et communautaire – il y a eu beaucoup de choses qui ont généré cette crise. Les Kasaï n’ont pas de tradition de groupes armés comme dans les Kivu mais il y a eu une mauvaise gestion et des manipulations qu’il faut apaiser. Il faut aider les communautés à avoir de l’espoir.
Vous savez, quand vous pouvez avoir de l’espoir pour vos enfants, vous pouvez pardonner. Quand vous restez dans le désespoir, vous ne pardonnez pas. On dit qu’on pardonne et qu’on tourne la page quand je suis en position de force, quand je sens que j’ai été réhabilité, en tant que victime, je peux pardonner. Parce que le pardon existe chez l’être humain et que l’oubli existe, mais on doit être en position de le faire : si je suis contraint, je me vengerais, à ma manière, contre l’Etat, contre l’autre, contre tout le monde.
C’est comme ça que je vois ce travail qu’une Mission de maintien de la paix peut aussi [aider à] amener des populations qui sont dans les tensions à regarder dans la meilleure direction, pour tourner la page.
Vous savez, tous les pays, les grands pays d’aujourd’hui, est-ce que vous vous souvenez que les Américains ont eu une guerre civile qui a été ravageuse ? Est-ce que vous vous souvenez que les Européens ont eu des guerres terribles, des rivières de sang entre eux ? La guerre de cent ans entre les Français et les Britanniques ? Aujourd’hui, ce sont des amis. Entre les Allemands et les Français, ce qui s’est passé en Italie, ce qui s’est passé sous Franco en Espagne… Ce sont des pays qui sont dans la paix aujourd’hui, ils parlent de ça comme de l’Histoire.
Nous voulons que dans notre Afrique aussi, on fasse la même chose, qu’on tourne cette page de la guerre où chacun regarde l’autre comme un ennemi alors que nous sommes les mêmes et que nous avons intérêt tous à construire la paix dans notre continent pour avancer, pour que nos petits enfants soient comme les Européens, comme les Américains, comme les Canadiens. Pourquoi pas ? C’est impossible ?
On peut le faire. Dans un seul pays, on ne parle que de la guerre. Pourquoi ? Pourquoi on ne veut qu’éliminer l’autre ? Celui qui a besoin d’être corrigé, on le corrige. Celui qui a besoin d’être emprisonné, on l’emprisonne. Celui qui a besoin d’être remis dans ses droits, on le remet dans ses droits. C’est un travail que nous devons faire ensemble et la presse peut jouer un rôle positif.
Au lieu d’attiser la haine, on attise la paix, on attise la réconciliation et on travaille sur la réconciliation. Votre pays ne sera jamais stable sans cette réconciliation d’esprit, entre vous.
Moi, je ne sais pas faire la différence entre un Hunde et un Nande – je ne sais pas la faire, ils sont tous des Bantous. Je leur pose la question, je leur dis : Pourquoi ? Quelle est la différence ? « L’accent. On ne prononce pas de la même manière quand on parle le swahili ».
Les raisons [des conflits] sont économiques, ce n’est pas parce qu’il y a l’accent, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas parce qu’on est différents physiquement, non ! C’est parce qu’il y a des intérêts économiques et qu’on manipule les pauvres gens. Donc il faut travailler pour que les gens soient conscients que la paix, c’est ça, leur futur.
Question 6
Symphorien Katumba/ L’Explorateur : J’ai une préoccupation de curiosité. Vous avez rencontré le responsable de la Banque mondiale. C’est bien beau, on peut dire que vous êtes maintenant la représentante de la RDC à travers ce que vous avez négocié. En termes de tout ce que vous avez négocié, qu’est-ce que la RDC peut espérer en chiffres dans quels secteurs de ce que vous avez négocié et parlé [avec] la Banque mondiale ? Je vous remercie.
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Vous savez, moi, je fais le plaidoyer pour la RDC. Pour dire : il y a de l’espoir, il y a des opportunités, venez créer cet espace.
Ce que j’ai demandé à la Banque mondiale, je le demande en fait depuis longtemps. J’avais rencontré le vice-président ici quand il est passé, je l’ai rencontré encore à New York. Je devais même aller à la Banque mondiale à Washington mais comme le Président s’est déplacé, je n’ai pas voulu donner l’impression que je suis dans ses pattes – vous savez, la spéculation – donc je me suis abstenue, je n’y suis pas partie, mais j’irai la prochaine fois, quand j’irai [aux Etats-Unis] pour le renouvellement du mandat, je compte aller à la Banque mondiale.
Pourquoi la Banque mondiale ? Parce que la Banque mondiale est un partenaire de la RDC. Nous voulons les mobiliser pour investir dans les Kasaï, dans le Tanganyika, parce que ce sont des zones oubliées, où il y a besoin de faire du développement pour stabiliser. Il y a des chances, si on arrive à avoir des routes, d’aider par exemple à encourager le développement de l’agriculture, de l’élevage.
Vous savez, ce n’est pas moi qui le dis, c’est le représentant du PAM qui m’a dit, dans cette zone (en parlant des Kasaï), on peut faire trois à quatre récoltes par an. Trois à quatre récoltes par an et il y a des gens qui meurent de faim dans ces zones.
Donc si on arrive à créer une dynamique positive pour créer le développement, pour permettre aux gens de produire mais aussi de pouvoir vendre leurs produits… parce que moi, quand je vois des femmes avec des kilos sur la tête et qui font 20 kilomètres par jour pour pouvoir vendre deux tomates, ça me fait mal au cœur.
Donc c’est ça qu’il faut : créer les opportunités de développement mais aussi d’écoulement de la marchandise, de permettre que plus de gens achètent parce qu’ils ont du travail - ils vont acheter des produits, les ramener à la maison car ils peuvent se le permettre.
C’est ça une dynamique positive. Nous voulons que la Banque mondiale s’investisse dans ces projets, nous permette d’avancer. Parce que vous savez, une Mission de maintien de la paix n’a pas de programmes de développement. Nous, notre rôle, c’est de pousser ceux qui ont les moyens à venir investir dans la RDC.
Je l’ai fait avec la Banque mondiale, je l’ai fait aussi avec le Fonds de consolidation de la paix.
D’ailleurs le directeur du Fonds a promis de venir en janvier parce qu’on aura le mandat d’ici là, on aura plus de clarté, j’ai insisté pour qu’on ait cet appui dans les Kasaï et le Tanganyika. Je cible ces trois provinces car, en réalité, on a pas de dimension des mines, il n’y a pas de dimension régionales, ce sont des milices congolaises, ce sont des problèmes de développement et de réconciliation communautaire, ce sont vraiment des choses où l’on peut réussir rapidement si l’on fait les choses correctement et c’est pour cela que j’encourage les gens à y aller, j’encourage la Banque mondiale et les autres institutions financières, j’espère que j’aurai l’occasion d’en encourager d’autres aussi.
Je vais aller en Grande-Bretagne, en France et aussi à Bruxelles pour rencontrer et le Gouvernement belge et l’Union européenne pour encourager justement, surtout l’Union européenne qui a un programme ici, pour les encourager à nous appuyer et appuyer la RDC dans ce processus de consolidation de la paix, de renforcement des capacités, de permettre à la RDC de sortir de cette image de crises, conflits et menaces, et de dire la RDC -je n’arrête pas de le répéter- est une opportunité pour toute la région.
Question 7
Evi Mwimbi/ Radio Télévision La Louange et News.cd : Madame, la question de la réduction de l’effectif de la MONUSCO m’intéresse encore. Une fois que vous quittez une province, vous ne retournez plus. Sur base de quoi la MONUSCO se focalise pour savoir s’il faut maintenant quitter et qu’après nous, on ne parlera plus de conflit ni crise ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Ce n’est pas la MONUSCO qui décide, la MONUSCO souvent décide sur la base d’un budget qui lui est alloué. Si les bailleurs de fonds coupent le budget, on est obligé de réduire les capacités mais ce que nous essayons de faire, c’est que tout en étant sous cette pression de coupes budgétaires, nous essayons de ne pas fermer un endroit où il y a encore une menace sécuritaire, pour nous, s’il n’y a pas de conflit, s’il n’y a pas de groupe armé, on peut se retirer en espérant que la situation ne dégénère pas.
Notre objectif, c’est de travailler pour stabiliser une région pour ne pas [y] revenir, parce que si vous partez et qu’après la situation explose et que vous revenez, c’est comme si vous recommencez à zéro, parce que vous devez regagner la confiance des gens, vous devez vous adresser à des choses qui encore … parce que revenir, cela veut dire que la situation a empiré, donc il faut éviter cela, c’est pour cela qu’on s’assure, par exemple si on travaille sur ces trois provinces, si on renforce les capacités de la police, et on veut travailler avec le Ministère de l’Intérieur pour renforcer les capacités de la police, déployer la police dans ces zones parce que ce n’est pas l’armée qui va stabiliser, l’armée fait la guerre.
C’est la police qui stabilise, c’est la justice. Donc renforcer la justice, renforcer la police, être sûrs que vous avez un système pénitentiaire qui garde les criminels, pas « on les rentre aujourd’hui et on ouvre demain la prison et ils sortent », faire en sorte que les gens sont sécurisés parce que la criminalité peut être endiguée. Après s’il y a aussi une présence militaire, si jamais il y a une menace plus grave, c’est l’armée qui intervient, donc si on arrive à travailler pour sécuriser, on peut quitter, on est rassuré qu’il n’y aura pas de conflit. Nous on travaille, on informe le Conseil de sécurité, le Conseil de sécurité décide du ceiling [plafond des troupes] et du mandat, après c’est l’Assemblée générale, la 5e Commission, qui dit « ou bien on donne de l’argent dans ce pays ou il faut couper ».
Donc on travaille justement pour ne pas précipiter les coupes afin de pouvoir consolider, on ne peut pas quitter en deux semaines un endroit et on dit « on a consolidé ». On est resté dans ce pays 20 ans, le conflit était dans toute la RDC, toute la RDC était en conflit. Aujourd’hui on parle de six provinces et même les six provinces, on fait la différence entre 3 et 3. Et même les trois qu’on considère encore sous menace, on fait la différence entre un et deux, donc on est quand même dans une période où on essaie de …, vous savez, presser et contenir petit à petit la menace jusqu’à la réduire à zéro. Lorsque la menace n’est plus que dans quelques endroits, dans le Nord-Kivu, dans le Sud-Kivu, le Gouvernement congolais peut s’en occuper, il n’a pas besoin de l’appui d’une force de maintien de la paix.
Bien sûr, vous avez six provinces, il faut travailler pour que ça devienne trois et trois devient deux, les deux deviennent un et puis un jour vous n’avez plus besoin …, Vous avez des pays où les missions ont quitté, elles ne sont pas revenues, la Côte d’Ivoire, il y avait une mission, elle a fermé, elle n’est pas revenue, le Tchad, il y avait une mission, elle a fermé, elle n’est pas revenue, la Sierra-Leone, le Liberia, donc on peut aussi espérer que la RDC se retrouvera un jour sans mission de maintien de la paix avec une présence des Nations Unies qui travaillent en tant qu’agences programmatiques, l’UNICEF, le PNUD … Et puis, c’est l’Etat qui assure la paix et la sécurité, qui assure le maintien de l’ordre et qui gère le développement et nous l’espérons sincèrement pour la RDC. Nous ne sommes pas là pour nous maintenir, pour rester en RDC parce que c’est un échec pour nous si on reste éternellement, c’est un échec pour la RDC, c’est un échec pour les Nations Unies. Notre objectif, c’est de pouvoir tourner la page.
Question 8
Isaac Ngwenza/ Politiquerdc.net : Madame, j’ai suivi votre exposé avec attention, vous avez souligné que vous ne voudriez pas quitter un endroit pour y revenir après, citant les territoires où il y a des tensions, j’ai été choqué d’apprendre que, vous avez cité Walikale alors qu’en 2015 quand on a demandé la réduction des casques bleus, un bataillon indien était là-bas, aussi à Masisi, ils se sont retirés, aujourd’hui, vous citez encore Walikale parmi les zones où il y a des tensions, comment pouvez-vous justifier cela ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : D’abord j’ai souligné que la présence de la MONUSCO a été réduite, donc on était à 22 000 soldats, on est à 13 000. Vous savez ce que cela veut dire ? On a perdu 9 000 soldats. Donc il faut savoir que la Mission qui était en 2008, quand j’étais venue dans votre pays, n’est plus celle qui est aujourd’hui. Ce n’est pas négatif, je le dis encore, ce n’est pas négatif parce que j’ai parlé de Walikale, j’ai dit, c’est de la criminalité. Quand vous enlevez des gens et que vous demandez une rançon, vous n’êtes pas un groupe armé qui a un agenda politique, vous êtes un gang, vous êtes un gang, vous n’êtes pas un groupe armé avec un agenda politique.
Aujourd’hui, ce qui se passe dans ces zones, il y a bien évidemment encore certaines milices ou groupes armés mais, à l’époque, rappelez-vous, il y avait le M23, il y avait le CNDP, il y avait des groupes armés étrangers, il y avait les FDLR, aujourd’hui on a des groupes congolais, plus, je dirais, des gangs qu’autre chose, mais il y a encore l’insécurité, donc les Kivu ne sont pas encore stabilisés et sécurisés. On n’a jamais quitté les Kivu, fermer une base ne veut pas dire qu’on a quitté, vous faites fermer une base parce que vous n’avez pas suffisamment de troupes, vous posez la base dans un autre endroit où elle est davantage nécessaire mais on n’a jamais quitté cette zone, on est toujours présent là-bas mais ce n’est pas la paix, ce n’est pas la guerre, c’est une situation qu’il faut renforcer, consolider. Moi j’ai demandé à mon équipe de beaucoup travailler sur cette zone, particulièrement, cette zone de Kitchanga, Masisi, Walikale, toute cette zone, de travailler en renforçant la riposte de la justice, en renforçant la présence des policiers et en identifiant les spoilers et essayer de les faire arrêter. C’est cela la meilleure façon pour déjà réduire la menace criminelle.
Après, les groupes armés, on peut mener des opérations militaires contre eux mais surtout éviter de le laisser s’installer parce que la criminalité, lorsqu’elle devient organisée, lorsqu’elle s’inscrit dans l’économie, dans des pays très forts, ils ont eu du mal à s’en débarrasser. Rappelez-vous le cartel de Medellin en Colombie, rappelez-vous la mafia en Sicile, rappelez-vous ces grands gangs criminels qui ont endeuillé des pays beaucoup plus forts que la RDC, donc il faut éviter que ce genre de criminalité s’installe dans le pays.
Question 9
Venant Vudisa /RTNC : Mme la Représentante spéciale, vous revenez de New York où vous avez fait des plaidoyers en faveur de notre pays, c’est bien bon. Donc question d’équité pour le volet sécuritaire pour le volet climatique, qu’est-ce qui a été retenu en faveur de la RD Congo qui regorge, la deuxième réserve mondiale en matière de forêts, pour que ce pays continue à lutter et à sensibiliser contre le changement climatique ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Je crois que c’est le président de la République qui était présent à cet évènement, malheureusement, moi j’étais dans une autre réunion, mais je sais qu’il était là, il a fait un discours très important rappelant toutes les opportunités, d’abord les richesses, particulièrement, comme vous le dites, un des poumons les plus importants du monde se trouve dans ce pays et il y a beaucoup de choses à faire dans la forêt congolaise sans la menacer et sans l’affecter. Par exemple j’ai rencontré le gouverneur du Sankuru qui me dit « nous avons une réserve, nous voulons la préserver mais nous voulons aussi que la population en bénéficie ».
C’est le plaidoyer que le Président a fait parce que si on vient, on investit en RDC, on développe la population, on préserve justement l’environnement. Parce que l’environnement, on peut le casser, on n’a pas d’autres choix, on n’a pas d’autres moyens, parce qu’on est dans la pauvreté, alors on s’attaque à ce qu’on doit préserver parce que c’est un luxe que les pauvres ne peuvent pas se permettre et c’est pour cela, c’est dans l’intérêt de l’humanité, de pouvoir appuyer des pays qui regorgent de richesses, qui peuvent soutenir et préserver la vie sur notre planète.
Parce que quand on parle de changement climatique, dans certains pays on le voit, il y a des pays qui vont disparaitre sous l’eau, des petites îles qui vont disparaitre sous l’eau. Lorsqu’il n’y aura pas suffisamment de forêts, il n’y aura pas suffisamment de pluie dans beaucoup de pays donc la sècheresse va absorber des pays, beaucoup de pays, donc il y a un travail à faire, je crois que le Président a fait ce plaidoyer.
Beaucoup étaient présents, le Secrétaire général en fait une priorité, il y travaille, il veut absolument sensibiliser tout le monde, des pays comme le Brésil, comme la RDC, sont vraiment deux grands porteurs et tout le monde doit être sensibilisé mais comme j’ai dit, il faut aussi appuyer la RDC pour qu’elle ait autre chose à donner à sa population et préserver les espaces pour le compte de l’humanité.
Il y a des fleuves : vous savez que ¾ de l’eau potable de l’Afrique se trouve dans cette zone, la région des Grands Lacs, ce n’est pas de la plaisanterie, les ¾ de l’eau potable de l’Afrique, vous savez que les moyens énergétiques dans ce pays peuvent satisfaire tous les besoins en énergie électrique en Afrique, donc c’est un pays qui est au cœur d’opportunités exceptionnelles mais, comme j’ai dit, il faut aussi l’aider, l’appuyer, et lui permettre d’avoir un développement durable, un développement qui respecte l’environnement, qui apporte une contribution à l’humanité au lieu de le pousser à peut-être mener un développement qui peut paraître rapide et qui peut engendrer des conséquences négatives pour le développement durable.
Question 10
Benoit Kambere, Echos de la région des Grands Lacs et Emergence : Mme la Représentante spéciale, vous avez évoqué Ebola, je ne peux pas ne pas vous poser une question là-dessus. Il y a une année, on avait des pics de 35 morts dus a Ebola, il y a trois mois, le pic est descendu, maintenant on est à plus ou moins deux ou trois par semaine, d’après vous, qu’est-ce qui a changé parce que la MONUSCO soutient le Gouvernement congolais pour la riposte contre Ebola, qu’est-ce qui a réellement changé pour qu’on quitte 30 morts par jour à plus ou moins deux par semaine ?
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en RDC [Leila Zerrougui] : Vous vous souvenez qu’Ebola avait éclaté au départ à Mbandaka, ça nous a pris trois mois pour y mettre fin, rappelez-vous. A Beni malheureusement on n’a pas eu la même facilité. Pourquoi ? Parce que c’est une zone de conflit, parce qu’il y avait une population qui était manipulée par tous les acteurs politiques qui lui disaient [que] « c’étaient les élections, on ne veut pas vous laisser voter, c’est une zone de l’opposition, l’Ebola, ce n’est pas vrai », après il y a tous les guérisseurs traditionnels qui voyaient leurs clients partir. Après beaucoup de choses ont fait que la population a suspecté qu’il n’y avait pas Ebola, que c’est une manipulation, après on a dit que c’étaient les Blancs qui avaient ramené cela, pourquoi on s’occupe de l’Ebola alors qu’on meurt d’autre chose ? Pourquoi vous n’allez pas faire la guerre et vous venez nous parler de l’Ebola et donc tout cela a compliqué la riposte. Parce que dans la zone où elle a éclaté, comme vous le savez, quand on est arrivé à Mangina, il y avait déjà 37 morts parce qu’il y avait la grève des infirmières, des infirmiers, ils ont laissé la maladie se répandre sans alerter personne.
C’est la MONUSCO qui passait par hasard qui a découvert la maladie et après, bien évidemment, il y a eu l’OMS et tout le travail qui a été fait, on était sur le point de la fermer mais c’était la période des élections, toute la manipulation que vous connaissez. C’est une zone qui a aussi beaucoup souffert de conflits, où il y avait de la suspicion, il y a eu beaucoup de tensions et cela a duré toute cette période. Vous savez qu’on est arrivé au point où on a tué un médecin qui est venu soigner, un étranger qui est venu ici, qui a laissé sa femme et ses enfants, tué parce qu’on disait « l’Ebola, ce n’est pas vrai, elle vient pour nous déstabiliser, nous prendre des terres, ceci, cela ».
Entre temps, nous au début on n’était pas vraiment impliqué et après la crise qui a vraiment culminé, le nombre qui montait très fort, on voyait l’Ebola qui allait se répandre dans toute la zone. Vous savez le problème, la différence entre les autres maladies et Ebola, c’est que l’Ebola, elle se transmet facilement, vous pouvez l’attraper en serrant la main, donc c’est une maladie dangereuse parce qu’elle peut se répandre et c’est pour cela qu’il ne faut pas la laisser.
Quand vous avez une autre maladie, elle ne se répand pas, vous pouvez contaminer votre famille, quelqu’un que vous voyez tous les jours mais vous ne pouvez pas la répandre dans le village parce que vous êtes sortis, vous avez marché, donc c’est cela le risque de pourquoi Ebola est dangereux. Il n’y avait pas à l’époque, même pas de vaccins, pas de traitement et donc le travail qui a été fait ici, et je dois rendre hommage aux institutions congolaises parce qu’il y a eu l’appui de la communauté internationale, il n’y a aucun doute, il y a beaucoup d’argent qui a été investi par le monde entier y compris la Banque mondiale, y compris des pays partenaires de la RDC qui ont soutenu l’OMS, qui ont soutenu l’effort qui a été fait mais il y eu aussi le système sanitaire congolais qui a bien répondu.
Donc le travail qui a été fait a pris du temps mais aujourd’hui, il y a un vaccin qui est maintenant efficace, il y a un traitement qui permet qu’on soigne les gens, il y a plus de confiance dans la riposte. Donc les gens, quand ils ont appris que telle personne qu’ils ont touchée, qu’ils ont visitée, est morte de l’Ebola, le lendemain ils se présentent pour vérifier s’ils sont atteints ou pas. S’ils arrivent à temps, parce que quand vous commencez à vomir, cela veut dire que vos intestins sont déjà atteints, vos organes sont atteints, vous n’allez pas survivre, c’est foutu mais si vous avez la fièvre et que vous allez vous présenter pendant les trois premières semaines, avant d’arriver à la troisième semaine, vous pouvez être soignés, il y a un traitement, il y a un vaccin, donc il y a la possibilité de guérir.
Sur les 3 000 et quelque presque 3 100, personnes affectées, il y en a 1 000 qui ont guéri donc c’est cela la différence, il y a de la confiance de la population qui se présente, donc on arrive à faire la trace des personnes de contact, il y a un traitement, il y a un vaccin qui va bientôt devenir un vaccin reconnu parce que, vous savez quand il a commencé, il était encore test, il était à la phase I, aujourd’hui il est à la phase IV, bientôt il va être à la phase V, donc ce travail, ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de pouvoir l’intérioriser en tant que pays pour la prochaine épidémie qui éclate, puisque comme les gens mangent encore la viande sauvage, comme ils sont encore dans la forêt, il y aura encore des cas. Mais on a un vaccin, on a un traitement et les institutions doivent avoir cette capacité, c’est ce qui est en train de se faire aujourd’hui, elles travaillent pour une capacité de riposte nationale qui permet de répondre sans appeler à chaque fois les autres au secours parce que je n’ai pas les moyens et que peut-être ils ne viendront pas la prochaine fois.
Donc c’est cela qui a changé et c’est cela qui nous permet d’avoir de l’espoir et c’est cela qui nous permet de dire « les souffrances des populations de Beni, si on ferme Ebola, si on arrive à régler les problèmes, si on arrive à cibler la menace ADF, tout cela va aider à stabiliser cette région qui a beaucoup souffert, qui a besoin d’avoir confiance dans ses institutions et dans l’appui qui vient de la communauté internationale ».