Transcription de la conférence de presse ONE UN en RDC du 20 avril 2022
La conférence de presse de ce jour reçoit le Représentant spécial adjoint du Secrétaire Général, Coordonnateur résident et humanitaire, M. Bruno Lemarquis
La conférence de presse des Nations Unies était animée à partir de Kinshasa par Mathias Gillmann, porte-parole de la MONUSCO et coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Avec nous aujourd’hui ici à Kinshasa, le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident des Nations Unies en RDC, Bruno Lemarquis, qui a pris ses fonctions fin février. Nous sommes connectés avec nos bureaux à Goma et Beni.
La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo, Bintou Keita, s’est exprimée hier en vidéo conférence devant le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine, dans le cadre d’une réunion de suivi du Sommet qui s’est tenu le 24 février dernier à Kinshasa – le 10ème Sommet du mécanisme de suivi de l’Accord-cadre d’Addis Abeba.
Elle a souligné que la persistance de l'insécurité dans certaines parties de l'est de la RDC, y compris la récente résurgence des attaques de l'ex-M23, nous rappelle la nécessité de renforcer davantage la coopération régionale afin de s'attaquer de manière durable aux facteurs de conflit sous-jacents et à leurs dimensions régionales.
La Mission a travaillé à différents niveaux avec ses partenaires de la RDC pour faire face aux défis sécuritaires dans l'est de la RDC, protéger les communautés à risque et répondre aux besoins humanitaires. Ces travaux comprennent : le renforcement de la coopération militaire et de la coordination des opérations avec les forces armées de la RDC (FARDC), le soutien aux processus de réforme du secteur de la sécurité pour l'armée et la police en facilitant une meilleure gouvernance du secteur de la sécurité, le soutien aux initiatives et mécanismes locaux de résolution des conflits, et l'opérationnalisation du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), dont la stratégie nationale a été validée par le président Félix Tshisekedi, vous le savez, au début du mois (4 avril). Toutes ces actions soient appuyées par des efforts et une coopération régionale pour la paix, a aussi insisté la Représentante spéciale.
En outre, Bintou Keita sera en outre la semaine prochaine à Berlin pour une réunion de haut-niveau à l’invitation du gouvernement allemand sur la stratégie de mise en oeuvre de l’initiative « Action pour le maintien de la paix », une stratégie connue sous l’acronyme « A4P Plus ». Accompagnée du Commandant de la Force, le Général Marcos Affonso da Costa, Mme Keita participera à un ensemble de discussions avec les dirigeants du maintien de la paix dans le monde sur l’engagement politique pour la résolution des conflits, les opérations, ainsi que les questions autour de la sécurité des casques bleus. La réunion va aussi aborder les nouvelles menaces comme les engins explosifs improvisés.
Je voulais aussi vous signaler qu’à Goma, depuis hier mardi 19 avril 2022, un atelier d’échanges de trois jours sur le thème « Comprendre et combattre la désinformation sur les médias sociaux ». Un atelier qui réunit des représentants des différents secteurs de l’information publique, des affaires politiques, des affaires civiles, des droits de l’homme et de la section Genre. Tout cela pour mieux cerner les modalités des campagnes de désinformation en ligne, et également à identifier les meilleures pistes de réponse face à ces discours hostiles.
Il y a également toute cette semaine, une formation en collaboration avec l'Université Libre des Pays des Grands Lacs (ULPGL), des séances de discussions qui ont lieu à Rutshuru pour recueillir les perceptions et points de vue des populations locales sur la contribution de la MONUSCO aux processus de sécurité, de consolidation de la paix et de stabilisation au Nord-Kivu.
Je vais m’en tenir là et donner la parole à mon collègue militaire, Abdouli Bariou Alao Salou, qui va nous faire un point sur la situation militaire. C’est à vous !
Bureau d’information publique militaire de la MONUSCO [Major Abdouli Bariou Alao Salou] : Merci Mathias. C’est un réel plaisir pour moi de prendre la parole et de vous faire le point de l’actualité de la Force de la MONUSCO. Je voudrais faire un rappel du mandat de la Force, il s’agit de protéger les civils et de soutenir les Forces armées de la République démocratique du Congo.
Au cours des deux dernières semaines, la Force a mené des actions vigoureuses sur l’ensemble de sa zone de responsabilité en vue de neutraliser les milices ou groupes armés, leur interdire la liberté d’action et de mouvement, et surtout assurer la protection des civils.
Quelques points saillants méritent d’être relevés ici. A la suite à l’opération de bouclage de Bali, Ituri, le 5 avril 22, au cours de laquelle cinq éléments militants de la CODECO ont été neutralisés et neuf autres blessés, et dans laquelle un casque bleu de la MONUSCO a été tué, des casques bleus bangladais, népalais et guatémaltèques ont lancé une opération militaire à grande échelle à Bali. Cette opération a été un succès : des armes légères, des munitions, des talkies-walkies, des motos, entre autres, ont été saisis, et les éléments restants de la CODECO ont fui leur camp.
Ensuite, à Beni, la sécurité reste préoccupante, mais la Force de la MONUSCO en coordination avec les FARDC entreprennent une action décisive contre les ADF. Le 18 avril 2022, au cours d’activités opérationnelles en cours à Pinzili, les casques bleus malawites et les FARDC ont réussi à appréhender trois éléments présumés des ADF, qui actuellement sont entre les mains des FARDC.
Au Nord-Kivu, la situation sécuritaire est restée instable au cours de la semaine écoulée. Cependant, on note une légère amélioration et des déplacés rentrent chez eux, particulièrement dans les localités de Ivo, Tchengerero, Bunagana et Kabino. La Force de la MONUSCO poursuit ses efforts pour assurer la protection de ces déplacés.
La Force de la MONUSCO a aussi lancé, le mardi 19 avril 2022, une offensive contre le bastion des militants ADF au Mont Hoyo (qu’ils tiennent depuis trois ans). L'action, bien coordonnée, a commencé par une attaque d’hélicoptère qui a neutralisé cinq cibles bien identifiées ; après quoi, la QRF [Quick Reaction Force] kenyane a procédé à l’élimination de tous les éléments résiduels au Mont. La position est dorénavant passée sous contrôle des FARDC.
Au total, l’intensification des patrouilles et l’augmentation du nombre des opérations de la Force ont permis de réduire les attaques des groupes armés contre les personnes déplacées.
Les actions à venir : la MONUSCO poursuivra ses efforts avec détermination protéger le peuple de la RDC et lui garantir un environnement sûr et sécurisé conformément à son mandat. Merci de votre aimable attention.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup Major. Je voulais avant de donner la parole à Bruno Lemarquis, vous signaler également que 200 agents de police ont conclu leur formation de base à Tshikapa en présence des autorités provinciales et celles de la Police nationale congolaise.
Cette formation de base sur la police de proximité s’inscrit dans le cadre du projet « Renforcer la cohésion sociale et la confiance entre la population et les autorités à travers la police de proximité, le dialogue et la revitalisation socio-économique », projet qui est financé par le Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (PBF) et mis en oeuvre par l’OIM, le PNUD et l’ONU Femmes.
Sans plus tarder, je donne la parole à notre invité : Bruno Lemarquis.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident des Nations Unies en RDC [Déclaration de Bruno Lemarquis] : Merci beaucoup Mathias, bonjour à toutes et à tous, bonjour aux auditeurs de Radio Okapi, bonjour à tous les partenaires de la presse, des médias qui nous suivent et qui sont ici. Merci pour l’invitation à cette conférence de presse. C’est ma première conférence de presse, puisque je suis tout nouveau dans le pays, et c’est un plaisir d’être ici et de vous rencontrer.
Je suis arrivé en République démocratique du Congo il y a un peu plus d’un mois. Je suis donc dans une dynamique d’apprentissage mais surtout, je suis dans une période d’écoute avec de grosses oreilles et une petite bouche.
Et pour vous permettre de me situer dans l’équipe des Nations Unies, je vais dire un mot sur le poste que j’occupe, et qui était précédemment occupé par une personne avec qui vous avez eu des rencontres régulières, j’imagine, y compris dans cette conférence de presse : David Mclachlan-Karr, que je vais aussi remercier ici pout tout son travail, dont je prends la relève.
C’est un poste qu’on appelle trois chapeaux, (la blague qu’on dit toujours : trois chapeaux, un salaire), mais c’est un poste important parce qu’il fait le lien entre trois dimensions de notre travail comme Nations Unies. Donc, qui combine trois fonctions distinctes.
La première, c’est celle de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, et donc adjoint de la Représentante Spéciale de la MONUSCO, donc j’ai un pied dans la MONUSCO. Ensuite, c’est Coordonnateur résident du Système des Nations Unies, ça c’est ce qui touche les problématiques de développement, les objectifs du développement durable, et donc la coordination des 23 agences, fonds et programmes qui opèrent dans le pays. Et enfin, c’est Coordonnateur humanitaire. Et là, c’est un poste qui va au-delà des Nations Unies puisque l’écosystème humanitaire comprend tous les partenaires humanitaires, y compris les ONG nationales et les ONG internationales.
Donc, cette combinaison des rôles permet d’avoir une approche intégrée, de pousser pour des approches cohérentes complémentaires entre les dimensions de consolidation de la paix, du développement durable et de l’agenda humanitaire. Et avant d’arriver en RDC, j’occupais la même fonction en Haïti.
Deux semaines après mon arrivée, je suis allé sur le terrain, parce que c’est important de prendre la température et de comprendre la réalité du terrain. Donc, j’ai fait une mission dans la province du Nord-Kivu, une mission dans la province de l’Ituri et déjà deux missions dans la province du Tanganyika. La dernière avec le leadership de la MONUSCO et certaines agences des Nations Unies dans le contexte de transition de la MONUSCO.
Lors de ces visites, j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux partenaires et acteurs locaux, les autorités provinciales, les autorités administratives et coutumières, des groupes de jeunes, de femmes, de la société civile, des membres du secteur privé de la FEC, des ONG nationales et internationales, plusieurs visites dans des sites de déplacés ou des communautés d’accueil pour des personnes déplacées dans plusieurs provinces, des personnes affectées par les violences.
Etant nouveau en RDC, ma première impression et mon premier commentaire, c’est de souligner combien je suis impressionné par toutes les opportunités et l’immense potentiel que recèle ce pays, son potentiel humain, notamment sa jeunesse, son potentiel économique énorme, son potentiel en termes de ressources naturelles et de biodiversité, la liste est longue, vous la connaissez mieux que moi. Donc, c’est un pays très riche en opportunités.
Mais je découvre aussi les multiples défis auxquels le pays fait face, qui se transcrivent notamment par le manque de corrélation entre d’une part tous ces potentiels et toutes ces opportunités et d’autre part les indicateurs de développement de la RDC. Pour n’en donner qu’un mais il y en bien d’autres : se classant 175-ème sur 189 pays au classement des Nations Unies pour le développement humain.
Un autre défi qui concerne également les bailleurs de fonds de la RDC, les partenaires de développement de la RDC, c’est le manque de corrélation entre l’aide au développement et son impact et son efficacité. Et donc, ces défis se transcrivent également de manière concrète par la persistance des besoins humanitaires dans le pays – à cause l’instabilité, de l’insécurité et de nombreux déficits de développement. Donc, des besoins humanitaires qui sont à un niveau très élevé du fait notamment de la situation sécuritaire dans l’Est du pays et qui fait de la crise humanitaire en RDC l’un des plus complexes du monde et une des plus longues (protracted crisis) au monde, qui dure depuis des décennies.
Dans l’Est du pays en particulier, les civils continuent de payer un très lourd tribut à cause des conflits multiformes qui entraînent des déplacements forcés des populations. Comme vous le savez, la RDC a le plus grand nombre de personnes déplacées internes sur le continent africain, plus de 5,5 millions de déplacés internes.
Il y a également des violations du droit international humanitaire et des droits de l'Homme dans ce contexte d’insécurité et de déplacement. Ceci entraîne des conséquences négatives en termes de protection, en termes d’accès aux services, de sécurité alimentaire, de santé, de nutrition, d’éducation, la protection des civils, le rétablissement de la sécurité, et la stabilisation sont donc essentiels dans ce contexte– et sont en premier ressort de la responsabilité de l’Etat. Mais les Nations Unies, nous sommes là pour travailler avec l’Etat en particulier.
Pour répondre à ces besoins humanitaires et aux besoins des personnes les plus vulnérables, il y a des nombreux défis. Ce sont les défis auxquels les partenaires humanitaires font face chaque jour. Des défis en termes de protection des civils, d’espace humanitaire, d’accès humanitaire, à cause de situations d’insécurité, et de financement. Pour la réponse humanitaire, je vais revenir sur ce point.
Les acteurs humanitaires nationaux et internationaux, dont je salue vraiment l’engagement, ils sont là pour atténuer les souffrances des personnes les plus dans le besoin, mais ils doivent également pouvoir faire leur travail, ils ne doivent pas être des cibles – et vous savez qu’il y a eu trop d’incidents visant des travailleurs humanitaires, y compris récemment.
L’aide humanitaire se fait selon un certain nombre de principes : l’humanité, la neutralité, etc. Ils travaillent dans ce cadre-là, ils sont là, ils répondent aux besoins, ils ne répondent pas aux besoins de certains groupes. Ils sont là pour répondre aux besoins. Donc ces incidents sur les travailleurs humanitaires, qui sont assez nombreux, sont vraiment très inquiétants.
Par rapport aux besoins et aux besoins de financement, et pour mémoire, le plan de réponse humanitaire qui a été lancé fin février pour 2022 vise à apporter une assistance a 8,8 millions de personnes parmi les plus vulnérables, pour un montant total de 1,88 milliards de dollars, mais nous sommes dans un contexte international marqué par d’autres crises qui sont peut-être plus haut dans le radar international.
L’an dernier par exemple, le Plan de réponse humanitaire qui était à peu près à 1,9 de milliards de dollars] avait été financé à peu près à hauteur d’un peu plus d’un tiers.
Cette année, vu la multiplication de crises y compris la crise en Ukraine, ce plaidoyer va être encore plus difficile.
Dans les prochaines semaines, conjointement avec le ministre des Affaires sociales et des Affaires humanitaires, nous aurons une mission conjointe dans un certain nombre de pays d’Europe, notamment avec un briefing aux Etats-membres des Nations Unies à Genève pour expliquer la situation, faire en sorte que la RDC reste dans le radar notamment des bailleurs de fonds humanitaires, et donc faire tout ce plaidoyer.
C’est donc essentiel de poursuivre ces actions de plaidoyer et les médias ont un rôle important à jouer dans ce cadre-là.
Maintenant la situation humanitaire que ce soit ici ou ailleurs n’est qu’une indication de la température sur le thermomètre. Elle est indispensable parce qu’il y a des gens en souffrance, parce qu’il y a des gens qui sont vraiment face à des situations très précaires notamment des femmes et des enfants. Mais l’aide humanitaire, d’une manière générale, n’est pas la solution aux problèmes, c’est juste un symptôme. Donc, il est essentiel de travailler, collectivement, ça c’est avec mes autres chapeaux. C’est toujours essentiel de travailler collectivement sur les causes profondes, les causes les plus profondes, les causes structurelles que personnellement j’appelle les nœuds gordiens, c’est-à-dire qu’est-ce qui génère l’essentiel des symptômes.
Je viens juste d’arriver dans le pays et donc je vais essayer de lire et de parler à beaucoup de gens, de voir quels sont les nœuds gordiens au niveau de la RDC. Mais intuitivement, on peut penser qu’il y en a beaucoup liés à la question foncière, beaucoup liés à la question de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles en particulier.
Donc, ces nœuds gordiens sont souvent la source de tensions, de conflits et d’insécurité, et des déficits de développement. Et donc c’est important dans les approches de tous les partenaires de trouver le bon équilibre entre le travail sur les symptômes qui comprennent la partie humanitaire, l’appui sécuritaire, etc. mais aussi le travail sur les causes structurelles. Puisque si les problèmes ne sont pas résolus, les mêmes symptômes vont continuer à réapparaitre.
Donc, ça sera la première ligne de conduite d’essayer d’amener en tout cas pour les Nations Unies, le plus possible les Nations Unies et ses partenaires nationaux et internationaux vers la question des causes.
La deuxième ligne de conduite qui sera la mienne, c’est de voir dans quelle mesure un appui très organisé, très coordonné et très systématique à certaines politiques publiques de la RDC peut faire avancer le développement, peut faire progresser certains indicateurs par rapport aux objectifs du développement durable et peut faire avancer le développement du pays.
Ici comme ailleurs, il y a beaucoup de projets, de projets dans énormément de domaines, comment faire en sorte que tous ces efforts, tous ces projets soient mis en oeuvre de manière très systématique coordonnée pour faire en sorte que des politiques publiques que ce soit autour de l’éducation, de la santé universelle, de la protection sociale, du développement économique, du PDDRC-S, etc., avancent de manière et soient financées-, [parce que] les politiques publiques sans financement ne servent pas à grand-chose-, pour faire avancer le développement du pays.
Pour ce qui est des Nations Unies, nous faisons tout ça dans ce qu’on appelle notre Plan-cadre de coopération entre Nations Unies et la République démocratique du Congo qui couvre la période 2020 – 2024.
Et finalement, ce sont ces progrès au niveau de la consolidation de la paix et du développement qui permettent d’avoir cette conversation autour de la transition graduelle et responsable de la MONUSCO, qui j’imagine est régulièrement discutée ici, avec comme prochaine étape le retrait de la MONUSCO fin juin 2022 de la province du Tanganyika. Les autorités, les partenaires provinciaux, les agences, fonds et programmes des Nations Unies, tous les partenaires basés au Tanganyika, la MONUSCO, etc. ont identifié les priorités programmatiques qui doivent continuer au-delà du retrait de la MONUSCO. Par exemple en termes d’alerte précoce, cohésion sociale, etc. Toutes ces choses que la MONUSCO a appuyées pendant des années, qu’est-ce qui doit continuer et comment les partenaires s’organisent pour que la suite soit assurée.
Donc, je suis personnellement très impliqué avec ça puisque ça fait le lien entre la MONUSCO et les agences, fonds et programmes des Nations Unies. Et donc tous les efforts sont faits pour soutenir la continuation des efforts du développement de la province de consolidation de la paix après le départ de la mission et je vous remercie.
Question 1
Séraphin Nkiere May/ Agence Congolaise de Presse : Quand on me dit aujourd’hui que le M23 est ressuscité, ça nous inquiète. Parce que plus de 20 ans de présence de la MONUSCO dans notre pays, une ville telle que la ville de Goma devrait être vraiment en sécurité. Comment expliquer que le M23 peut ressurgir à quelques kilomètres de Goma, alors que Goma constitue le siège même des efforts de la MONUSCO à l’est ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je pense que ce qu’il faut comprendre de fondamental, lorsque Mr Lemarquis a parlé de causes profondes, c’est qu’il y a effectivement dans le désarmement, la démobilisation et la réintégration des membres des groupes armés, des choses qui n’ont pas été réglées jusqu’au bout. C’est vrai pour le M23 et c’est vrai pour d’autres groupes. Il y a eu toute une politique qui a réintégré à un moment donné dans les forces armées, il y a des combattants de groupes armés à qui on a promis de soutenir la démobilisation, et ces promesses n’ont pas été suivies d’effets assez rapides. Donc effectivement, on a toujours des éléments résiduels de ces groupes armés, sur lesquels il faut travailler.
C’est pour ça que le programme de DDRCS, dont la stratégie a été validée début avril, c’est quelque chose que les Nations Unies, et la MONUSCO notamment, sont disposées, sont prêtes à soutenir. Et nous encourageons les autorités, notamment le développement de plans provinciaux, qui ciblent précisément les éléments résiduels des groupes armés et tous les combattants qui sont disposés à rendre les armes.
Question 2
Papy Okito/ Echo d’opinion (Goma) : Depuis longtemps, la Mission a toujours refusé d’entrer dans le combat avec les rebelles et au moment où ils entrent dans la danse, nous voyons qu’il y a beaucoup de morts de la part des éléments de la MONUSCO. Est-ce que c’est cette faiblesse de l’armée onusienne ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je n’ai pas entendu la fin de la question mais je pense qu’il y a toujours une incompréhension de base sur ce que l’armée onusienne, comme vous dites, vient faire. L’armée onusienne n’est pas ici en République démocratique du Congo pour se substituer à votre armée, elle est là pour soutenir votre armée, à la fois dans la logistique, la préparation et la planification des opérations.
Mais il faut bien comprendre que vous avez une armée souveraine, vous êtes dans un pays souverain, et vos forces de sécurité nationales reçoivent le soutien de la MONUSCO dans les zones où elles le souhaitent. Et nous sommes déterminés à continuer à les soutenir, nous les soutenons d’ailleurs de manière active, comme l’a dit mon collègue militaire, en ce moment contre les ADF dans certains endroits.
Nous avons été aussi régulièrement attaqués ces derniers jours par la CODECO, nos bases ont été attaquées par la CODECO quatre fois à Amee, à Jitso, à Njala et à Pangapanga, et à chaque fois nous avons réagi, à chaque fois nous sommes sortis de nos bases. Il y a d’ailleurs deux personnes qui ont été enlevées hier à Su, à côté de Roe, également en Ituri, et les casques bleus ont permis leur libération en intervenant. Mais nous ne sommes pas là, encore une fois, pour se substituer à votre armée.
Question 3
Bienvenu Bakumanya/ AFP : Ma question au Représentant spécial adjoint du Secrétaire général. Vous avez certainement la cartographie de la situation humanitaire du pays. Où se trouve la priorité des priorités, dans l’est et aussi dans la partie occidentale du pays ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident des Nations Unies en RDC [Déclaration de Bruno Lemarquis] : Comme je l’ai dit, je découvre, je suis en phase d’apprentissage. Mais quand j’ai regardé les chiffres, par exemple il y a un document qui s’appelle HNO [Humanitarian Needs Overview], quand on lance les plans de réponse humanitaire, l’acronyme en anglais. Le plan de réponse humanitaire est précédé par phase de travail sur les chiffres. C’est l’analyse.
Cette analyse, qui compile les chiffres de l’insécurité alimentaire, de la situation sanitaire, des déplacements, etc., donnait un total de personnes en besoin d’assistance humanitaire pour 2022 de 27 millions. Donc une personne sur trois, à peu près, plus au moins, dans le pays. Ces 27 millions, grosse concentration dans l’est, y compris toutes les personnes déplacées internes, mais également beaucoup de besoins humanitaires dans le reste du pays.
Par contre, la distinction qui est faite ensuite, c’est ce qui va dans le plan humanitaire pour le financement, ce sont les populations avec des vulnérabilités croisées, multiples, les personnes les plus vulnérables.
Mais par rapport à votre question, le point que je veux faire, c’est que les réponses humanitaires, l’action humanitaire est appropriée pour des besoins humanitaires qui correspondent à des chocs, à des crises, à des déplacements, à de l’insécurité, etc. Donc là, il faut très très vite avoir des réponses d’urgence.
La plupart des besoins, parmi les 27 millions, sont chroniques : c’est le manque de développement, c’est la pauvreté, c’est l’accès au marché… la majorité de la population congolaise vit sous le niveau de pauvreté, et une partie sous le niveau d’extrême pauvreté.
On ne résout pas les problèmes d’extrême pauvreté avec des réponses humanitaires. Donc les approches doivent être différenciées dans le pays. Quand il y a des poches, même dans l’ouest, quand il y a des poches de besoins humanitaires dus à une situation soudaine, là il faut de l’aide humanitaire. Sinon, il faut une approche à plus long terme, basée notamment sur le renforcement des systèmes nationaux, les partenaires nationaux, publics, société civile, etc., pour que le développement progresse.
Question 4
Roger Kakulirahi/ Radio Oasis & B-ONE (Beni) : J’ai deux petites questions. La première question est de savoir où en est-on avec l’enquête annoncée après la destruction de l’appareil de la MONUSCO à Rutshuru. La deuxième question est de savoir quel est l’apport spécifique de la MONUSCO aux opérations conjointes FARDC-UPDF dans la région de Beni. Et dans le même angle, qu’est ce qui explique une certaine faiblesse des opérations après l’implication de la MONUSCO dans lesdites opérations conjointes FARDC-UPDF à Beni ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Sur l’enquête, elle est toujours en cours, nous n’avons pas d’informations à partager à ce stade. Concernant les opérations qui ont lieu, vous avez effectivement d’un côté les FARDC qui travaillent avec l’armée ougandaise, et d’un autre côté, vous avez les FARDC qui travaillent avec nous. Nous n’avons pas de mandat pour soutenir une armée étrangère en République démocratique du Congo ; ce qui est important pour nous, c’est de coordonner les efforts.
Et nous sommes dans le cadre d’une coordination tripartite pour faire en sorte que nos efforts se complètent. Mais il n’y a pas de soutien direct de la MONUSCO à l’armée ougandaise. C’est quelque chose que notre mandat ne nous permet pas de réaliser.
Question 5
Augustin Ndarama/ Echos d’Afrique magazine (Goma) : Ma question s’adresse au major à Goma. Quand est-ce que la MONUSCO va libérer les zones de conflit armé entre les mains des FARDC, comme on a vu hier la Force Barkhane au Mali, précisément en libérant Gossi d’entre les mains de l’armée malienne ? Puisque souvent c’est le bilan que la MONUSCO nous donne, il y a eu tant de morts, tant de morts.
Et sur la question humanitaire, vous avez parlé de déplacés de guerre à l’est du pays. Mais actuellement les bailleurs de fonds et les partenaires de la RDC ont les yeux braqués sur l’Ukraine. Pensez-vous réellement que les déplacés internes et externes de la RDC vont encore bénéficier du même appui que le peuple ukrainien qui est considéré par les Nations Unies comme le peuple intouchable ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je vais commencer. Je dois avouer que je n’ai pas bien compris la libération par la MONUSCO de zones qui seraient sous la coupe de l’armée congolaise…
Je voudrais rappeler encore une fois – c’est vraiment très très important parce que c’est vraiment une incompréhension de base qui continue d’exister sur le rôle des casques bleus dans ce pays : nous sommes ici à l’invitation de votre gouvernement, avec le consentement de votre gouvernement, de vos autorités et de vos forces de sécurité nationales pour les aider à stabiliser le pays.
Nous nous sommes retirés de la plus grande partie du pays, notamment ces trois dernières années. Nous l’avons fait au Kasaï l’année dernière, nous le faisons au Tanganyika, lorsque les forces de sécurité nationales, même si elles ont encore des progrès à faire, peuvent gérer, à notre sens, leur propre souveraineté et leur population, dont elles sont les premières responsables.
Et nous continuons à travailler là où votre armée, votre gouvernement, vos autorités, nous disent : ici, il y a encore un problème pour lequel nous avons besoin d’un soutien international. Et c’est le cas au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri où nous allons concentrer tous nos efforts pour créer les conditions, en réalité, de notre départ.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident des Nations Unies en RDC [Déclaration de Bruno Lemarquis] : Donc, pour nous humanitaires, pour nous Nations Unies, une personne dans le besoin est une personne dans le besoin où qu’elle se trouve dans le monde. Donc, le plaidoyer doit être le même auprès des partenaires humanitaires, les Etats-membres, les bailleurs de fonds. Mais, on sait que ça va être très difficile cette année. Ça l’était déjà l’an dernier. En plus de grosses crises : le Yémen, la Syrie, maintenant la corne de l’Afrique où il y a une sècheresse qui n’a pas eu lieu depuis très longtemps, le niveau de sécheresse au mois d’août, l’Afghanistan et maintenant la crise en Ukraine. Donc, le plaidoyer va être extrêmement difficile. Mais une personne dans le besoin est une personne dans le besoin.
On va faire tout ce qu’on peut avec les autorités nationales pour faire ce plaidoyer pour les ressources. Néanmoins, il y a une fatigue, ce n’est pas qu’ici. Toutes ces crises prolongées entrainent de la fatigue chez les bailleurs de fonds. Donc, c’est toujours très important dans ces crises prolongées que les Etats-membres, les bailleurs de fonds, les amis de ces pays, les amis de la RDC voient que du côté national, il y a aussi des choses qui sont faites, il y a des ressources qui sont aussi investies, il y a des mesures qui sont prises, c’est la redevabilité collective.
Il y a des mesures qui sont prises en termes de protection des civils, en termes de sécurité. Par exemple, quand il y a des attaques contre des humanitaires, qu’on sente que les mesures sont prises, vous voyez qu’il y a un suivi etc… pour que cela renforce la confiance des bailleurs de fonds vis-à-vis du pays. Comme on dit, il faut être deux pour danser le tango, la rumba. Plus il y a d’efforts au niveau national et plus c’est facile de faire le plaidoyer au niveau international.
Question 6
Samy Shamamba/ Congo 26 (Goma) : Je voulais toutefois revenir sur la question du chapitre 7 des Nations Unies. A quand cette applicabilité parce que la persistance de l’insécurité existe ? Je pense que depuis que vous êtes là, vous n’avez jamais appliqué cela. Est-ce que cela sera un jour appliqué ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Vous avez tout à fait le droit d’avoir une opinion sur ce qui a été appliqué ou pas. Mais, nous sommes clairement sous le chapitre 7 et nous réagissons du mieux qu’on peut. En tout cas, c’est notre devoir. Peut-être parfois cela ne s’est pas produit. Mais c’est notre devoir, c’est notre responsabilité d’intervenir quand il y a des menaces directes sur une population civile. C’est ce que nous faisons, c’est ce que nous essayons de faire au mieux, sachant encore une fois que nous travaillons dans des zones où la présence de l’autorité de l’Etat est extrêmement faible, les infrastructures sont extrêmement faibles.
Donc, il arrive effectivement qu’on arrive trop tard. Mais nous continuons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour être les plus agiles possible. Et nous intervenons de manière robuste aux côtés de votre armée et nous entrons en confrontation directe avec des groupes armés. C’est ce que je disais tout à l’heure avec la CODECO. C’est également avec les ADF.
Vous savez, nous avons perdu un casque bleu il y a deux semaines. Nous avons en tout 400 personnes, 400 membres du personnel qui sont morts au Congo au service de la paix. Et donc, je pense que s’il doit y avoir une preuve du fait que nous sommes effectivement engagés de manière résolue et active contre les groupes armés en faveur de la protection de la population, c’est ce chiffre terrible qui fait de la République démocratique du Congo un des pays où le plus des casques bleus sont morts.