Transcription de la conférence de presse ONE UN du 3 novembre 2021
La conférence de presse de ce jour reçoit M. David McLachlan Karr, Représentant spécial adjoint du Secrétaire Général, Coordonnateur résident et humanitaire
La conférence de presse des Nations Unies était animée à partir de Kinshasa par Mathias Gillmann, porte-parole de la MONUSCO et coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Avec nous depuis Goma : le porte-parole militaire de la Mission ; et à mes côtés ici à Kinshasa, David McLachlan-Karr, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident des Nations Unies. Nous sommes également connectés avec nos bureaux à Bunia et à Beni.
Mais d’abord parlons un peu de Bukavu, où cette nuit, des tirs ont été entendus dans la ville. Selon les premières informations, des hommes armés auraient attaqué des positions des forces de sécurité, y compris l’armurerie située dans les quartiers industriels de la ville. La MONUSCO suit de près la situation, la Police des Nations Unies et la Force restent en état d’alerte et en contact étroit avec les autorités provinciales.
Des patrouilles de longue portée ont été lancées sur les principaux axes en périphérie de la ville, notamment dans la direction de Walungu, Kavumu et Nya-Ngezi.
Je voulais également vous signaler que Bintou Keita, la Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Cheffe de la MONUSCO, est à Nairobi, Kenya, aujourd’hui pour le troisième débat de haut-niveau autour de l’initiative de l’Union africaine « Faire taire les armes en Afrique », ou « Silencing the guns in Africa » en anglais. Ce débat réunit des représentants de la Commission de l’Union africaine, des hauts représentants des Etats membres ainsi que de la société civile, femmes et jeunes, qui échangeront sur les différentes menaces à la paix et à la sécurité en Afrique, notamment dans la zone du Lac Tchad, au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et bien évidemment dans la région des Grands Lacs.
L’initiative « Faire taire les armes en Afrique » est une initiative emblématique de l’Agenda 2063 de l’Union africaine pour un continent libéré du conflit et un renforcement de la gouvernance. Le débat de haut-niveau qui a lieu aujourd’hui et demain vise à incorporer des propositions pour la période 2021-2030 en faveur de la paix en Afrique.
Et évidemment les événements de Bukavu cette nuit rappellent la nécessité impérieuse de faire taire les armes sur le continent et au Congo en particulier.
En Ituri, la MONUSCO poursuit ses efforts pour réduire la violence communautaire dans la province de l’Ituri. Le 28 octobre 2021 à Bunia, sa Section des Affaires civiles, a rencontré les chefs traditionnels des chefferies Walendu-Pitsi et Walendu-Djati dans le territoire de Djugu.
La semaine précédente, la Mission avait organisé une rencontre des représentants de la chefferie de Banyali-Tchabi sur les tensions intercommunautaires dans la région et les pistes de solution en vue du retour dans leurs communautés respectives des populations ayant fui les violences.
En Ituri également, cinq mineurs ont été identifiés parmi 103 candidats au recrutement des FARDC à l’état-major de l’armée à Bunia le 27 octobre dernier. Ces mineurs ont été extraits de la liste de ceux qui doivent être soumis à la formation militaire. Ce screening a été réalisé grâce à l’appui de la section de la Protection de l’enfant de la MONUSCO et d’autres partenaires. Les mineurs ont été mis à la disposition de partenaires, justement, pour leur réinsertion familiale. Cette action de la MONUSCO rentre dans le cadre de la collaboration que nous avons avec l’armée pour la mise en œuvre du plan d’action du gouvernement de la RD Congo signé le 4 octobre 2012 qui visait justement à lutter et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées et les services de sécurité nationale. La section Protection de l’enfant de la MONUSCO en a profité pour sensibiliser les 103 recrues aux normes et lois de protection de l’enfant.
Au Nord-Kivu, à partir de ce mercredi 3 novembre et jusqu’au 15 novembre 2021, la section des Affaires civiles effectue une mission en chefferie de Bwito en vue d’appuyer la gouvernance participative de la sécurité, particulièrement dans les entités de Mutanda, Kibirizi et Kihondo dans le territoire de Rutshuru. Il s’agira de contribuer aux efforts des autorités de la chefferie de Bwito et d’adopter une approche participative dans la gestion des questions sécuritaires et la restauration de l’autorité de l’Etat à l’échelle des groupements.
Je donne maintenant la parole à mon collègue porte-parole militaire pour un point de la situation. C’est à vous.
Bureau du porte-parole militaire [Major Mohamed Ouhmmi] : Merci Mathias, bonjour à tout le monde, je salue également nos auditeurs sur Radio Okapi. En ce qui concerne les trois dernières semaines, la Force a continué d'effectuer des patrouilles jour/nuit, des patrouilles et des missions de longue distance, des patrouilles conjointes, des escortes, des travaux de génie et des reconnaissances aériennes. La actions de la Force sont toujours rivées à l'application et au soutien du Mandat, à la protection des civils, à l'appui aux institutions de la RDC, en particulier aux forces de sécurité locales, pour lutter contre toute menace contre la population.
La Force a utilisé ses ressources de génie pour participer à divers projets de soutien à la population, en étroite collaboration avec le gouvernement local, comme la réhabilitation de la route RN 4 dans la province de l'Ituri. En outre, la Force continue de coopérer avec les forces de sécurité locales, les autorités locales et d'autres parties prenantes pour escorter les convois civils. Il s'agit d’une mesure immédiate contre les atrocités des groupes armés le long de la route. Ces activités garantissent que la sécurité des zones est renforcée tout en affichant la détermination et l'engagement de la MONUSCO envers le peuple de la RDC et le mandat de l'ONU.
Sur le plan opérationnel, la Force continue de répondre avec fermeté à toute violation et tentative de nuire à la population. La réponse à de tels agissements est essentielle pour assurer la protection des civils, éviter la perte de vies et conduire à la réalisation d'activités sociales et économiques quotidiennes par la population locale.
Au Sud Kivu : Pour faciliter le retour sûr et sécurisé des personnes déplacées de Baraka, la Force de la MONUSCO a établi une base opérationnelle temporaire à Bibokoboko. Les casques bleus fournissent une assistance humanitaire continue aux déplacés internes et luttent pour la paix en RDC. Le camp assure un environnement plus sûr à la population de Baraka.
En Ituri et Beni : La Force de la MONUSCO, en coordination avec les partenaires de sécurité du gouvernement, continue de mener des missions d'escorte des convois de véhicules civils. Les escortes sont une mesure immédiate pour dissuader les attaques contre des civils innocents, assurer un approvisionnement fiable de la population et permettre aux habitants de faire des affaires.
En Ituri : La Force de la MONUSCO, avec l'appui du génie militaire des FARDC, réhabilite le tronçon routier de 35 km entre Komanda-Idohu-Luna le long de la RN 4 en appui aux opérations et assure la mobilité des personnes et des fournitures à Irumu. Les travaux ont amélioré la protection des civils et permis le transport sûr des civils et des produits essentiels.
Les troupes de la Force continuent d'organiser divers événements dans leurs domaines de responsabilité, notamment la sensibilisation à la Journée des Nations Unies, la sensibilisation au COVID-19 et à Ebola, la tenue de campagnes médicales et la distribution d'eau, entre autres. Ces activités offrent aussi l’occasion de sensibiliser et de comprendre les divers problèmes affectant la communauté et de mobiliser le soutien pour l'action et leur autonomisation économique. Ainsi prend fin mon intervention. Je demeure à votre disposition pour d’éventuelles questions. Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup Mohammed. Avant de donner la parole à David McLachlan-Karr, je voulais vous signaler que le président Félix Tshisekedi et le premier ministre Boris Johnson du Royaume-Uni, au nom de l'Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), ont approuvé hier un ambitieux accord décennal (2021-31) visant à protéger la forêt tropicale du bassin du Congo - la deuxième plus grande forêt du monde. Comme vous le savez, la RDC perd près d’un demi-million d’hectares de forêt chaque année.
L'accord permettra de débloquer des investissements multi bailleurs sur le terrain totalisant 500 millions de dollars américains au cours des cinq premières années.
L'Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) est un fonds fiduciaire des Nations Unies et une plateforme de dialogue politique qui vise à aider six pays d’Afrique centrale, dont évidemment la RDC, à suivre une voie de développement à faibles émissions qui assure la croissance économique et la réduction de la pauvreté tout en protégeant la forêt et les ressources naturelles dont les populations dépendent.
Enfin, je voulais juste vous signaler qu’il y a une délégation composée de 11 femmes leaders, accompagnée par ONU Femmes, vient de conclure une mission d’une semaine à Bunia.
Les organisations féminines de la société civile en Ituri sont nombreuses et très actives sur le terrain, mais elles peinent parfois à faire entendre les voix des femmes dans les instances de décision et au-delà de la province. Pour renforcer les mouvements féminins, cette mission facilite la mise en place d’une coordination conjointe des activités promouvant la participation des femmes dans la société.
Une mission similaire a déjà eu lieu au Sankuru et d’autres sont prévues au Tanganyika, au Kongo Central et au Lualaba pour lancer les chapitres locaux des réseaux d’organisations de femmes dans ces provinces. Ces missions sont toutes réalisées avec le soutien apprécié de la Suède.
Je donne maintenant la parole au Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident, M. David McLachlan-Karr
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup Mathias, bonjour à toutes et à tous, et notamment aux auditeurs de Radio Okapi qui nous suivent en direct. Je suis heureux d’échanger avec vous sur l’actualité humanitaire en République démocratique du Congo et sur les questions de transition de la MONUSCO.
Sur la situation humanitaire, au moment où je vous parle, la République démocratique du Congo et ses partenaires humanitaires sont à pied d’œuvre afin de mettre fin à la 13ème épidémie de la maladie à virus Ebola qui a été déclarée à Beni par les autorités congolaises le 8 octobre dernier. A ce jour, le pays a enregistré huit cas confirmés, dont six décès. Un total de 418 personnes a été vaccinées et les suivis des contacts se poursuivent.
Les agences humanitaires ont déployé des équipes à Beni et ses environs, en appui aux autorités congolaises, et nous espérons que cette résurgence de l’épidémie sera de très courte durée.
J’aimerais soulever un point capital pour nous. Nous abordons cette épidémie avec le bénéfice des leçons tirées des épisodes précédents, notamment sur la question de la prévention contre les abus et l’exploitation sexuels. Vous avez tous suivi les conclusions de la commission d’enquête indépendante mise en place par l’OMS pour enquêter sur ceux et celles qui auraient failli à leur mandat en tant que travailleurs humanitaires. La prévention de ces abus sexuels est capitale et toute aussi importante que la réponse médicale elle-même. En tant que Coordonnateur humanitaire, avec l’implication des agences humanitaires, j’accorde la plus haute importance à la politique de « Tolérance Zéro » à cet égard.
Actuellement, 5,7 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, un chiffre qui surpasse la population de certains pays. Plus de 60% de ces personnes se trouvent au Nord Kivu (1,9 million) et en Ituri (1,7 million). Ces deux provinces sont une grande source d’inquiétude, et mobilisent donc notre attention.
Nous sommes également inquiets de la situation alimentaire dans la région du Kasaï [Kasaï- Kasaï Central – Kasaï Oriental – Sankuru- Lomami] où les dernières statistiques montrent que près de 7,3 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aigüe, soit 29% des 27,3 millions de personnes à travers toute la RDC. Sachant que les enfants sont souvent les plus touchés, on doit s’en inquiéter. Je reviens d’ailleurs d’une mission au Kasaï et au Kasaï Central, la semaine dernière, avec quelques Ambassadeurs du Groupe de Coordination des partenaires, pour apprécier la mise en œuvre de notre travail dans le Kasaï après le départ de la MONUSCO le 30 juin de cette année. On a adopté l’approche Nexus qui consiste à conjuguer l’action humanitaire, l’aide au développement et la consolidation de la paix – par les acteurs de terrain (les autorités provinciales, les ONG, les Nations Unies, et la société civile).
Toujours concernant la situation humanitaire, je suis allé à Genève début octobre pour rappeler à nos donateurs et au monde entier que la RDC demeure une des crises humanitaires les plus longues et complexes au monde et porter la voix des millions de Congolais qui ont toujours besoin d’assistance humanitaire.
Malgré cette situation difficile, c’était aussi l’occasion de présenter nos réussites car tous les jours les partenaires humanitaires, dans des conditions parfois extrêmement dangereuses, continuent d’apporter leur soutien aux populations affectées.
Durant le premier semestre de cette année, plus de 4 millions de personnes ont reçu de l’aide en eau potable, nourriture, soins de santé, services d’hygiène et d’assainissement et appui à l’agriculture. A travers le pays, ce sont des centaines de tonnes de nourriture qui ont été distribuées aux familles déplacées ; des milliers d’enfants à qui nous avons pu fournir des cours d’éducation d’urgence.
Malgré ces réalisations, j’ai néanmoins alerté sur la faiblesse du niveau de financement de notre Plan de réponse humanitaire. Aujourd’hui le 3 novembre, nous sommes à deux mois de la fin de l’année, cependant nous n’avons reçu que 33% du montant sollicité cette année pour la réponse humanitaire, soit de quoi couvrir seulement un tiers des besoins identifiés. Cette faiblesse financière a eu un impact sur nos capacités à fournir de l’aide aux personnes dans le besoin.
Malgré cela, la communauté humanitaire est mobilisée et continuera de se mobiliser au service des personnes les plus vulnérables dans toute la RDC.
Je vais passer maintenant à quelques points sur la Transition de la MONUSCO au Tanganyika :
La mission continue à s’investir dans le maintien de la paix et la protection des civils dans l’est de pays et pour cette raison dans les derniers mois la mission a renforcé sa présence dans les différentes provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et même au Tanganyika.
Simultanément la MONUSCO continue ses efforts de stabilisation.
Le départ de la MONUSCO du Kasaï en juin 2021 précède le départ prévu du Tanganyika avant le 30 juin 2022 et s’inscrit dans le processus transition adopté par la mission selon la demande du Conseil de sécurité des Nations Unies dans sa dernière résolution 2256 de décembre 2020.
La transition est un processus inclusif avec le gouvernement de la RDC et l’équipe de pays des Nations Unies. Un plan de transition avec 18 jalons et indicateurs spécifiques qui couvrent les conditions minimales pour le retrait de la MONUSCO et les actions prioritaires en collaboration avec les Agences, fonds et programmes des Nations Unies a été élaboré conjointement.
Ce plan de transition a été signé entre la Représentante spéciale, Mme Bintou Keita, et Son Excellence Monsieur le Premier ministre de la RDC le 15 septembre et adopté par le Conseil de sécurité le 5 octobre 2021, et vous avez tous pu le voir dans le dernier rapport du Secrétaire général, Antonio Guterres.
J’ai effectué plusieurs missions dans le Tanganyika, dont la dernière début octobre avec le PNUD et OCHA, le Bureau de coordination des affaires humanitaires.
Je souhaite le rappeler encore : le départ de la MONUSCO du Tanganyika n’est pas du tout le départ des Nations Unies et nous travaillons ensemble à mettre en place les conditions de mise en œuvre de l'approche Nexus et de renforcer notre présence et notre programmation dans la province. D’ailleurs, au cours de cette visite, le représentant résident du PNUD a annoncé l’ouverture prochaine d’un bureau du PNUD à Kalemie, qui se concentrera sur l’appui à la réforme de la justice, le soutien à la police et à la sécurité civile et les programmes de bonne gouvernance dans la province.
Cela nous a également permis de faire un point sur les activités financées par le Fonds de consolidation de la paix (Peacebuilding Fund ou PBF).
Actuellement dans le Tanganyika, il y a trois projets conjoints qui sont financés par le PBF et mis en œuvre par plusieurs agences des Nations Unies et qui portent sur : Solutions durables pour la cohabitation pacifique entre les communautés Twa et Bantoue, la mise en œuvre va être assurée par le HCR, UNFPA et la FAO; un Appui aux ex-combattants et communautés dans le cadre des démobilisations spontanées par des initiatives de réinsertion socio-économique et de justice transitionnelle en RDC (SSKAT) ; et finalement, promouvoir la participation des femmes à la consolidation de la paix grâce aux paillottes de paix qui va être exécutée par une ONG nationale Fund for Congolese Women (FFC).
Finalement, je tiens également à vous informer que les hauts responsables de la mission, accompagnés de plusieurs chefs d'agences du système des Nations Unies, vont se rendre prochainement dans la province pour évaluer la mise en œuvre de ce programme mais aussi pour préparer le départ de la MONUSCO avant le 30 juin de l’année prochaine. Merci beaucoup de votre attention.
Question 1
Samuel Habiba/ Grands Lacs news (Goma) : Avec l’apparition de Ebola à Beni, je ne sais pas comment vous allez déployer les équipes avec les dossiers des abus sexuels avec les agents de l’OMS. Je ne sais pas si vous allez encore envoyer ces mêmes gens ou soit, vous allez un peu muscler les équipes ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup pour cette question très pertinente pour la riposte à la 13e flambée d’Ebola à Beni. Oui, nous avons déployé plusieurs équipes sur le terrain. Bien sûr, moi j’étais là avec les équipes il y a deux semaines. J’ai insisté sur le fait qu’on a cette politique de « Tolérance absolument zéro » pour les abus et exploitation sexuels dans nos opérations pour aider la population à faire face à cette nouvelle flambée. Nous avons des instruments de surveillance sur place à Beni pour accompagner les équipes sur le terrain.
Nous avons aussi des cours de sensibilisation pour les équipes et pour les communautés hôtes pour prévenir une récurrence de ce problème dans cette riposte.
J’ai insisté : on a financé un plan stratégique pour prévenir l’exploitation et abus sexuels avec 1,5 millions de dollars et on a recruté des agents de surveillance qui sont déjà sur place à Beni et dans les alentours de Beni, dans les zones affectées. On va faire tout ce qui est possible, bien sûr, pour stopper la récurrence de ce problème.
Question 2
Roger Marley Lukunga/Elima News : Monsieur McLachlan-Karr, la République démocratique du Congo regorge d’une crise humanitaire la plus longue dans le monde. C’est à ce constat que vous êtes arrivés tous à Genève. Cependant, 33 % seulement de financement ont pu être glanés. Qu’est-ce qui empêche que ce financement soit maximal, qu’il atteigne un degré plus élevé, y a-t-il un désintéressement ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident [David McLachlan-Karr] : Merci aussi pour une excellente question. Oui, on est financé à à peu près 33% des deux milliards de dollars que nous avons demandés pour cette année, dans le plan de réponse humanitaire. Ça affecte, bien sûr, et empêche notre travail, parce que les ressources sont très maigres pour la riposte humanitaire, et surtout pour un pays de la taille de la RDC, qui est vraiment un continent, qui est énorme.
Ce que nous devons faire, c’est focaliser nos efforts sur les populations les plus vulnérables. On a identifié quelques zones dans le pays où on va renforcer notre présence et nos efforts : surtout dans les Kasaï, et bien sûr dans les trois provinces de l’est du pays où il y a une crise, un conflit actif. Dans cette zone, il y a toujours 5,5 millions de personnes déplacées, la plupart dans l’est du pays, qui ont fui les conflits actifs, et nous allons concentrer nos efforts pour aider ces populations parce que ce sont les populations les plus vulnérables dans le pays. Ça, c’est notre priorité.
Malheureusement, cela va affecter les programmes d’éducation, de santé, dans les autres provinces. Mais nous devons focaliser, localiser nos efforts sur les plus vulnérables dans le pays. Et ça, c’est l’effet net de ce problème de manque de financement pour cette année.
Il y a plusieurs raisons pour ça : le COVID-19, d’autres crises humanitaires dans le monde… mais on va continuer, avec le gouvernement bien sûr, d’insister auprès des bailleurs de fonds, et continuer l’assistance ici en RDC. Merci.
Question 3
Nephtalie Bwamutala/ RTGA : Moi je reviens à la situation qui a prévalu, ou qui prévaut présentement dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu. La MONUSCO est partenaire des FARDC : est-ce qu’on peut savoir l’identité exacte des rebelles qui sont sur place à Bukavu ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci pour la question. Je ne pense pas qu’il y ait une grande clarté, y compris auprès des autorités locales sur qui, ou quel groupe, est responsable pour la situation actuelle. Nous sommes en contact avec les autorités provinciales, le Gouverneur a annoncé, je pense, une communication en début d’après-midi.
Nous allons évidemment étudier, essayer de comprendre comment ces incidents ont pu se dérouler. Nous sommes effectivement des partenaires, les FARDC se sont déployés au sein de la ville, et comme je l’ai dit, nous, en coordination avec les autorités provinciales et les forces de sécurité nationales, nous avons lancé des patrouilles de longue portée sur les trois principales routes qui mènent vers Bukavu, donc en direction de Walungu, de Nya-Ngezi et de Kavumu, pour justement venir en soutien aux FARDC.
Mais quant à l’évaluation exactement de ce qui s’est passé, je pense que les autorités provinciales et les forces de sécurité nationales y travaillent avec nous, et communiqueront dès qu’elles auront des informations plus précises.
Question 4
Sharif Bitum/ Radio Canal Révélation (Bunia) : J’aimerais savoir pourquoi il y a toujours des suspicions à chaque fois qu’il y a mouvement - ça, c’est la question qui s’adresse au porte-parole militaire, bien sûr -, à chaque fois qu’il y a un mouvement de véhicule ou hélicoptère de la MONUSCO, la population n’arrive pas à comprendre. On dit toujours « peut-être ils partent renforcer des groupes armés ». Je ne sais pas si vous avez une lecture à faire quant à ça pour nous éclaircir.
Bureau du porte-parole militaire [Major Mohamed Ouhmmi] : Le déplacement des casques bleus, soit par voie terrestre ou aérienne, c’est pour d’abord dissuader les groupes armés qui sont aux alentours ou dans la zone. Deuxièmement, c’est pour répondre à une alerte ou bien à une attaque imminente, une incursion, ou quelque chose comme ça.
Donc ce n’est pas, comme vous le dites, pour le soutien des groupes armés. Je ne sais pas pourquoi ce sentiment est là. Nos forces sont toujours là pour combattre ces groupes armés, les dissuader et prévenir leurs attaques et leurs incursions. Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : J’ajouterais que lorsque les populations sont victimes de violences depuis de longues années, comme c’est le cas dans l’Ituri et dans le Nord-Kivu, il y a un problème de confiance général avec parfois les autorités centrales du Congo, parfois avec nous évidemment, étant des militaires étrangers. Et c’est une confiance, un travail de rétablissement de la confiance, que nous faisons, avec les partenaires.
Nous essayons de rencontrer le plus souvent possible les communautés, justement pour qu’il y ait une grande clarté. Et j’ajouterais que la confusion est entretenue par des gens, les fameux tireurs de ficelles dont on parle souvent, qui ont intérêt à ce que cette insécurité se perpétue pour pouvoir continuer à perpétrer leurs trafics et à exister dans les zones où ils ont un pouvoir indu.
C’est effectivement un problème de confiance sur lequel nous, nous continuons à travailler, sur lequel les FARDC aussi continuent de travailler, la PNC, les autorités provinciales. Il faut extrêmement bien clarifier que les groupes armés sont nos ennemis, y compris ceux de la MONUSCO. Je vous rappelle que nous sommes aussi victimes d’attaques et que nous enregistrons aussi des morts.
Il est absolument clair et irréfutable que nous travaillons contre les groupes armés, et absolument pas dans leur intérêt.
Question 5
Lionel Ipakala/ Univers Groupe Télévision : Le gouvernement, par l’Assemblée nationale, vient de proroger pour la onzième fois l’état de siège dans les deux provinces – nous citons l’Ituri et le Nord-Kivu. C’est un état de siège qui a été prorogé sans les élus de ces deux provinces, qui exigent une évaluation avant une autre prorogation. Alors je voudrais savoir quelle est la lecture de la MONUSCO par rapport à cette situation, le Parlement qui proroge et les élus de ces deux provinces qui sont contre les prorogations faites par le Parlement congolais ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je vous répondrais ce qu’on a déjà répondu sur ce sujet depuis l’instauration de l’état de siège. La MONUSCO n’est pas associée à la décision de proroger ou pas l’état de siège. C’est une décision qui est purement souveraine.
S’il y a des inquiétudes qui s’expriment au Parlement, elles doivent être adressées par les autorités souveraines de ce pays. Nous, qu’il y ait état de siège ou qu’il n’y ait pas état de siège, nous avons le même mandat qui est de soutenir les FARDC, de soutenir la police, et de soutenir plus largement l’autorité de l’Etat.
Ces problèmes, ces inquiétudes qui peuvent se manifester au sein du Parlement, c’est au Parlement lui-même d’y trouver des solutions.
Question 6
Sébastien Kitsa/ Afrik Images (Beni) : Ma question s’adresse au Coordonnateur humanitaire. Y aura-t-il des procès des humanitaires qui ont commis des actes d’abus et d’exploitation sexuels lors de la dixième épidémie à Beni, et quels sont les mécanismes pratiques que nous avez adoptés pour ne pas encore tomber sur le même problème que nous avons eu lors de la dixième épidémie ? Les mécanismes que vous avez adoptés pour que les humanitaires ne tombent plus dans l’exploitation et l’abus sexuel dans l’épidémie qui est en cours dans la région de Beni ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup pour cette question. On a eu plusieurs investigations mais les investigations sont toujours en cours. Il y a la Commission indépendante de l’OMS qui vient de publier son rapport – c’était un rapport avec la participation de Julienne Lusenge, une personnalité nationale, et le rapport a été remis aussi au gouvernement congolais pour son information.
Nous allons maintenant avec l’OMS faire des poursuites pour les personnes qui sont accusées d’avoir exploité des Congolais dans la riposte. Tous les cas qui sont corroborés seront punis. On a renvoyé plusieurs agents de l’OMS déjà.
Bien sûr, plusieurs des cas concernent des collaborateurs nationaux, qui sont impliqués aussi dans l’exploitation sexuelle, et les abus, et leurs noms seront remis aussi au ministère de la Justice de la République démocratique du Congo, aussi pour des investigations.
Comme je l’ai mentionné plusieurs fois, moi personnellement, la Mission et le système des Nations Unies, nous avons une tolérance zéro. On va faire des investigations crédibles et on va punir les personnes responsables.
Question 7
Gaston Mbuyi/ Bomoko Media : Est-ce qu’il y a une différence, ou bien une amélioration, depuis l’instauration de l’état de siège dans les provinces de la partie Est de la République démocratique du Congo, quand on sait qu’il y a des députés nationaux de cette partie qui estiment que l’état de siège ne sert à rien, comme l’a dit mon confrère ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Nous, il nous semble clair qu’il y a des efforts, une pression qui est mise par vos forces de sécurité nationales sur les groupes armés les plus actifs et les plus dangereux que sont les ADF, notamment, et les CODECO.
Donc il y a un effort important qui est fait par les FARDC. Il y a des opérations, des activités conjointes que nous faisons avec eux, ce qui n’était pas le cas il y a encore un an, et que nous faisons avec eux pour maintenir la pression la plus vigoureuse possible sur les groupes armés.
Les chiffres ne sont pas bons – on l’a déjà dit, il y a effectivement un nombre de victimes civiles qui est très important, et qui malheureusement correspond à un cercle vicieux de violence : c’est-à-dire que plus les FARDC attaquent ces groupes armés, plus ces groupes armés se vengent, font des actes de représailles contre les populations civiles.
Nous considérons que l’offensive qui a été décidée par votre gouvernement, par votre Président et par votre armée, doit être soutenue autant que possible par la Mission, et nous allons continuer à le faire car c’est le mandat que nous a donné le Conseil de sécurité, c’est ce que nous demandent vos autorités.
Question 8
Geneviève Mizegele/ Journal Bonne Gouvernance : Ma question porte toujours sur l’état de siège car cela nous préoccupe. Apparemment, l’état de siège ne donne pas toujours les résultats escomptés et sur le terrain, on voit toujours des massacres, des pillages et d’autres tueries qui se multiplient. Alors je voulais savoir quel est l’apport de la MONUSCO en termes de logistique au sol pour la réussite de cet état de siège. Et ma deuxième question est de savoir : la MONUSCO qui dispose d’hélicoptères et de drones armés qui circulent, qui survolent et qui patrouillent régulièrement les régions en conflit. Pourquoi ne les utilisez-vous pas pour neutraliser ces bastions bien identifiés des groupes armés ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Ce que je voudrais clarifier ici, c’est qu’on utilise tous nos moyens logistiques. Si je prends un exemple juste de ce weekend, nos hélicoptères ont évacué des soldats congolais, qui ont été blessés, vers l’hôpital de Kilo, dans le territoire de Djugu. Nos drones sont également utilisés pour récolter des informations qui sont ensuite partagées avec les FARDC. Donc l’idée qu’on ne participe aux opérations est fausse : nos moyens sont mis à disposition des FARDC pour identifier où nos opérations sont le plus nécessaires et pour identifier comment elles peuvent être le plus efficaces possible.
Est-ce qu’il y a encore du travail à faire pour que justement, on partage mieux nos informations collectées par les drones et eux, les informations qu’ils ont parce qu’ils sont encore plus au contact de la population que nous ? C’est certain, on a encore du travail à faire.
C’est d’ailleurs pour ça que je vous dis que nous sommes bien conscients que les chiffres, au niveau des victimes civiles, ne sont pas bons. Il y a une pression vigoureuse qui est mise sur les groupes armés, et c’est vrai qu’un des effets pervers de cette pression vigoureuse, c’est que les populations civiles sont prises encore plus pour cibles par les groupes armés.
Mais il faut continuer à mettre la pression sur les groupes armés, à les disperser et à les neutraliser : c’est le sens des opérations qui, encore une fois, ont été décidées par votre gouvernement, par vos autorités et votre armée, et que nous soutenons de manière déterminée, autant qu’on peut avec tous les moyens qu’on a.
Question 9
Papy Okito/ Echos d’opinions (Goma) : Monsieur le Coordonnateur, apparemment vous choisissez les provinces pour venir en aide. Au niveau du Kasaï par exemple, aujourd’hui, les populations meurent de faim mais il n’y a pas de l’engouement des humanitaires au Kasaï. Il y a des provinces où vous êtes inexistants. Mais vous êtes plus au Nord- Kivu, à Bukavu alors que là au centre ça ne va pas. Il y a des cris d’alarmes chaque jour. Pourquoi cette indifférence ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur humanitaire et Coordonnateur résident [David McLachlan-Karr] : Merci pour la question. Mais ce n’est pas du tout vrai. On a renforcé notre présence et surtout pour un appui dans le secteur agricole dans le Kasaï. On finance maintenant un programme très important avec le PAM et la FAO pour livrer les semences, les outils et pour donner l’accès à la terre à la population, pour renforcer le secteur agricole et lutter contre ce problème, ce fléau d’insécurité alimentaire dans le Grand Kasaï. On le fait plus que jamais dans ce secteur dans le Kasaï. Alors je ne comprends pas exactement la question. J’étais là la semaine dernière, on a visité avec 5 ambassadeurs les programmes pour un appui dans le secteur agricole et ça [donne] déjà des bons résultats.
Question 10
Venant Vudisa/ RTNC : Ça parait un peu caduque mais souffrez qu’on y revienne. Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies venait de séjourner dans notre pays. Mais à l’issue de sa visite, aucune déclaration n’a été faite à l’attention de la presse. Peut-on savoir à quelle conclusion est-il arrivé après sa visite en RDC ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Il n’a pas fait aucune déclaration, je pense qu’il a parlé à la presse au gouvernorat de Goma. Il a parlé à la presse après sa rencontre avec le président ici à Kinshasa. C’est vrai que les contingences logistiques ont fait qu’on n’a pas pu organiser une conférence de presse ici. Mais à chaque fois il a parlé à la presse à Goma, au Tanganyika, il a également échangé avec certains journalistes à Beni.
Ce sont des visites qu’il fait de manière annuelle en tant que chef de la Mission et qui pour lui a été l’occasion d’aborder justement toutes les questions que vous m’avez posé aujourd’hui sur le soutien à l’état de siège, parler avec nos partenaires militaires sur comment on peut mieux travailler dans l’échange d’informations, comment on peut mieux se compléter les efforts des FARDC.
Une des faiblesses qui a été identifiée, c’est que les FARDC, en général, sont efficaces dans leurs opérations pour avancer et chasser les ennemis mais qu’ensuite, ils ont du mal à garder les positions qui ont été libérées et du coup à protéger les populations où les opérations ont eu lieu d’attaques de représailles. Et c’est quelque chose sur lequel on va travailler avec eux pour voir comment nous, on peut mieux compléter ces efforts et apporter notre soutien de ce point de vue-là. Il y a aussi le travail sur le partage d’informations qu’il faut faire entre tout ce qu’on peut recueillir auprès des communautés et tout ce qu’on peut retenir avec des techniques plus modernes, on va dire.
Il faut que les renseignements que nous avons et qu’eux ont nous aident à mieux planifier et à mieux bâtir des stratégies qui seront plus efficaces pour protéger et prévenir les attaques. Mais encore une fois je voudrais insister, il y a effectivement des attaques meurtrières qui se poursuivent et sur lesquelles on doit continuer à travailler mais il y a aussi beaucoup d’attaques qui sont prévenues, à la fois par les FARDC et par notre présence, et il y a aussi tous les efforts qui sont faits pour assurer la circulation sur les routes nationales qui nourrissent Bunia et Beni. Et il y a tout un effort qui est fait sur certaines zones où la situation s’améliore et d’autres où effectivement la situation continue d’être extrêmement préoccupante mais sur laquelle nous allons rester mobilisés avec l’armée congolaise.
Et c’est tout le temps dont nous disposons aujourd’hui, merci beaucoup, nous nous revoyons dans deux semaines. Merci de votre présence et merci aux collègues aussi à Bunia, Beni et Goma. Bonne fin d’après-midi.