Transcription de la conférence de presse ONE UN du 19 mai 2021
La conférence de presse de ce jour reçoit David McLachlan-Karr, Coordonnateur humanitaire, comme invité spécial
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général en RDC, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies, David McLachlan-Karr. Nous sommes également connectés avec mes collègues militaires et des journalistes à Goma, Beni et Bunia.
La Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, condamne fermement l’attaque la semaine dernière contre la base temporaire de la MONUSCO à Kilya, au Nord-Kivu, dans laquelle une Casque bleue du Malawi a été tuée. La Représentante spéciale rend hommage à la caporale Chitenji Kamanga, dont le corps a été rapatrié ce weekend. Elle présente ses plus sincères condoléances à ses proches, à ses compagnons d’armes et aux autorités du Malawi.
Le Secrétaire général des Nations Unies, a lui aussi condamné cette attaque et rappelé que les attaques contre les Casques bleus des Nations Unies peuvent constituer un crime de guerre. Il appelle les autorités congolaises à enquêter sur cet incident et à traduire rapidement les responsables en justice.
Bintou Keita était à Goma la semaine dernière, où elle a rencontré notamment les nouvelles autorités provinciales. Au menu des discussions : la mise en œuvre de l’état de siège. La Représentante spéciale a souligné la disponibilité de la MONUSCO pour soutenir les efforts des autorités congolaises, en particulier ceux des forces de sécurité nationales.
Elle s’est également rendue à Saké pour rencontrer des femmes et des jeunes engagés dans la réconciliation communautaire et la promotion d’une culture de paix, ainsi que le Baraza intercommunautaire du Nord-Kivu.
La semaine dernière également, du 7 au 15 mai, la section des Affaires civiles de la MONUSCO-Goma a organisé conjointement avec le Baraza intercommunautaire et le conseiller du gouverneur du Nord-Kivu des consultations communautaires dans le centre de Masisi et à Nyabiondo (situé à 16 km au nord-ouest de Masisi) au profit de 112 personnes dont 32 femmes.
Au centre des échanges : la promotion de la cohabitation pacifique et le renforcement de la collaboration entre les populations locales et les autorités administratives et les forces de sécurité.
Du 11 au 13 mai, la section Appui à la justice du bureau terrain de Goma a effectué une mission conjointe à Rutshuru en compagnie de l’Avocat général près la Cour d’appel près la Cour d’appel du Nord-Kivu et du substitut général près la Cour militaire du Nord-Kivu.
Cette mission s’inscrit dans le cadre de l’appui des parquets civils et militaires de Goma et avait pour objectif de constater et documenter toutes les formes de détention irrégulière, abusive ou prolongée.
Le bureau terrain Contrôle et Discipline de Goma continue sa série de formations et de sensibilisation des Casques Bleus des Nations Unies en matière de fautes graves, notamment les cas d’exploitation et d’abus sexuels. C’est une question sur laquelle, David McLachlan-Karr reviendra plus tard.
Enfin, la Section Protection de l’enfant du bureau de terrain de Goma et l’UNICEF organisent cette semaine à Kitshanga un séminaire de renforcement des capacités des agents de la protection de l’enfant sur les techniques de vérification et documentation de cas des enfants sortis de groupes armés.
Je voulais également vous signaler quelques formations de la Police des Nations Unies au profit de la Police nationale congolaise, notamment ici à Kinshasa, où a eu lieu une formation des formateurs des directeurs d’enquête, donc des unités spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée, ici dans la capitale.
Enfin, l’Unité Genre de la MONUSCO a, elle, participé à l’atelier de sensibilisation de quarante officiers de police judiciaire du Secteur de Sécurité de la Police nationale congolaise (PNC), sur la masculinité positive.
A Beni, c’est une formation sur les techniques de collecte d’informations pour la lutte contre le terrorisme à caractère religieux qui a eu lieu au Commissariat urbain.
Enfin, je voulais vous signaler que l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la région des Grands Lacs, Huang Xia, arriva aujourd’hui à Kinshasa pour une visite d’une semaine en République démocratique du Congo.
Je donne la parole à mon collègue militaire pour un point sur la situation militaire.
Bureau du porte-parole militaire [Major Mohamed Ouhmmi] : Merci Mathias. Bonjour à tout le monde, bonjour aussi aux auditeurs de Radio Okapi.
En ce qui concerne les activités de la Force de la MONUSCO au cours des deux dernières semaines, la Force a exécuté 4 436 activités opérationnelles, notamment des patrouilles de jour et de nuit, des patrouilles et des missions à longue portée, des patrouilles conjointes, des escortes et de la reconnaissance aérienne.
La MONUSCO appuie constamment les forces de sécurité du gouvernement de la RDC avec un soutien logistique, le renseignement, des conseils opérationnels et un soutien médical, renforçant ainsi les relations avec les FARDC en matière de protection des civils. Tout en améliorant les capacités et les résultats des forces de sécurité locales, la Force continue également à fournir un soutien médical à la population au cours des patrouilles, en particulier à celles qui se trouvent dans des zones éloignées des centres de santé.
Pour atteindre l'objectif principal de la Force, la protection des civils, le 11 mai 2021, les Casques bleus indiens ont remis le projet à impact rapide de 76 lampadaires solaires aux autorités communautaires de Pinga et aux représentants locaux, pour renforcer la situation sécuritaire dans le village. Les Casques bleus indiens ont également interagi avec les notables et les villageois, réitérant l'engagement de la MONUSCO en faveur de la stabilisation en RDC.
Au niveau opérationnel, la présence constante de la Brigade d'intervention de la force (FIB) dans les principaux points chauds a restreint la liberté de mouvement des groupes armés, et elle a empêché ainsi la perte d'innombrables vies, tout en assurant la sécurité dans les zones et la liberté de mouvement des personnes et des marchandises.
Le 10 mai 2021, le camp de la Force de la MONUSCO à Kilya a été la cible d'une attaque de tirs nourris de la part des ADF. Les troupes de la MONUSCO ont rapidement riposté en réussissant à repousser les assaillants. Au cours de l'action, une femme soldat du Malawi a été tuée au combat. Elle a été rapatriée après une cérémonie d'hommage à l'aéroport Mavivi. Ses camarades et la MONUSCO saluent la mémoire de ce soldat dévoué et professionnel.
Le 10 mai 2021, les FARDC ont remis à la MONUSCO treize enfants mineurs capturés lors des affrontements avec les ADF et un groupe Maï-Maï dans le territoire de Beni au Nord-Kivu et à Irumu en Ituri. L’opération a eu lieu au bureau de renseignement du secteur opérationnel Sokola 1 Grand Nord. Selon Bernard Okanda de la section de Protection de l'enfant de la MONUSCO à Beni, la Monusco a immédiatement transféré ces enfants à l'ONG « Actions concrètes pour la protection de l’enfance », ACOPE, partenaire de l'UNICEF pour une période transitoire.
Le 12 mai 2021, la Brigade d'intervention de la force (FIB) a soutenu des opérations conjointes avec les FARDC dans le cadre de l'Opération Ruwenzori II, en lançant une frappe aérienne pour détruire deux camps des ADF. L’évaluation des effets des frappes aériennes sur les groupes armés est en cours par les troupes des FARDC sur le terrain. La Brigade a également intensifié les patrouilles conjointes avec les FARDC autour de Mauvwaka et Lahe, empêchant les ADF de menacer la population. La FIB a amélioré la situation en matière de sécurité et atténué les problèmes de protection des civils en lançant une patrouille à longue portée à Kakuka et Muzambayi et en effectuant des patrouilles avec les FARDC à Makisabo et Bwerere, en évitant toute incursion et menaces de la part des ADF.
La Force de la MONUSCO en Ituri et les FARDC ont mené plusieurs patrouilles conjointes le long de la route RN-27 pour assurer la sécurité le long de l'axe et la liberté de mouvement de la population et des marchandises. Après avoir été alerté par le réseau communautaire d’alerte, le camp Roe a immédiatement déployé une solide patrouille à Dz’Kplu pour dissuader les activités des assaillants et protéger le camp de déplacés à proximité. Le camp de Fataki a envoyé une patrouille sur l'axe Bentham-Nialibati pour arrêter les attaques des groupes armés dans la zone Tsoso, rassurant les préoccupations de sécurité des habitants de la zone. Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci Avant de donner la parole à notre invité, je voulais vous signaler simplement que le projet conjoint du Programme alimentaire mondial et de l’UNICEF pour atténuer les impacts économiques de la COVID-19 sur les ménages les plus vulnérables de la commune de N’Sele ici à Kinshasa, se poursuit.
A ce jour, environ 18,000 ménages ont reçu au moins un transfert de cash alors que le deuxième transfert est organisé ces jours-ci, il comprendra une double distribution couvrant deux mois d’assistance. La majorité des ménages ont reçu leur assistance à travers un transfert de monnaie mobile (utilisant VODACASH), alors qu’une minorité des ménages qui vivent dans des contrées dépourvues de connectivité, ont reçu leur assistance lors d’une distribution de cash direct par la TMB. 6 Aires de santé sont ciblées (Buma, Kindobo, Dingi Dingi, Mpasa 1, Mpasa 2 et Mikonga).
Je passe maintenant la parole au Coordonnateur résident, Coordonnateur humanitaire des Nations Unies, David McLachlan-Karr.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en RDC [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup Mathias et merci de m’avoir invité à cette conférence de presse. Bonjour à toutes et à tous, et notamment aux auditeurs de Radio Okapi.
Comme vous tous, je suis très préoccupé par les récentes allégations d’exploitation et d’abus sexuels attribuées à des employés de la riposte contre la 10ième épidémie d’Ebola dans l’Est de la RDC, aussi bien Congolais qu’internationaux.
Pour rappel, entre le 29 septembre et le 2 octobre, The New Humanitarian et Thompson Reuters Foundation ont publié une série d'articles liés à des cas pendant la riposte à Ebola à Beni et ses alentours. Un autre article a été publié la semaine dernière concernant des cas d’exploitation et d’abus sexuels à Butembo et ses alentours.
Ces allégations ont provoqué – à juste titre – une grande indignation chez des hautes autorités congolaises, les acteurs de la société civile, des bailleurs de fonds, ainsi que le public en général. Les membres de la famille humanitaire partagent pleinement cette indignation. Nous sommes déterminés à poursuivre et à intensifier nos efforts pour prévenir, détecter et punir les cas d’exploitation et d’abus sexuels et apporter le soutien nécessaire aux victimes.
Je tiens à réitérer ma solidarité envers toutes les victimes d’exploitation ou abus sexuels ainsi qu’à leurs familles. Chaque cas doit faire l’objet d’une enquête et les victimes, prises en charge.
Comme je l’ai souligné dans mon communiqué de presse du 14 mai dernier, la prévention et la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels est l’une de mes plus grandes priorités pour que, plus jamais, des travailleurs humanitaires ne s’adonnent à des actes qui sont contraires à leur mission. Tout responsable doit être sanctionné.
Je tiens à souligner les efforts fournis par le réseau de protection contre l’exploitation et les abus sexuels, qui a renforcé ces mécanismes de protection et de signalement. Depuis décembre 2020, nous avons mis en place une Ligne verte inter-agence, le 49-55-55 qui permet de rapporter les incidents partout en RDC où il y a un réseau de téléphonie mobile disponible. Plusieurs incidents ont été signalés à travers ce canal et des enquêtes ont été automatiquement menées et leurs auteurs sanctionnés.
Une stratégie nationale de prévention et de lutte contre l’exploitation et les abus sexuels existe. Elle a un plan d’action détaillé et j’ai alloué 1.5 millions de dollars américains du Fonds humanitaire pour financer la mise en œuvre de ses activités. Nous poursuivons le plaidoyer afin de mobiliser des ressources additionnelles en complément de cette somme initiale qui ne suffit pas à couvrir l’ensemble de la réponse.
La situation est prise aussi très au sérieux par le Secrétaire général des Nations Unies et nous avons reçu des offres de soutien des collègues du siège. Une équipe d’experts en prévention, protection et lutte contre l’exploitation et les abus sexuels a été déployée en RDC pendant plus de trois semaines. Sur base de leurs évaluations, analyses et recommandations, nous avons revu notre stratégie, restructuré l'organe de coordination de notre réseau, et affiné ses actions.
De plus, des missions d’investigations ont été déployées et certaines sont encore sur le terrain afin d’établir les faits et de recommander les mesures qui s’imposeront. Sur les dernières allégations parues dans la presse, le Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies (BSCI) a déjà été saisi.
Mesdames et messieurs, je voudrais aussi saisir cette opportunité pour rappeler que la République démocratique du Congo reste confrontée à l'une des crises humanitaires des plus complexes et longues au monde.
En 2021, selon les estimations, 19,6 millions de personnes dans le pays ont besoin d'assistance et de protection.
Environ 5,2 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays. L’Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu sont les provinces qui enregistrent les besoins humanitaires les plus importants dans le pays. A ce contexte s’ajoute le processus de transition de la MONUSCO dans les provinces du Kasaï et du Tanganyika qui requièrent une attention particulière.
L'insécurité alimentaire a atteint le plus haut niveau jamais enregistré. La récente enquête de l'IPC a montré que 27,3 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë - contre 19,6 millions à la fin de l'année dernière. Il s'agit du chiffre le plus élevé jamais enregistré par l'IPC dans le monde.
Le plan de réponse humanitaire 2021 pour la RDC prévoit 1,98 milliard de dollars pour répondre aux besoins de 9,6 millions de Congolaises et de Congolais. A ce jour, le plan de réponse n’est malheureusement financé qu’à 11%.
Chers amis de la presse, nous devons tous nous engager dans la prévention et la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels. Je tiens ici à rappeler une nouvelle fois le numéro de la Ligne verte inter-agence, le 49-55-55 qui permet de dénoncer les cas partout en RDC.
Je compte aussi sur vous pour assurer plus de visibilité sur la situation humanitaire en République démocratique du Congo afin de mobiliser des ressources additionnelles pour répondre aux besoins des communautés vulnérables. Je vous remercie.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup Monsieur McLachlan-Karr, on va commencer avec une question pour notre invité, s'il vous plaît.
Question 1
Roger Marley Lukunga/ Elima News : M. McLachlan-Karr, en constatant que des acteurs humanitaires commencent à s'adonner à des abus sexuels, on peut se poser des questions, peut-on dire, donc qu’ils sont devenus plus avides de la chair des femmes ? Ils ont développé une libido exagérée ? Peut-on donc dire qu’ils ont développé un grand amour « bolingo » en lingala, in English love, en français amour vis-à-vis des femmes ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Bonne chance pour répondre à cette question. Il faut préciser qu’il y a à la fois des gens qui ont été mis en cause, internationaux, effectivement, c'est une réalité, mais il y a aussi évidemment le personnel national et des Congolais qui sont concernés par ces cas d'abus sexuels. Mais je vais laisser David McLachlan-Karr répondre.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en RDC [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup pour la question. Nous, aux Nations unies, nous sommes des professionnels. Nous sommes ici pour aider la population congolaise et fournir assistance humanitaire à la population. S'il existe des allégations d’exploitation des Congolaises, de la population, je dois dire ici en face de la presse que nous ne tolèrerons pas ces cas, et chaque allégation qui existe, qui a été soulevée par les Congolaises, les victimes, doit être investiguée et les responsables seront punis.
Je prends très au sérieux ce thème. Nous avons des équipes, des enquêteurs qui sont déjà sur le terrain, qui sont en train d’investiguer les allégations. Je peux vous promettre que nous allons investiguer est nous allons punir les responsables. C'est inacceptable. C'est tout ce que je peux vous dire.
Nous étions là pendant presque deux années pour combattre le fléau d’Ebola qui existait dans le Kivu, dans l'Est du pays. Heureusement, nous avons vaincu le fléau d'Ebola, cette maladie qui a tué trop de Congolaises et de Congolais.
Mais les cas, ou les allégations d’abus contre la population locale, sont absolument inacceptables et nous allons investiguer et punir les responsables. Merci.
Question 2
Mamytha Bangulu/ RTNC : Ma question s’adresse au porte-parole de la MONUSCO, Mathias Gillmann. La MONUSCO s'est engagée efficacement aux côtés des FARDC pour combattre les ADF à l'est de la RDC. Pourquoi ne l'avoir pas fait depuis longtemps ? Et qu'est-ce qui explique cette détermination aujourd'hui ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci pour la question. Je ne pense pas qu'on ne l'a pas fait depuis longtemps. Il est vrai que les bombardements des camps des ADF, c'est quelque chose qui n'était plus arrivé depuis longtemps, mais c'est parce que ce sont des opérations qui prennent énormément de temps, qui nécessitent une planification extrêmement coordonnée avec l'armée congolaise.
Vous le savez, on n'a jamais caché qu'il y a parfois des difficultés de coordination avec nos partenaires de l'armée congolaise, mais on avance, on progresse. Et dans le cadre de cette opération, de ce soutien à l'opération des FARDC, il y a une coordination avec les FARDC qui ont pris en charge un camp, le bombardement d'un camp clairement identifié, et nous qui avons pris en charge deux autres camps qui avaient été aussi clairement identifiés.
Mais il faut toujours rappeler que ce type d'opération militaire demande une coordination, une planification extrêmement précises pour être absolument certain que les cibles sont des cibles militaires, des cibles ADF et qu'il n'y a pas évidemment des victimes collatérales. Mais nous sommes engagés à continuer à soutenir effectivement de la manière la plus robuste possible les opérations qui sont en cours de l'armée, contre les ADF notamment, mais aussi contre d'autres groupes.
Question 3
Eugénie Muyumba/ RTI (Bunia) : Voilà 20 ans que la MONUSCO est présente en RDC. Est- ce que vous êtes fiers de votre bilan, quand on voit qu’on est toujours à une centaine de groupes armés à l'est du pays et même en plein état de siège ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je pense que la question du bilan sur les 20 ans demande effectivement une perspective historique. C'est évident que quand on voit la situation qui perdure en Ituri, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, il y a un travail qui reste à finir. C'est même réduire le problème que de dire ça. Il y a des d'énormes difficultés qui restent à surmonter dans ces trois provinces parce que c'est dans ces trois provinces que le conflit armé est le plus enraciné dans les communautés, et dépend aussi de groupes armés étrangers qui continuent d'être présents sur le sol congolais. Ce conflit nourrit des groupes armés à vocation, on va dire, communautaire, qui pensent peut-être sincèrement au départ défendre leurs communautés.
Et la base pour lutter contre ces groupes armés qui pensent défendre leur communauté, c'est d'assurer que l'autorité de l'État soit restaurée petit à petit, et que les populations, qui ont des différends, lorsqu’émerge un problème, peuvent se retourner vers leurs autorités. L'absence ou la faiblesse de l'autorité de l'État qui perdure dans beaucoup de zones d'Ituri, de Nord-Kivu du Sud-Kivu, où vous voyez qu'il n'y a pas un seul agent de la PNC ou qu'il y a très peu de de soldats déployés, et bien c'est ce qu'on appelle une des causes profondes du conflit qui perdure.
Et donc quand on parle du bilan de la MONUSCO, il faut se replacer dans cette perspective nationale où nous avons quitté de nombreuses provinces. Nous ne sommes plus présents dans la Tshopo, dans le Katanga, dans le Maniema, et ce sont des provinces qui jouissent d'un niveau de stabilité, relatif certes, mais d'un niveau de stabilité acceptable, ou en tout cas gérable par les forces de sécurité nationale. Et c'est le même objectif qu'on essaye de poursuivre pour l'Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu.
Et c'est dans cette perspective, dans la transition que M. McLachlan-Karr détaillait tout à l'heure pour le Tanganyika et le Kasaï, que nous allons concentrer nos moyens, nos opérations et nos activités sur les trois provinces qui restent : des poches d'instabilité et d'insécurité armée particulièrement préoccupantes.
Question 4
Edwige Ruhanga/ Radio Moto Oicha (Beni) : J’ai deux questions : la première, j'aimerais savoir, est-ce que pendant cet état de siège, la MONUSCO va mener des opérations conjointes avec les FARDC ?
Et la deuxième, est-ce que la MONUSCO est au courant de la présence de l'armée ougandaise sur le sol congolais ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Alors, sur la première question, état de siège ou pas, notre mandat est clair : nous devons soutenir les FARDC dans leurs efforts. La Représentante spéciale a rencontré le gouverneur du Nord-Kivu lorsqu'elle était à Goma pour justement parler de ce soutien et de ce dont les FARDC ont besoin ou vont avoir besoin dans le futur. Donc, évidemment, on reste dans le cadre de notre mandat.
L'état de siège, c'est un statut qui est prévu dans la Constitution congolaise et qui s'applique aux forces de sécurité congolaises ou à l'organisation de l'administration, ici au Congo. Mais dans le cadre de notre mandat, nous, on continue à s'inscrire dans un soutien aux forces de sécurité nationales et on est disponible et disposé à faire tout ce qui est en notre pouvoir.
Et sur votre deuxième question, la réponse est non.
Question 5
Papy Okito/ Écho d'opinion (Goma) : Ma question, je la pose au responsable humanitaire et aussi une question au [Major]. Monsieur, à entendre le rapport et le nombre de chiffres que vous donnez par rapport aux déplacés et même aux gens qui souffrent, est-ce que vous croyez vraiment qu’il y a encore raison d'être, que les humanitaires puissent continuer encore à travailler ? Apparemment, c'est comme s’ils ne font presque rien parce qu’il y a vraiment beaucoup de population qui continue toujours à souffrir.
Et quant au porte-parole militaire, c'est de savoir : est-ce que vraiment vous croyez encore sécuriser la ville de Béni ou de Goma où l'insécurité continue toujours ? Parce qu’on vient de tuer même des imams en pleine ville de Béni, mais jusque-là, MONUSCO semble ne pas même connaître l'origine de ces attaques. Merci.
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en RDC [David McLachlan-Karr] : Merci beaucoup pour la question. Oui, la mobilisation des ressources est un grand défi pour la communauté humanitaire. Comme je l’ai mentionné, nous sommes financés à 11%, à peu près, sur les deux milliards nécessaires pour fournir l’assistance à, à peu près, 10 millions de Congolaises et Congolais. Ensemble, je crois que nous devons faire mieux avec les bailleurs de fonds pour mobiliser ces ressources. C’est nécessaire pour continuer l’assistance aux communautés où il y a les besoins.
Pour être bref, je dirais que nous devons prioriser toujours l’assistance que nous sommes en train de fournir et malheureusement, les zones les plus touchées par la crise humanitaire, qui sont bien sûr les trois provinces Ituri, Nord-Kivu, Sud-Kivu, où il y a un conflit actif et la majorité des personnes déplacées dans le pays.
Alors nous, avec la communauté humanitaire, nous allons prioriser notre assistance aux populations les plus vulnérables, parce qu’on n’a pas beaucoup de moyens financiers maintenant pour continuer nos opérations.
J’ai eu une réunion avec le ministre de l’action humanitaire et l’action sociale la semaine dernière, et ensemble nous allons organiser une conférence auprès des bailleurs de fonds pour mobiliser ces ressources. C’est nécessaire et c’est aussi un effet de la COVID, mais honnêtement, cette année a été très difficile pour nous et pour toute la communauté humanitaire pour mobiliser les ressources nécessaires. Merci.
Bureau du porte-parole militaire [Major Mohamed Ouhmmi] : Comme l’a dit Mathias, nous avons un mandat du Conseil de sécurité et, parmi les clauses de ce mandat, c’est la protection des civils et le soutien aux forces de sécurité locales.
Donc ce que je peux vous dire, pour la situation sécuritaire qui est complexe et un conflit qui est asymétrique, la Force de la MONUSCO n’épargne aucun effort, conjointement avec les forces locales, pour remédier à cette situation sécuritaire. Donc on planifie toujours avec les FARDC et la PNC des opérations conjointes, on échange des renseignements et on leur fournit un soutien pour effectuer leur mission, et la nôtre, qui est la protection des civils.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci, et j’ajouterais juste pour préciser que la criminalité qui existe dans les villes, et notamment à Goma, c’est une responsabilité qui incombe en premier à la Police nationale congolaise. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas quelque chose sur laquelle on essaye de travailler avec nos partenaires mais il faut bien séparer la lutte contre les groupes armés, sur laquelle nous travaillons, de la criminalité qui peut exister dans les villes, et qui, là, est une responsabilité de la police nationale.
Question 6
Patrick-Félix Abeli/ CNN World et Elections.net : Je rebondis sur la sortie médiatique du Président rwandais Paul Kagamé. Vous portez la voix de la MONUSCO. Pour Paul Kagamé, il n’y a pas eu de crimes commis dans l’est de la RDC, et le Président rwandais impute l’échec à la MONUSCO. Comment vous réagissez ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Sur la question du rapport Mapping – puisque c’est ça qui était je pense au cœur de l’échange du Président -, le rapport Mapping documente de manière très claire des violations des droits de l’homme, du droit humanitaire international, sur la période qu’il couvrait, c’est-à-dire de 1993 à 2003. Pour nous, ce rapport parle de lui-même.
Nous avons travaillé ici avec les autorités congolaises pour documenter toutes ces violations, notamment ces violations qui ont eu lieu après 2003 et qui continuent d’avoir lieu malheureusement dans le pays. Vous le savez, c’est le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme qui documente et qui partage toutes ses informations avec les autorités congolaises. Tout comme le rapport Mapping a également été remis au gouvernement congolais de l’époque.
En ce qui concerne l’analyse du Président Kagamé sur le bilan de la MONUSCO : vous le savez, on le dit tout le temps, chacun est libre de son analyse, chacun est libre de son opinion.
Nous, ce qu’il nous semble important de rappeler, c’est que nous avons trouvé un pays qui était au bord de l’implosion il y a vingt ans, et qu’avec les efforts conjoints de la MONUSCO et des autorités congolaises, nous sommes parvenus à préserver les frontières héritées de la colonisation, à avancer, petit à petit, l’autorité de l’Etat, et récupérer l’autorité de l’Etat sur la totalité du territoire.
Comme je le disais tout à l’heure à la collègue de Bunia, il y a un travail qui reste à finir, qui reste à finaliser. Et je ne suis pas en train de minimiser les difficultés ou même parfois les reculs qu’on a pu connaître, mais il y a eu des progrès.
Et il faut bien se souvenir que la MONUSCO n’a jamais eu pour vocation de se substituer à l’Etat. Les progrès qui ont été faits, comme les difficultés qui subsistent, ce sont nos progrès mais ce sont aussi les progrès des Congolais. Nos difficultés, ce sont nos difficultés mais ce sont aussi les difficultés des Congolais. Nous avons toujours eu à travailler dans une dynamique nationale qui n’a pas toujours été facile, et dans une dynamique régionale, également, qui n’a pas toujours été positive.
On pense que c’est cet ensemble de facteurs qui rentrent en compte pour l’analyse du bilan de la MONUSCO.
Question 7
Nicolas Ekila/ 24heuresnews RDC (Beni) : Ma question s’adresse au porte-parole de la MONUSCO. Quel sera le degré de collaboration de la MONUSCO avec les nouvelles autorités militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri dont plusieurs sont accusées dans vos rapports. Qu’en dites-vous ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Comme je l’ai dit tout à l’heure, le niveau d’engagement, le mandat qui nous a été donné clairement par le Conseil de sécurité s’applique, que les autorités provinciales soient civiles ou militaires. Nous allons continuer à les soutenir.
Ce qui continue également de s’appliquer, c’est ce qu’on appelle la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme, c’est-à-dire de s’assurer que notre soutien ne profite pas à des gens qui ont commis des violations graves des droits de l’homme. Cette politique continue, elle aussi, de s’appliquer.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette politique a pour ambition de créer un dialogue, aussi, de créer une coopération avec les FARDC : chaque mois, il y a un Comité de suivi qui se réunit à Beni avec nos collègues des droits de l’homme et l’armée où nous pouvons exprimer nos préoccupations et l’armée peut prendre les mesures qui permettent notre coopération.
Donc cette politique vise à permettre notre coopération et à faire en sorte que, à la fois notre soutien aux FARDC et les actions des FARDC s’inscrivent en droite ligne avec nos obligations en matière de respect des droits de l’homme. Donc tout ça continue de s’appliquer.
Question 8
Papy Kilongo/ Radio Canal Révélation (Bunia) : Le changement de nom MONUC à MONUSCO, il y a déjà 10 ans, c’était pour la stabilité à l’est de la République démocratique du Congo. Et la stabilité n’est pas toujours observée : faut-il changer encore le nom de la MONUSCO pour espérer cette stabilité ou carrément enlever notre espoir envers la MONUSCO de nous faire revenir la paix ? Et vous avez aussi dit qu’il vous reste un travail à faire pour réaliser vos objectifs : on peut encore attendre combien d’années, estimez-vous, pour qu’on retrouve la paix en RDC, surtout à l’est ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Sans vouloir jouer sur les mots, le S [dans MONUSCO], c’est stabilisation, qui implique un processus. Donc c’est vrai que ça peut être frustrant, ça prend du temps, ça demande des moyens. Ça ne dépend pas, encore une fois, uniquement de nous : ça dépend aussi des progrès qui peuvent être faits au niveau des autorités congolaises, du gouvernement.
On travaille ensemble, vers ce même objectif. Vous donner une date pour arriver à cet objectif, ce serait extrêmement présomptueux parce que ça ne dépend pas uniquement de nous, ça dépend aussi des autorités.
Il ne faut pas minimiser les difficultés, il ne faut pas minimiser tous les défis qui nous restent à surmonter, notamment dans votre province [de l’Ituri], mais il ne fait pas non plus oublier qu’il y a eu un processus de stabilisation du pays, et qu’il y a des provinces où nous sommes parvenus à soutenir, efficacement je pense, les efforts des autorités et à obtenir une stabilité relative qui permette aux forces de sécurité nationale de remplir leur rôle, sans avoir besoin de notre aide.
C’est l’objectif qu’on poursuit aussi pour vos provinces : que vos forces de sécurité nationales puissent prendre leur responsabilité pleinement, sans avoir besoin de nous.
Question 9
Seraphin N’kiere May/Agence congolaise de presse : Je voudrais poser une question à Monsieur le Coordonnateur résident. Il a parlé de l’insécurité alimentaire en RDC. Est-ce que vous ne pensez pas que c’est contradictoire, c’est un paradoxe par rapport aux ressources naturelles, par rapport aux 80 millions d’hectares arables dans notre pays. Et qu’ici, le système des Nations Unies a mis en place certains projets, je pense, à la FAO, mais on ne parvient toujours pas à assurer la sécurité alimentaire dans ce pays. Selon vous, c’est dû à quoi ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en RDC [David McLachlan-Karr] : La question est très complexe. Oui, le pays est un pays riche, très riche en ressources avec des terres arables, vous avez aussi 50 % des ressources d’eau douce de l’Afrique ici en RDC. Oui c’est un paradoxe. Moi je pense que c’est un manque d’investissement dans le secteur agricole depuis des décennies qui est la base de ce problème d’insécurité alimentaire dans le pays. Je crois qu’ensemble avec le PAM, la FAO, le gouvernement et surtout les gouvernements provinciaux, nous devons ensemble augmenter l’investissement dans le secteur agricole.
Bien sûr, je crois que cette année le COVID-19 a un peu empêché le cycle de culture dans le pays. C’est un défi pour beaucoup d’agriculteurs. Je crois qu’ensemble nous devons travailler plus étroitement avec le gouvernement national, avec un plan national d’investissement dans le secteur agricole. Cela est nécessaire, le pays est trop riche [pour] avoir autant d’importation de nourriture de l’extérieur.
Je crois qu’avec le politique du président Tshisekedi, cela va changer. On va renforcer notre appui dans ce secteur, travailler avec le PAM, la FAO et les autres agences pour assurer plus d’investissement dans ce secteur.
Question 10
Enock Nseka/ Vraie Thématique : J’adresse ma question au représentant humanitaire. J’aimerais savoir, qu’est-ce que l’ONU prévoit comme sanctions contre les auteurs des abus sexuels à Butembo ? Mais aussi depuis combien de temps vous avez réceptionné les plaintes des victimes sur les violences sexuelles ?
Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en RDC [David McLachlan-Karr] : De notre part, les Nations Unies, nous avons la tolérance zéro pour les exploitations sexuelles et les abus contre les populations.
Je ne peux pas commenter directement sur les allégations parce que les équipes d’investigation sont sur le terrain. La commission indépendante est aussi dans le pays en train d’enquêter sur les personnes qui ont porté plainte contre les acteurs humanitaires pendant la réponse à la dixième épidémie d’Ebola.
Mais chez nous avec la tolérance zéro, on va punir les personnes responsables, s’ils ont responsables bien sûr. Ce n’est pas seulement arrêter le contrat avec les Nations Unies mais c’est aussi de punir, faire une restitution aux victimes. C’est important pour restaurer la confiance des communautés locales auprès des Nations Unies mais c’est aussi la justice. On va faire tout notre possible pour aller au plus profond de ces allégations, investiguer et punir.
Discours de
