Les communautés locales au cœur du reboisement participatif en République démocratique du Congo
Dans les provinces du Nord et du Sud-Ubangi, les conséquences de la déforestation nuisent significativement à la production agricole et à l’alimentation
Depuis 2016, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a lancé une ambitieuse initiative d’agroforesterie au profit de ces provinces, dans le cadre d’un programme de résilience conjoint avec le Programme alimentaire mondial, intitulé, projet UNJP/DRC/082/WFP, « Renforcement de la résilience et des systèmes de subsistance durables des petits exploitants agricoles en République démocratique du Congo (RDC) ».
Ce programme a été financé à hauteur de 7 055 591 USD par le Gouvernement de Norvège. L’objectif principal est de restaurer la couverture forestière dans la région de l’Ubangi, tout en renforçant la production agricole des populations. Ceci par le biais d’une approche participative, plaçant les communautés locales au cœur de la mise en œuvre du présent programme.
Dans le village de Boboyo, au sein du territoire de Gemena dans la province du Sud-Ubangi, la FAO a soutenu les communautés locales grâce à la fourniture de 3 tonnes de semences (2 tonnes d’amarante, 300 kg de tomate et 500 kg de piment) à 52 organisations paysannes et 2 000 ménages. Ces intrants ont permis d’emblaver environ 54 ha de terres agricoles. De plus, les participants au projet ont été formés sur des pratiques clés, telles que l’installation et la gestion de pépinières, la gestion d’espaces maraîchers et l’association des cultures en agroforesterie. La FAO a également fourni des semences de cultures maraîchères (amarante, aubergine, gombo, piment et tomate) et vivrières (arachide, maïs, soja et riz) pour soutenir ces activités.
Le projet de la FAO s’appuie sur la participation active des organisations paysannes de la région.
« Chaque membre de la communauté identifie les plantules d’arbres utiles, les recueille et les apporte aux techniciens du Ministère de l’environnement et de la conservation de la nature qui encadrent la mise en œuvre du reboisement », explique M. Xavier Bangabutu, chargé de projet pour la FAO.
Cet engagement direct des populations locales permet de valoriser leurs connaissances approfondies de la forêt et de son écosystème.
« Nous connaissons très bien les différentes essences d’arbres de notre forêt, leurs usages et leurs périodes de fructification. Cette expertise locale est essentielle pour le succès du reboisement.», souligne M. Lucien Bembi, membre d’une organisation paysanne bénéficiaire.
Un des objectifs de la FAO consiste à la mise en place de pépinières d’arbres qui seront ensuite plantées directement dans les champs des organisations paysannes. Parmi les espèces ciblées, on trouve des arbres à chenilles, médicinaux, fruitiers et autres essences forestières fertilisantes.
« Nous espérons que, grâce à la restauration de la forêt, nos petits-enfants auront la chance de retrouver notre enfance quand jadis, les différentes espèces abondaient dans nos forêts », se réjouit Mme Annie Nubea, membre d’une organisation paysanne et épouse du chef du village.
M. Léon Mopindo, né dans le village de Boboyo, se souvient du temps où la forêt était encore abondante, avec beaucoup de gibier, de produits ligneux et de fruits sauvages :
« On s’amusait à observer les chimpanzés jouer sur les grands arbres juste derrière nos cases. Mais peu à peu, la forêt a laissé place à des champs de cultures vivrières, faisant disparaître la faune et la flore. Aussi, depuis quelques années, nous avions remarqué des phénomènes jamais vus pendant notre enfance. La pluie n’était plus au rendez-vous, il faisait de plus en plus chaud, et il n’y avait plus l’ombre des arbres pour se reposer ».
En outre, les activités de la FAO ont permis la mise en place de pépinières communautaires afin de produire et transplanter ces plants dans les zones agricoles. Les formations dispensées ont permis d’introduire des techniques de gestion durable des ressources naturelles et de conservation des forêts à partir d’essences forestières choisies par les bénéficiaires eux-mêmes. Ces techniques consistent notamment à restaurer la fertilité du sol à travers la mise en place de parcelles de maraîchage, de cultures d’arachide et de maïs en couloirs, avec des espèces légumineuses fertilisantes (soja, moringa, leucaena) et des essences utiles. Sur le site du village de Boboyo, une parcelle de reboisement avec des essences forestières de 10 ha, mise à disposition par les autorités locales, est en cours d’installation. Elle est visible et accessible et permettra ainsi d’inciter les populations à la culture de reboisement.
« C’est une approche gagnante pour nous tous : la forêt est restaurée et nos rendements agricoles s’améliorent grâce à l’agroforesterie. Fort de ce succès, le projet devrait être dupliqué dans d’autres régions de la République démocratique du Congo afin de contribuer à la reforestation, tout en renforçant la sécurité alimentaire locale et en valorisant les savoirs traditionnels des communautés locales. », conclut M. Bernard Tukutuku, membre d’une organisation paysanne bénéficiaire.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en collaboration avec le Ministère de Pêche et Elevage a lancé à Kinshasa, le 24 juillet 2024, un projet régional, intitulé « Tirer parti des systèmes numériques pour la préparation et la réponse aux situations d'urgence en cas de crise alimentaire en RDC, au Soudan du Sud et en Somalie (EmergenSys) ». Financé par la Banque africaine de développement (BAD), ce projet qui sera mis en œuvre par la FAO, pendant 2 ans, vise le développement et l’amélioration de la préparation et de la réactivité face aux situations d’urgence à l‘aide d’outils numériques et d’un système d’alertes précoces et d’anticipation dans les trois pays précités.
Nécessité des systèmes numériques en cas de crise alimentaire
En effet, la RDC, le Soudan du Sud et la Somalie, sont des pays africains qui ont beaucoup de similitudes en ce qui concerne le domaine des crises. Leurs économies fragiles ont été affectées par les retombées de la pandémie de COVID-19,l'avènement de la crise russo-ukrainienne ainsi que de la flambée des prix des denrées alimentaires. Actuellement les trois pays sont durement touchés par des catastrophes naturelles telles que des sécheresses persistantes, des inondations, sans oublier la résurgence des conflits armés. La persistance de ces éléments a empêché une grande partie des actions transformatrices déployées par les gouvernements respectifs et leurs partenaires de développement d’obtenir des résultats et l’impact escomptés. C’est ce qui justifie les nombreux appels lancés en faveur d'une meilleure préparation, d'une alerte précoce et d'une action précoce pour réduire l'ampleur des crises alimentaires dans les trois pays. Ainsi, les technologies numériques semblent être une approche appropriée pour contribuer à relever ces défis.
En RDC, le projet interviendra à travers diverses initiatives partenaires telles que la « Stratégie pour la transformation de l'agriculture en République démocratique du Congo » pilotée par l'Institut international d'agriculture tropicale (IITA) (IITA) et les activités du système d'alerte précoce soutenues par la Banque mondiale. La mise en œuvre du projet EmergenSys sera également liée à d'autres activités programmatiques de la FAO et de la BAD en matière d'agriculture numérique. Une attention particulière sera portée à l'implication des jeunes et des agricultrices afin de favoriser une adoption plus forte des pratiques numériques, la promotion et l'inclusion.
«La FAO s’engage à accompagner le gouvernement congolais à promouvoir une transformation proactive et robuste du système agroalimentaire en mettant en place des mécanismes capables d’assurer d'une meilleure préparation, d'une alerte et d'une action précoce pour réduire l'ampleur des crises alimentaires en RDC » a déclaré le Représentant de la FAO, Aristide Ongone Obame, qui a loué le partenriat avec la BAD.
Le responsable du secteur AHAI de la BAD, Pascal Sanginga souhaite que : « le projet EmergenSys puisse permettre aux pays africains d’avoir une base de données solide, un registre des paysans producteurs, afin de bien planifier et parvenir à leur donner des conseils agricoles, semences et autres outils agricoles avec objectif d’améliorer leur production »
Le Ministre de Pêche et Elevage, Jean-Pierre Tshimanga Buana, a indiqué que ce projet arrive à un moment capital. « Le programme du projet va dans la ligne droite de la vision du président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, qui se résume en " la revanche du sol sur le sous-sol" et qui est conforme au programme des priorités défendues à l'Assemblée nationale par la Première Ministre, Cheffe du gouvernement, Madame Judith Suminwa Tuluka, et qui vise à augmenter la production, afin de lutter contre la faim en RDC et améliorer la situation socio-économique des populations », a-t- précisé.
Accord entre la BAD et la FAO pour réduire l'ampleur des crises alimentaires
Dans le cadre de son mandat et à la recherche de solutions aux crises alimentaires par l’approche des technologies numériques, la FAO a fait recours à la Banque Africaine de Développement (BAD) pour obtenir un financement qui permettra de soutenir les gouvernements africains, en leur permettant de recourir aux technologies et aux solutions numériques comme outils efficaces, pour accompagner avec efficacité les programmes de relance et de résilience. L’engagement des deux institutions a abouti à l’élaboration de ce projet qui va permettre l'amélioration des systèmes d'alerte précoce, de la fourniture de services consultatifs, de la diffusion de l'aide d'urgence et de l'aide au développement (y compris en espèces), de l'amélioration de l'analyse pour la planification et la coordination de l'aide aux agriculteurs et aux communautés.
Les grands axes du projet
Trois composantes sont retenues pour ce projet : (i) Développer l'enregistrement électronique des agriculteurs et les services d'alerte précoce numériques ; (ii) Renforcer et digitaliser le secteur semencier ; et (iii) Permettre une mise en œuvre efficace du projet et le partage des connaissances.
Pour y parvenir quelques outils importants seront utilisés par ce projet. Il s’agit notamment : (i) les téléphones portables et les plateformes de médias sociaux pour interagir avec les agriculteurs et les communautés ; (ii) les registres électroniques pour gérer efficacement les informations sur les agriculteurs et les communautés ; (iii) les plateformes numériques de services-conseils pour soutenir les activités productives agropastorales ; et (iv) les systèmes de gestion de l'information numérique et d'analyse de données pour planifier et suivre le soutien fourni et faciliter la prise de décision.
Au terme des travaux de lancement du projet EmergenSys toutes les parties prenantes sont parvenues à avoir le même degré de compréhension sur les objectifs, les activités, les calendriers et les jalons de mise en œuvre du projet dans les trois pays. C’était également une ocassion pour harmoniser les approches et finaliser les plans de travail dans les trois pays béneficiaires et aussi un partage d’expérience des projets similaires financés par la BAD, l’IITA et la plateforme numerique de l’AgriTec en partenariat avec la societé de télécommunication Vodacom en RDC .