Les défis de la planification familiale pour les filles mariées précocement
UNFPA a appuyé la mise en place d'un espace d'Information et de communication pour offrir des informations sur l’éducation sexuelle complète pour la communauté
Au centre de santé Ntambwe Saint Bernard à Kananga, se tient une mini campagne sur l’offre gratuite des services de planification familiale. Partenaire de la structure, UNFPA y a également installé un Espace d'Information et de Communication dédié aux adolescents et jeunes, en vue d’offrir des informations sur l’éducation sexuelle complète.
C’est ici que nous avons rencontré Mbelu (Nom d’emprunmt). Elle nous explique, qu’elle a été victime d’un mariage forcé à l’âge de 14 ans ; C’est à cet âge qu’elle a eu son premier enfant. « Je revenais de l’école, j’étais en 5ème primaire, lorsque j’ai rencontré un monsieur qui semblait être perdu dans le quartier. Il m’a demandé de l’aider à retrouver son chemin. En cours de route, nous avons croisé ma tante paternelle, qui a réagi de manière excessive en me voyant avec un homme inconnu, nous accusant immédiatement d’entretenir une relation inappropriée. Elle a amené cet homme jusqu’à mes parents, qui ont pris la décision hâtive de me donner en mariage à cet inconnu », raconte Mbelu, avant d’ajouter sur un ton triste « J’avais 14 ans à l’époque. Ce mariage forcé a marqué le début d’une série d’évènements qui ont profondément impacté ma vie »
Comme Mbelu, plusieurs autres adolescentes paient le prix de cette pratique assez courante dans l’espace Kasaï. Pour elles, être mariée précocement est une véritable entrave à leurs rêves.
Je ne voulais pas me marier, je comptais terminer mes études » dit-elle. Des études qu’elle n’a pas pu poursuivre car contrainte de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Au centre de santé, elle est venue choisir une méthode contraceptive car visiblement le choix d’espacer ou d’arrêter les naissances ne dépend pas d’elle.
D’après Michel Mumba, sage-femme et président de la société congolaise de la pratique sage-femme, (SCOSAF) au Kasaï Central, les défis liés au changement de comportement sont clairs. Les normes sociales défavorables sont très enracinées dans la communauté :
Dans le Kasaï, avoir beaucoup d'enfants est considéré comme une richesse pour les femmes. Elles ne comprennent donc pas pourquoi on leur présente des méthodes contraceptives pour espacer les naissances ».
Cette incompréhension persistante autour de l'utilisation des méthodes contraceptives est une conséquence directe de ces normes sociales profondément ancrées. C’est pourquoi, la SCOSAF s’engage à s’attaquer à cette perception qui donne une mauvaise posture à la planification familiale qui n’est autre que le pouvoir pour le couple ou les individus de choisir le moment idéal pour avoir un enfant. Un autre défi majeur est également l’accès à l’information :
Les femmes manquent d'informations adéquates sur la planification familiale et ont peu de connaissances sur les différentes méthodes contraceptives », ajoute le président de la SCOSAF.
Selon le rapport MICS 2018 , au Kasaï-Central, 2,6% des filles âgées de de 15- 19 ans ont déjà eu une naissance vivante. Elles subissent les conséquences de cette situation liée au mariage précoce.
Mbuyi 35 ans, est mère de 6 enfants. Elle a été mariée à 15 ans. Elle avait choisi une méthode contraceptive moderne parce que son mari et elle, ont des projets. En tombant enceinte, le couple n’arrivait pas à les réaliser.
Nous nous sommes dits que nous devrions devenir propriétaire de notre maison. Six enfants sont largement suffisant pour nous », relate-t-elle avant de poursuivre, « mon mari m’avait accompagnée au centre de santé pour rencontrer une sage-femme afin de nous conseiller sur le choix d’une méthode contraceptive. »
En revanche, Lukusa a suivi les conseils d’une sage-femme après son deuxième accouchement pour éviter une nouvelle grossesse rapprochée. Onze mois après la naissance de son premier enfant, Lukusa s’est retrouvée enceinte de son deuxième enfant. La sage-femme a expliqué le danger pour sa santé avec cette grossesse et celui de son enfant lorsqu’on ne planifie pas les naissances. Elle a choisi une méthode contraceptive et a décidé de ne plus avoir d’enfant après 7 maternités.
Garder espoir malgré des défis liés aux barrières sociales
Ces récits mettent en lumière les conséquences dévastatrices du mariage précoce et des grossesses précoces, amplifiées par les normes sociales défavorables préconisant une fécondité précoce comme signe de richesse et d’honneur pour les femmes.
La sensibilisation joue un rôle important dans le changement de comportement, Dr. Marguerite Kunduma, cheffe du bureau décentralisé de Kinshasa, souligne que la planification familiale est bien plus qu'une simple pratique de santé.
C'est un droit fondamental, un moteur de développement et un pilier de la santé. La planification familiale permet aux femmes d'éviter les grossesses à risque, trop précoces, rapprochées ou trop nombreuses, et de réduire les risques des décès maternels ».
Dr Marguerite Kunduma insiste sur le fait que le pouvoir de planifier les naissances au moment souhaité donne aux femmes la capacité de contrôler leur avenir et de prendre des décisions éclairées pour leurs familles. C'est un élément essentiel du développement personnel et social, permettant à une femme qui planifie sa famille de planifier tous les aspects de sa vie.
UNFPA soutient de nombreux aspects de la planification familiale volontaire, notamment l'achat de contraceptifs, la formation de professionnelles de la santé pour conseiller les individus de manière précise et sensible sur leurs options de planification familiale et la promotion d'une éducation sexuelle complète.