Transcription de la conférence de presse ONE UN du 7 avril 2021
La conférence de presse des Nations Unies de ce jour reçoit le Chargé de Bureau de l'OMS , Dr Amédée Prosper Djiguimde, comme invité spécial.
La conférence de presse des Nations Unies était animée à partir de Kinshasa par Mathias Gillmann, porte-parole de la MONUSCO et coordonnateur du Groupe de communication des Nations Unies.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Bonjour à tous, merci aux auditeurs de Radio Okapi et bienvenue dans cette nouvelle conférence de presse des Nations Unies en République démocratique du Congo.
Ce n’est donc pas uniquement la MONUSCO : comme vous pouvez le voir, à mes côtés, j’ai le Chargé de Bureau de l’Organisation mondiale de la santé en RDC, Dr. Amédée Prosper Djiguimde. Car aujourd’hui même, nous célébrons la Journée mondiale de la santé. Nous sommes également connectés avec mes collègues militaires et des journalistes à Goma et Beni. Même si je comprends que les collègues de Beni ont eu beaucoup de difficultés à se déplacer. Ils ne sont peut-être pas très nombreux aujourd’hui avec nous.
Justement en évoquant cette situation à Beni, Butembo et Lubero, la Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, exprime sa préoccupation face aux appels à la violence et à la haine qui se multiplient, dans les zones de Beni, Butembo et Lubero, contre les humanitaires et les institutions nationales et internationales, notamment la MONUSCO.
Les Nations Unies sont attachées à la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation pacifique et rappellent que ces dernières peuvent s’exercer de façon légitime hors de tout appel à la violence contre des individus ou des organisations.
La MONUSCO est consciente des difficultés extrêmes auxquelles fait face la population dans le contexte d’une recrudescence des attaques contre les civils, notamment par les ADF. La Mission est mobilisée auprès de ses partenaires congolais pour soutenir les efforts de protection des populations civiles exposées à cette violence et continuer d’accompagner la restauration de l’autorité de l’Etat dans ces zones, en particulier les efforts des Forces armées et de la Police nationale.
La lutte contre les ADF requiert plus que jamais les efforts conjoints des institutions nationales et provinciales, de l’ensemble des acteurs politiques et des partenaires internationaux, avec le soutien de la population.
Comme vous le savez, nous sommes en phase de fermeture des bureaux de la MONUSCO dans le Kasaï. Néanmoins le 26 mars, le bureau de la MONUSCO à Kananga a procédé à la pose de la première pierre du commissariat de Nganza dans le cadre d’un projet de réduction de la violence communautaire dans cette commune de la ville. Financés par la MONUSCO, la construction et l’équipement du commissariat en faveur de l’inspection de la Police nationale de Kananga comportera 2 cellules, un magasin de stockage, du matériel de sécurité, une salle de réunion et des bureaux.
Également au Kasaï Central, plus tôt au mois de mars, la MONUSCO et la PNC ont lancé l’Opération Stratégie contre l’insécurité à Kananga (SOLIKAN). Pour cela, cinq véhicules, deux motocyclettes et deux lignes d’assistance téléphonique dédiées aux appels d’urgence ont été fournis à la PNC. En outre, la PNC a reçu un lot de matériel informatique et solaire, ainsi que trois conteneurs pour aider à coordonner leurs activités de protection pendant un an. Même si la MONUSCO sera retirée à partir du 30 juin du Kasaï, pendant un an, la MONUSCO va soutenir la PNC avec du carburant pour faciliter leurs déplacements.
Je donne maintenant la parole à mon collègue militaire à Goma pour un point sur la situation militaire.
Bureau du porte-parole militaire [Major Mohamed Ouhmmi] : Au cours des trois dernières semaines, la Force a continué d'accélérer le rythme des opérations dans ses zones de responsabilité en intensifiant ses activités, en particulier à Beni. Elle a mené au total 7.387 activités opérationnelles, à savoir : des patrouilles de jour et de nuit, des patrouilles conjointes, des escortes et des reconnaissances aériennes. La Force continue de travailler en étroite coordination et coopération avec les acteurs locaux de la sécurité.
Au niveau opérationnel, les activités de protection des civils restent au premier plan de la planification des activités de la Force. La protection par projection reste l'un des moyens utilisés pour assurer la protection des civils.
En effet, la Force a accéléré son rythme opérationnel en maintenant une posture robuste pendant les opérations de jour comme de nuit dans les points chauds identifiés par la protection par projection. Celles-ci comprennent des patrouilles à longue portée dans des endroits éloignés qui sont habituellement inaccessibles.
À Beni, la Brigade d'intervention de la Force continue de mener des patrouilles conjointes robustes par véhicules et à pied avec les FARDC pour assurer la protection des civils et instaurer une confiance mutuelle avec les FARDC. Ces patrouilles conjointes visent notamment à renforcer la confiance de la population locale dans la MONUSCO et les FARDC dans la zone. Les patrouilles interagissent avec les chefs communautaires et empêchent les actes de banditisme tout en refusant aux groupes armés la liberté d’action de mener leurs activités.
Le 31 mars 2021, la parade d’adieu au Commandant de la Force de la MONUSCO, le Général de corps d’armée Ricardo Augusto Ferreira Costa Neves, a été organisée à l’issue de sa période de service de 14 mois. Le Commandant adjoint de la Force de la MONUSCO, le Général de division Thierry Lion, a pris le commandement par intérim de la Force de la MONUSCO après son départ le 2 avril 2021.
Dans le cadre de la coopération civilo-militaire, les troupes de la Force ont organisé des événements dans leurs zones de responsabilité, notamment la réparation/ réhabilitation de routes et de ponts, l'organisation de diverses activités sportives, la distribution d'eau et d'autres articles, la formation de diverses communautés locales aux compétences de la vie courante telles que la vannerie, entre autres. De telles activités offrent une occasion de sensibiliser et de mieux comprendre les divers problèmes affectant les communautés et de mobiliser un soutien pour l'action envers les communautés locales sur la scène internationale. Merci pour votre attention.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup. Avant de donner la parole à notre invité, je voulais vous signaler que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme alimentaire mondial ont souligné hier que l’insécurité alimentaire en RDC touche un Congolais sur trois, un niveau jamais atteint auparavant. Ceci porte à 27,3 millions de personnes le nombre de Congolais en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont près de 7 millions à un niveau d’urgence de faim aiguë.
La RDC est aujourd’hui le pays du monde avec le plus grand nombre de personnes ayant un besoin urgent d’assistance en matière de sécurité alimentaire.
Sur ce, je donne donc la parole à notre invité le Dr Amédée Prosper Djiguimde qui est le Chargé de Bureau de l’Organisation mondiale de la santé en RDC.
Chargé de Bureau de l’Organisation mondiale de la santé en RDC [Dr. Amédée Prosper Djiguimde] : Merci bien Mathias. Je voudrais, avant tout propos, saluer tous ceux et toutes celles qui ont fait l’amitié d’être là ce matin. Je voudrais également saisir l’opportunité de saluer tous les auditeurs de Radio Okapi à travers le pays, à travers la RDC. Et souhaiter à toutes et à tous une bonne fête, une bonne Journée mondiale de la santé qui, cette année, est célébrée sous le thème : « Pour un monde plus juste et un monde en meilleure santé ».
Comme vous le savez, cela fait maintenant plus d’une année que la pandémie à coronavirus, COVID-19, sévit dans le monde entier, y compris en RDC. Et nul doute que la RDC est aujourd’hui touchée en plein cœur à travers 23 provinces sur les 26 et malheureusement jusqu’à la date d’hier, ce sont environ 28 377 cas de COVID-19 qui ont été répertoriés sur l’ensemble du territoire avec malheureusement 745 décès.
La COVID-19 a frappé tous les pays de plein fouet, mais ce sont les communautés déjà vulnérables qui ont été et qui sont cruellement éprouvées. Ces groupes sont plus exposés à la maladie, car susceptibles et très exposés à d’autres facteurs de risque liés à la faible qualité de services souvent offerts aux différents niveaux.
Ce manque d’équité n’est pas nouveau. Et là vous le savez, même si le monde a vu une amélioration des niveaux moyens de santé et d’espérance de vie, et de réductions de la mortalité prématurée, il faut noter que ces progrès n’ont pas été répartis de manière égale entre les différents groupes sociaux et entre les différents pays du monde. On observe également des différences à chaque âge, depuis les premières années jusqu’à la fin de la vie.
C’est ainsi qu’à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, qui est célébrée chaque année le 7 avril 2021, l’Organisation mondiale de la Santé a voulu au cours de cette année interpeller tout un chacun sur la nécessité de garder une certaine équité en matière de système aux soins de santé.
Aussi me plait-il de rappeler qu’en RDC, il n’y a pas que la COVID-19 qui constitue un défi majeur de santé publique, mais il est important de signaler et de noter la résurgence de la maladie à virus Ebola dont la dernière [épidémie] est en cours.
Nous avons également des épidémies de choléra, nous avons la rougeole sans oublier la poliomyélite, dérivée de la souche vaccinale, et j’en passe.
Nous appuyons, au niveau de l’OMS, les efforts du gouvernement dans les différentes ripostes vaccinales et la riposte pour la gestion de ces cas. Et je peux vous dire que dans les prochaines semaines, le pays s’apprête à vacciner de façon préventive contre la fièvre jaune et nous nous attelons, de concert avec l’ensemble des autres partenaires, à soutenir les efforts du gouvernement pour éviter que nous ayons une résurgence de cette fièvre jaune qui a été meurtrière en 2016.
Aussi me plait-il de rappeler également qu’au regard de tout ce que je viens de dire, la Directrice régionale pour l’Afrique de l’OMS, Dr Matshidiso Moeti, ainsi que le Directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, ont vivement plaidé et plaident toujours pour un investissement des gouvernements dans le renforcement des services de santé afin que les différents obstacles qui amenuisent le bien-être des populations puissent être véritablement levés.
Aussi, nous demandons, au niveau de l’OMS, à l’ensemble des décideurs de veiller à ce que chacun jouisse de conditions de vie et de travail favorables pour la santé. Parallèlement, nous demandons instamment à l’ensemble des acteurs, l’ensemble des parties prenantes, de surveiller les inégalités en matière de santé et de veiller à ce que tous les citoyens puissent accéder à des services de santé de qualité au moment ou à l’endroit où ils en ont besoin.
Je voudrais particulièrement saisir l’opportunité de ce matin pour rappeler qu’il est plus qu’impérieux que l’ensemble des acteurs gouvernementaux, partenaires œuvrant dans le domaine du développement et de l’humanitaire, société civile, qu’il y ait un renforcement de la collaboration qui soit la plus étroite possible avec l’OMS, afin de progresser vers la couverture sanitaire universelle, qui est un créneau renforcé au niveau des discussions par les Etats membres de l’OMS.
Je voudrais exhorter l’ensemble des acteurs à avoir un clin d’œil dans les investissements pour que nous ayons des systèmes de santé robustes, afin également aussi de pouvoir contourner les effets néfastes de déterminants sociaux de la santé, afin que les inégalités puissent se réduire pour un meilleur état, une meilleure santé des populations. Je vous remercie.
Question 1
Jael Mulowayi/Actu 30 : Je m’adresse à M. Djiguimde. Par rapport au thème de la journée, comment la RDC peut-elle arriver à une bonne santé de la population avec toutes les épidémies qui sévissent ?
Chargé de Bureau de l’Organisation mondiale de la santé en RDC [Dr. Amédée Prosper Djiguimde] : Merci beaucoup pour votre question. Je voudrais rappeler que la couverture de sante universelle est une des stratégies développées par les pays pour pouvoir garantir l’équité en matière de santé. Depuis 2005, les Etats-membres de l’OMS ont souscrit à cette résolution dont l’application se fait au cas par cas, en fonction de l’environnement de chaque pays.
Je voudrais rappeler que pour la RDC, la couverture sanitaire universelle est une priorité nationale portée au très haut niveau de l’Etat. Et également au niveau des partenaires techniques et financiers dont l’OMS, c’est également une stratégie, c’est également une initiative, c’est également un processus que nous soutenons afin que, où que le Congolais se trouve, il puisse bénéficier et accéder à des soins de qualité sans souffrir d’un appauvrissement de son état.
Et sachez que quand on regarde les dépenses de santé aujourd’hui dans certains pays, il y a des raisons de s’inquiéter. Beaucoup de personnes vont se faire soigner mais après ces soins, c’est l’appauvrissement total. Et la couverture sanitaire universelle permet de rassembler toutes les énergies concernant l’offre des soins, concernant les mécanismes de financement de l’offre des soins pour que les personnes puissent accéder facilement, en évitant les barrières financières, à des soins de qualité.
Et je pense qu’avec l’appropriation, avec le soutien de l’ensemble de la communauté nationale et internationale, nous osons croire que la CSU va être un déclic dans son processus de mise en œuvre pour que l’équité en matière de sante puisse être assurée au niveau de la RDC.
Question 2
Sébastien Kitsa Musayi/ Afrikimages Agency (Beni) : Ma question s’adresse au porte-parole de la MONUSCO. A quoi sert le mandat de la MONUSCO ou les Missions de maintien de la paix, si l’objectif du mandat assigné est toujours inachevé ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci pour la question. Le mandat de la MONUSCO, vous le savez, a deux orientations principales qui sont toutes aussi ambitieuses l’une que l’autre. L’une, c’est d’assurer la protection des civils et l’autre, c’est d’accompagner la restauration de l’autorité de l’Etat. Et l’un ne va pas sans l’autre. La protection des civils ne consiste pas uniquement à une réponse militaire contre les groupes armés. Ça consiste aussi à construire un environnement protecteur. Cela veut dire que lorsqu’il y a des problèmes de spoliation, lorsqu’il y a des problèmes d’agression, lorsqu’il y a des problèmes de violence qui sont exercés contre des individus, et bien, les Congolais ont un recours à une institution étatique, c’est-à-dire la police ou la justice.
Le problème dans les régions où nous sommes encore présents, c’est que justement les populations souvent n’ont pas recours à ce système de protection. Et il est important de rappeler que la protection des civils est avant tout la responsabilité des autorités congolaises. Nous venons en appui, cela ne veut pas dire qu’on se défausse de nos responsabilités, mais cela veut dire que c’est la police et l’armée congolaises qui sont en premier lieu responsables de la protection des civils.
Nous avons des moyens que nous mettons à leur disposition. Mais nous tenons à rappeler que protéger les civiles, ce n’est pas mettre un casque bleu dans chaque village, un casque bleu dans chaque maison. C’est faire avancer l’autorité de l’Etat.
Il est évident que nous sommes face à une situation extrêmement difficile pour la population - et opérationnellement également pour les FARDC et pour nous-mêmes - dans la région de Beni, avec la dispersion des ADF qui sont maintenant dans des zones qui sont encore plus difficiles d’accès, encore plus éloignées, mais nous continuons notre appui aux FARDC.
Nous avons déployé des bases temporaires à Tchabi, nous avons déployé des bases temporaires à Kilya. Nous sommes en train de construire une base pour les FARDC à Kididiwe. Donc nous continuons d’être au travail et nous continuons de soutenir l’armée congolaise qui est engagée dans des opérations très difficiles et dans une situation qui reste extrêmement tendue pour les populations qui sont les victimes des ADF.
Question 3
Luhembwe Ericsson/ Top Congo (Beni) : Merci pour votre exposé. Mais la question que j’avais à vous poser par rapport aux troubles qui sont à Beni actuellement, est celle de savoir quel est le village où la MONUSCO et la FIB [Brigade d’intervention] ont mené les opérations en territoire de Beni, depuis le début de l’année et quel est le bilan, pare que la résolution 2028 du 28 mai 2012, au point 12, autorise la MONUSCO ou la FIB d’aller seules ou avec les FARDC pour combattre les rebelles qui tuent au moins cinq personnes par jour et cela fait deux ans ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci pour la question. Je pense que comme la Représentante spéciale l’a dit récemment, nous ne sommes pas au niveau où on voudrait être en termes de planification d’opérations conjointes avec les FARDC.
Les opérations qui sont menées depuis deux ans sont des opérations où les FARDC, où l’armée congolaise est en première ligne, et nous sommes en appui pour faire en sorte qu’ils puissent tenir leurs positions.
Nous sommes convaincus que les opérations coup de poing contre des groupes armés peuvent être efficaces mais elles doivent être suivies d’une solidification. C’est le but de la stabilisation, d’une présence qui soit pérennisée de l’armée. Et c’est sur ça qu’on travaille. Et on travaille aussi sur le soutien aux FARDC dans le cadre des opérations qu’elles font. C’est comme ça que d’ailleurs aujourd’hui même, il y a eu un échange de coups de feu entre nos Casques bleus et des ADF, qui ont réussi à repousser une attaque contre un camp des FARDC à Vido.
Il y a plein d’attaques qui sont repoussées. Mais vous avez raison de pointer qu’il y a aussi plein d’exemples malheureusement d’attaques que nous n’arrivons pas à déjouer, que nous n’arrivons pas à anticiper. Et on continue à travailler avec les FARDC.
Mais il faut bien comprendre que c’est l’armée congolaise qui est en première ligne. Nous sommes là en soutien et nous travaillons à la fois au soutien aux opérations quotidiennes des FARDC et à la pérennisation de la présence des FARDC. Parce que c’est uniquement lorsque nous aurons des institutions solidement ancrées au sein des communautés dans ces zones, que nous pourrons faire des progrès durables contre des groupes armés.
Question 4
Venant Vudisa/ RTNC : Mathias, vous êtes le porte-parole de la Mission onusienne en RDC. Madame Bintou Keita a présenté dernièrement le rapport au Conseil de sécurité sur la RDC
Mais malheureusement, vous n’avez pas fait allusion à cela. On aimerait savoir quels sont les grands points de ce rapport ? Est-ce que le rapport reflète les réalités congolaises ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Oui, vous savez, le briefing de Mme Keita est public. Il est donc disponible partout. Il était même diffusé, je pense qu’on vous a même envoyé le lien pour que vous puissiez le suivre en direct. C’est vrai que je ne voulais pas revenir sur quelque chose qui date d’une semaine.
Evidemment, Mme Keita a présenté ses principales orientations, ses premières impressions sur les visites qu’elle a pu faire dans les différents bureaux. Il y a toujours l’axe de la protection des civils, il y a toujours les progrès qui sont faits pour la restauration de l’autorité de l’Etat. Et évidemment, une discussion avec les membres du Conseil de sécurité sur leurs priorités aussi qu’ils souhaitent voir refléter.
Je sais qu’une bonne partie des discussions a aussi porté sur la stratégie de retrait de la MONUSCO. Comme vous le savez, nous sommes dans une stratégie qui se veut responsable et durable et conjointe avec le gouvernement.
Donc, on a été enjoints à travailler avec le gouvernement pour continuer à voir comment on peut - de manière évidemment graduelle et progressive et liée à la situation sur le terrain - comment on peut commencer à envisager un retrait, notamment du Tanganyika, afin de pouvoir recentrer nos moyens sur les trois provinces où le conflit est le plus complexe et le plus enraciné dans les communautés, c’est-à-dire le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri.
Il est évident que pour faire ce travail avec le gouvernement congolais, et bien, nous attendons également la formation d’un gouvernement qui devrait être annoncé sous peu, si j’en crois vos écrits.
Question 5
Fabrice Lukamba/ Liberté Plus : En début de conférence, vous avez parlé de la fermeture des bureaux de la MONUSCO au niveau des Kasaï. Est-ce que nous pouvons savoir les raisons de cette fermeture ?
La deuxième question, je la pose au Docteur Prosper. Comment, de façon plus concrète, l’OMS est aujourd’hui en train d’accompagner le gouvernement congolais, notamment dans la lutte contre le coronavirus ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je vais commencer, si vous le voulez bien, Docteur Prosper. Le critère qui est appliqué pour décider si on peut se retirer d’une province, c’est évidemment le degré de conflit armé et de violence armée qui existent.
Il fût un temps, la MONUSCO était partout. Nous nous sommes retirés, comme vous le savez, il y a deux ans, de Kinsangani, de Lubumbashi, de Dungu, de Matadi, de Mbandaka et d’autres bureaux, à partir du diagnostic que les menaces potentielles à la sécurité pouvaient être prises en charge par les forces de sécurité nationales.
C’est cela le critère principal : à partir du moment où on estime que les forces de sécurité nationales peuvent gérer les situations, à ce moment-là on se retire. Parce que ce sont les forces de sécurité nationales qui sont en premier lieu responsables de la sécurité des citoyens congolais et congolaises.
Chargé de Bureau de l’Organisation mondiale de la santé en RDC [Dr. Amédée Prosper Djiguimde] : Pour répondre à la question qui m’a été posée sur la contribution, de façon concrète, de l’Organisation mondiale de la santé à l’effort consenti par la RDC dans cette riposte, je voudrais simplement rappeler que, nonobstant tout ce que nous pouvons voir pour tout ce qui concerne la gestion de la pandémie actuelle, il faut se dire que nous, en tant qu’Organisation mondiale de la santé, nous sommes au cœur et nous sommes au front, chaque fois, avec l’Etat congolais dans toutes les crises sanitaires.
J’ai parlé tantôt des différentes épidémies : que ce soit Ebola, que ce soit la rougeole, que ce soit le choléra, nous sommes sur tous les fronts avec l’Etat congolais.
Particulièrement et spécifiquement, pour ce qui est de cette pandémie, notre accompagnement à l’Etat congolais se situe à plusieurs niveaux. Et quand je dis à plusieurs niveaux, il faut voir également l’appui que les différents niveaux de l’Organisation apportent à la RDC : que ce soit le niveau du Bureau pays, que ce soit le niveau des sous-bureaux dans le pays ici, que ce soit le niveau régional, que ce soit le niveau du Siège, il y a toute une synergie pour soutenir véritablement la RDC dans cette riposte.
C’est un accompagnement aussi bien sur le plan technique que sur le plan financier. Financier à travers bien sûr un plaidoyer auprès des bailleurs de fonds pour pouvoir soutenir efficacement les interventions. Technique, nous intervenons dans l’ensemble des différents piliers de la riposte : le pilier coordination pour la riposte, le pilier surveillance, le pilier en charge de la prévention et du contrôle des infections, et tout ce qui est autre élément notamment en lien avec les laboratoires et bien sûr la prise en charge des cas.
Nous intervenons de façon concrète, de façon très intelligente avec la partie nationale et, bien sûr, avec le concours aussi des autres partenaires qui interviennent également au niveau de la RDC.
C’est vrai que nous avons une expertise qui est aux différents niveaux du système. Nous avons aussi bien au niveau central à Kinshasa plus d’une centaine d’experts qui sont aux côtés de ceux au niveau national pour cette riposte. Et également au niveau de plusieurs provinces, nous en avons.
Donc voilà de façon brève ce que je peux dire au sujet de notre accompagnement concret pour ce qui est de la riposte.
Question 6
Samy Shamamba/ Congo 26 (Goma) : Je voulais un peu revenir sur la question de Beni parce que je reviens de là. De Kasindi à Beni, c’est la route d’intérêt national, mais je trouve injuste que la MONUSCO ne veut pas toujours intervenir dans cet axe. Je me dis pourquoi ? Et je me demande si vous pouvez comprendre l’intérêt capital de cette route. Comment pensez-vous intervenir immédiatement, même demain ? Merci beaucoup.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup pour la question. On nous reproche souvent de rester sur les routes principales et de ne pas aller justement au plus près des populations qui sont exposées à la violence en brousse. Et ensuite, dans le même souffle, vous nous reprochez de ne pas assez travailler sur les axes principaux.
Ce que je peux vous dire, c’est que les axes principaux - comme vous le dites cette route de Beni à Kasindi, la route qui approvisionne Bunia en Ituri, la route nationale 5 dans le Sud-Kivu - font partie de nos priorités.
Est-ce que ça veut dire qu’il ne va pas y avoir de temps en temps des attaques ? Evidemment, ce sont des routes qui sont extrêmement longues et nous n’avons pas un nombre de Casques bleus qui permettent de faire un barrage humain à tous les niveaux.
Mais je peux vous assurer qu’effectivement, les axes principaux qui permettent de maintenir une activité économique font partie des priorités de la Force en termes de sécurisation et que nous faisons face – pas forcément sur cette route-là mais sur d’autres – à la fois à des problèmes liés aux groupes armés mais aussi à des problèmes liés à la criminalité.
Et donc il faut que nous fassions un travail de fond, avec encore une fois nos partenaires congolais, pour permettre à ces axes d’être pleinement sécurisés. C’est une de nos priorités.
Question 7
John Ngoyi/ La Prospérité : J’adresse ma question à Monsieur Mathias. Lors de sa toute première conférence, Madame Keita a reconnu que la MONUSCO perd de plus en plus de crédibilité, surtout à l’est du pays, du fait que les Congolais de là-bas pensent que la MONUSCO ne fait rien et se délaisse dans leur appui aux apports des FARDC. Alors ma question est de savoir : comment est-ce que la MONUSCO ferait en sorte de redorer cette image, au moment où le mouvement LUCHA qui de plus en plus est en train d’accroître ses actions pour réclamer le départ même de la MONUSCO ? Ils sont en train de répandre cette nouvelle parmi la population et cela devient de plus en plus ancré, non pas seulement à l’est mais même ici à Kinshasa. Que ferait la MONUSCO pour riposter face à cela ? Merci.
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : J’entends souvent qu’il faut que nous redorions notre image, qu’il faut qu’on travaille sur notre image. Je pense qu’il y a un vrai travail de communication effectivement qu’on essaie de faire avec les communautés avec lesquelles on travaille.
Mais je pense que pour redorer notre image, il faut évidemment des résultats. L’idée n’est pas de redorer son image pour faire de la communication. L’idée c’est de montrer ce que nous faisons et de le faire avec un sens de la proportion et de la justice.
Je pense qu’il est important de rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, des militants de la Lucha demandaient notre protection et l’obtenaient. Nous avons beaucoup travaillé avec la société civile pour justement faire émerger une société civile forte et qui soit en mesure de faire des réclamations, de manifester et de faire connaitre leurs opinions.
C’est pour cela que je tiens encore une fois à rappeler que les Nations Unies sont pleinement attachées à la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation. Tout le monde, tous les Congolais ont le droit de penser que la MONUSCO n’a pas complètement réussi sa mission ou qu’au contraire elle a apporté quelque chose. C’est un débat qu’on peut avoir. Nous ne sommes pas hermétiques à la critique.
Simplement, tout ce qui rajoute de la violence à la violence, ce qui rajoute de l’instabilité à l’instabilité est non seulement contre-productif mais aussi inacceptable du point de vue des droits de l’homme.
Je pense que c’est important de le rappeler. Le droit à la manifestation ce n’est pas le droit de manifester de manière violente. Il y a des règles de la République qu’il faut respecter. Mais nous serons toujours aux côtés de ceux qui veulent défendre la liberté d’expression même lorsque cette expression consiste en des critiques à notre égard.
Question 8
Erikas Mwisi/Reuters (Beni) : Je sais que vous le savez qu’il y a quelques jours vos engins ne circulent pas ici parce que certains groupes de pression ont demandé des mains et des pieds le départ de la MONUSCO. Simplement parce que ces groupes de pression jugent insatisfaisant le travail des forces de la MONUSCO. Si c’est pour ce travail que la MONUSCO est venue ici au pays comme vous l’avez toujours dit, qu’attend vraiment la MONUSCO pour pouvoir répondre à ce desiderata de la population pour pouvoir partir ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Je pense que le maire de Butembo, à ce que j’ai lu dans la presse, a eu des échanges avec les militants et rappelé les principes élémentaires. La MONUSCO est déployée ici à la demande du Conseil de sécurité et avec l’accord du pays.
Lorsque nous rencontrons les autorités congolaises, les autorités gouvernementales, le président, les gouverneurs sur place, ils nous disent tous qu’ils ont besoin de notre soutien. Parfois ils ont évidemment des desiderata qui sont en peu différents des nôtres, c’est une discussion, c’est une collaboration. Mais nous sommes ici à l’invitation du gouvernement. Ce n’est pas nous qui décidons que nous restons. Nous ne sommes pas là pour nous accrocher si le gouvernement et les autorités congolaises ne veulent plus de notre présence.
Mais néanmoins, je voudrais quand même aussi insister. Lorsque vous allez à Roe dans l’Ituri, lorsque vous allez dans les Hauts-Plateaux, nous avons des dizaines des milliers des Congolais qui vivent sous notre protection. Je pense qu’il ne faut pas oublier aussi ces dizaines des milliers des Congolais qui, tous les jours, viennent trouver refuge auprès de nos bases.
Demander à la MONUSCO d’être plus efficace, demander à la MONUSCO d’être plus déterminée ou de travailler encore plus près auprès des FARDC, c’est tout à fait légitime. C’est un travail que nous continuons à faire. Demander son départ avec des dizaines de milliers de personnes qui trouvent refuge chaque jour auprès de nos bases, cela ne me semple pas aller dans le sens d’une stabilisation pour la région.
Et je tiens à dire, puisque j’ai un de mes collègues humanitaires ici, que les menaces dirigées contre les humanitaires sont absolument inacceptables et qu’encore une fois, les populations qui bénéficient de l’aide humanitaire, je pense, ne partagent pas certains messages de haine qui sont, en ce moment, en circulation.
Question 9
Gilbert Mulumba/ La Prospérité : Ma question s’adresse particulièrement à Monsieur Mathias. Récemment, un dialogue inter communautaire a eu lieu, en rapport avec la situation qui prévaut dans les Hauts et Moyens-plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira. Des conclusions ont été tirées et des recommandations ont été formulées. Comment la MONUSCO est-elle résolue à accompagner ces résolutions ainsi que ces conclusions issues de ce dialogue ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Oui merci. Effectivement, il y a des dialogues communautaires, c’est un processus qui n’est pas nouveau. C’est un processus qui a eu plusieurs étapes qui parfois, n’ont pas été suivies des faits, et parfois, ont permis des améliorations.
Nous, nous insistons toujours sur le fait qu’il y a, effectivement, le travail militaire à faire pour désarmer les groupes armés, pour neutraliser les groupes qui, parfois, prétendent défendre les communautés mais qui, en réalité, sont aussi des groupes de prédation de la population.
Mais il faut accompagner cela d’un vrai dialogue communautaire. Ce que la MONUSCO peut faire, c’est soutenir ce dialogue, c’est soutenir son organisation, c’est mettre en place des structures de médiation. Mais il faut bien rappeler que la réconciliation communautaire entre Congolais ce n’est pas la MONUSCO qui va la faire à la place des Congolais. La réconciliation communautaire c’est vraiment les communautés du Congo qui doivent à la source trouver, identifier les mécanismes, identifier comment on peut arriver à vivre ensemble lorsqu’on n’y arrive pas.
Et un des critères qui permet cela, c’est encore une fois de créer un environnement protecteur, de créer une police, une justice qui permettent, lorsqu’il y a des désaccords, lorsqu’il y a des agressions, lorsqu’il y a des spoliations de terre, des spoliations de biens, de se tourner vers un policier et un juge qui vont pouvoir régler le différend de manière pacifique plutôt que d’avoir comme unique recours, ce qui est souvent malheureusement le cas, eh bien de se défendre soi-même.
Question 10
Nicolas Ekila/ 24h News RDC (Beni) : Ma question s’adresse au porte-parole de la MONUSCO. Pourquoi vous ne respectez pas la Résolution 2098 du 28 mars 2013 qui autorise de combattre sans les FARDC. Mais vous préférez être derrière les FARDC. Ne violez-vous pas cette Résolution ?
Porte-parole de la MONUSCO [Mathias Gillmann] : Non, je ne pense pas que nous violons cette Résolution. Cette Résolution ouvre la porte à des opérations qui soient faites de manière indépendante, effectivement.
Mais nous travaillons dans un pays, je vous rappelle, qui est souverain, dans un pays qui a une armée. Une armée qui est actuellement au charbon, aux combats. Et nous travaillons selon les besoins de cette armée.
Vous pouvez sourire, vous pouvez regretter que cela soit le cas, mais vous avez une armée qui travaille. Et nous, notre but, c’est de soutenir cette armée pour qu’elle puisse obtenir les meilleurs résultats possibles. Et évidemment, au cas où l’armée est absolument absente et qu’il y a une menace directe sur des populations qui se passe juste devant nous, évidemment, nous devons intervenir. C’est cela notre mandat.
Mais notre mandat, c’est avant tout de permettre que l’armée et la police remplissent leur responsabilité première de protection des populations et de maintien de l’ordre sur tout le territoire de la République démocratique du Congo.
Je vous remercie beaucoup. Merci à tous d’avoir été présents. Merci à docteur Prosper. Et je vous dis à dans deux semaines !